Caso 2016-048N

Geste de la « quenelle » devant une synagogue

Ginevra

Cronistoria della procedura
2016 2016-048N Le tribunal reconnaît le prévenu coupable de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 1ère partie CP).
Criteri di ricerca giuridici
Atto / Fattispecie oggettiva Propagazione di un'ideologia (2° comma);
Discredito o discriminazione (4° comma 1ª metà)
Oggetto della protezione Razza;
Religione
Domande specifiche sulla fattispecie Pubblicamente (in pubblico);
Fattispecie soggettiva
Parole chiave
Autori Persone private
Vittime Ebrei
Mezzi utilizzati Gesti
Contesto sociale Luoghi pubblici;
Media (Internet incl.)
Ideologia Antisemitismo

Sintesi

Il est reproché au prévenu d’avoir effectué un geste antisémite devant la synagogue de Genève.
Le prévenu a été acquitté par le tribunal de première instance du chef de discrimination raciale (Art. 261bis al. 2, 3 et 4 1ère partie CP).
Le tribunal de deuxième instance reconnaît le prévenu coupable de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 1ère partie CP).

In fatto

Il est reproché au prévenu d’avoir effectué le geste de la « quenelle » devant la synagogue de Genève. Une photo du prévenu accompagné d’un civil et d’un militaire en train de faire cela – les trois ayant le visage partiellement caché – a été publié dans la version électronique du journal 20 minutes.
La « quenelle » est un geste consistant à tendre un bras vers le bas tout en positionnant la main de l'autre bras sur l'épaule. Ce geste a été démocratisé par l’humoriste controversé Dieudonné, condamné à plusieurs reprises pour propos antisémites.

In diritto

Liberté d’expression et Quenelle

Le tribunal commence par rappeler l’histoire et la signification du geste de la « quenelle ». Le geste consistant à tendre un bras vers le bas tout en positionnant la main de l'autre bras sur l'épaule a été effectué pour la première fois en 2005 par Dieudonné dans son spectacle portant sur la laïcité. La « quenelle » revêt une dimension polysémique. Selon son créateur, il s'agit d'un « bras d’honneur détendu », soit une manifestation de l'« antisystème », sans aucune portée antisémite. Mais par d’autres elle est qualifiée de « salut nazi inversé, signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah ». En France, la « quenelle » a été reprise par de nombreux sympathisants qui se sont photographiés dans cette posture et ont publié des milliers de clichés.
La CourEDH a analysé la teneur du discours de Dieudonné et estimé que ses propos ne bénéficiaient pas de la protection de la liberté d’expression dans la mesure ou son spectacle avait perdu son caractère de divertissement pour devenir un meeting qui valorisait le négationnisme.
Le tribunal rappelle que le judaïsmeconstitue une religion au sens de l'Art. 261bis CP.

Le tribunal rappelle que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour apprécier si une expression relève du droit pénal, il faut se fonder sur le sens