Fall 2021-092N

Non-suppression de commentaires sur Facebook

Neuenburg

Verfahrensgeschichte
2021 2021-092N Le prévenu est libéré du chef d'accusation d'incitation à la haine, art. 261bis CP, comme l'a admis le tribunal de police.
Juristische Suchbegriffe
Tathandlung / Objektiver Tatbestand Verbreiten von Ideologien (Abs. 2)
Schutzobjekt Religion
Spezialfragen zum Tatbestand Geschütztes Rechtsgut;
Subjektiver Tatbestand
Stichwörter
Tätergruppen Politische Akteure
Opfergruppen Muslime
Tatmittel Schrift;
Weitere Tatmittel
Gesellschaftliches Umfeld Soziale Medien
Ideologie Muslimfeindlichkeit

Kurzfassung

Le prévenu – politicien du parti X. et secrétaire général de ce parti, ancien membre du Conseil national et du Conseil d’État neuchâtelois – tient une page Facebook publique depuis 2013.
En l’espèce, il a partagé un article intitulé « Près de Lyon, une inquiétante école musulmane sous contrat et … sous influence » avec le commentaire « l’infection s’étend ». En outre, d’autres personnes ont publié des commentaires litigieux sur le compte Facebook du prévenu.
L'appelant reproche au prévenu d'avoir contrevenu à l'article 261bis al. 2 CP en offrant a ses adeptes une tribune sur son compte Facebook sans y mettre lui-même aucun ordre.
Le Tribunal cantonal juge qu’il n'est pas question, de manière générale, d'exiger du titulaire d'un compte Facebook de surveiller en permanence les réactions postées par des tiers à ses propres publications. Il n'est pas non plus question de rendre le titulaire du compte systématiquement et pénalement responsable des commentaires postés par des tiers. Le prévenu doit donc être libéré du chef d'accusation d'incitation à la haine, comme l'a admis le tribunal de police. L'appel du ministère public est mal fondé sur ce point. Le jugement attaqué est annulé est réformé. Le prévenu est acquitté.

Sachverhalt

Le prévenu – politicien du parti X. et secrétaire général de ce parti, ancien membre du Conseil national et du Conseil d’État neuchâtelois – tient une page Facebook publique depuis 2013. Pour l’essentiel, les thèmes qu’il y aborde sont ceux « qui sont chers à son partie ». En 2014 il y a publié des commentaires incitant à la haine envers les citoyens musulmans, pour lesquelles il a déjà été condamné en 2020 par le Tribunal fédéral (v. 2020-032 « Islamophobie d’un conseiller national »).
En l’espèce, il a partagé un article intitulé « Près de Lyon, une inquiétante école musulmane sous contrat et … sous influence » avec le commentaire « l’infection s’étend ».
En outre, d’autres personnes ont publié des commentaires litigieux sur le compte Facebook du prévenu dans le cadre d'une polémique qu'il avait lancée sur son à propos des musulmans. Les commentaires étaient les suivants :
· Image représentant une bouteille incendiaire avec le texte «En bon voisin offre de la chaleur à la mosquée du coin»
· «Bravo [prévenu]. Tout ce monde retour dans leur pays et on détruit les mosquées et tout ce qui va avec»
· Image représentant un soldat utilisant un lance-flamme avec le texte «Nettoyez-moi toute cette merde» ainsi que le commentaire «Fusillez moi tout ça»
· «Je veux bien les aider à devenir martyre... tout seuls» et «On va devoir se mettre en mode antibiotique»
· «Ce serait le moment de se poser des questions quand à ce musée ou à chaque fois que je passais devant j'avais de lancer une grenade...»
· «L'islam c'est comme le cancer, il progresse en silence ! Quand tu n'en entends pas parler, tu crois le danger écarté et c'est là qu'il avance... !!! Et ces connards de Bruxelles voudraient nous enlever nos flingues !!!!! Et pourquoi pas nous apprendre à nous mettre à 4 pattes pour la prière !!!!!! »
· Image d'une guillotine avec le commentaire «J'espère que mon compte ne soit pas suspendu quelques jours LOL !!»)
· «à faire sauter», en commentaire à l'image du Musée des Civilisations islamiques
«Oui, c'est vrai à faire sauter avec tous ceux (...) qui sont dedans»
L'appelant reproche au prévenu d'avoir contrevenu à l'article 261bis al. 2 CP en offrant a ses adeptes une tribune sur son compte Facebook sans y mettre lui-même aucun ordre.

Renvoi au cas 2020-032N: même politicien («On en redemande»).

Rechtliche Erwägungen

Selon la jurisprudence, l'article 261bis CP vise notamment à protéger la dignité que tout homme acquiert dès la naissance et l'égalité entre les êtres humains. Déterminer le contenu d'un message relève de l'établissement des faits. Dans une démocratie, il est essentiel que même les opinions qui déplaisent à la majorité, ou celles qui choquent nombre de personnes, puissent être exprimées et les propos tenus dans un débat politique ne doivent pas être appréhendés de manière strictement littérale parce que les simplifications et les exagérations sont usuelles dans un tel contexte.

En l'espèce, il est reproché à l'intimé d'avoir commenté sur sa page Facebook l'existence d'une école musulmane près de Lyon avec ces mots : «L'infection s'étend». Contrairement à ce que le ministère public soutient, cette publication ne tombe pas sous le coup de l’art. 261bis CP, car il ne peut pas être retenu que le prévenu aurait qualifié d'«infection qui s'étend» les musulmans en général.

En outre, l'acte d'accusation reproche au prévenu d'avoir maintenu sur son mur virtuel, de manière à être lu par un large public, des commentaires de tiers appelant à la haine et a des actes de violence contre des personnes en raison de leur appartenance religieuse, ce qui peut tomber sous le coup des alinéas 1 et 4 de l'article 261bis CP. Comme l'a observé avec raison le premier juge, à strictement parler, maintenir suppose une action positive, alors qu'on comprend de l'ensemble du dossier qu'il n'est pas reproché à l'intéressé d'avoir effectué une manipulation particulière pour que les commentaires litigieux demeurent sur son compte, mais au contraire de ne pas avoir modéré celui-ci, c'est-à-dire de ne pas avoir supprimé les commentaires jugés contraires à l'article 261bisCP voire de les avoir suscités.

En l'espèce, il est constant que le prévenu, qui est une personnalité publique engagée politiquement, est titulaire d'un compte Facebook ouvert à tous qu'il alimente presque tous les jours et qui suscite des commentaires. Autrement dit, il utilise son compte Facebook d'une façon comparable à celle d’un forum de discussion. Les thèmes abordés sont ceux qui sont « chers à son parti ». Le prévenu, en abordant un sujet comme le financement d'une tendance de l'islam radical par les « Frères musulmans » ou par le biais du Qatar, a déclaré qu'il savait que ses publications avaient un caractère politique et suscitaient la polémique. S'il a précisé qu'il ne se sentait pas responsable des commentaires faits par les personnes qui consultent son compte Facebook, il a ajouté qu'il avait supprimé certains commentaires lorsqu'il avait eu l'occasion de le faire - il se livrait régulièrement à cet exercice qui devenait de plus en plus compliqué avec l'écoulement du temps et qu'il avait bloqué deux cents personnes, voire quatre cents à ce jour.

En application des principes développes par le Tribunal fédéral (6B_645/2007), il n'est pas question, de manière générale, d'exiger du titulaire d'un compte Facebook (i.e. le prévenu) de surveiller en permanence les réactions postées par des tiers à ses propres publications. Il n'est pas non plus question de rendre le titulaire du compte (et auteur du message originel, i.e. le prévenu) systématiquement et pénalement responsable des commentaires postés par des tiers. La situation est différente lorsqu'il est avisé de la présence sur sa page Facebook de commentaires problématiques. Cependant, il est impossible de déterminer si et quand le prévenu a pris connaissance de tout ou seulement certains des commentaires visés par l'acte d'accusation.

Entscheid

II résulte des considérations que le prévenu doit être libéré du chef d'accusation d'incitation à la haine, comme l'a admis le tribunal de police. L'appel du ministère public est mal fondé sur ce point.
Le jugement attaqué est annulé est réformé. Le prévenu est acquitté.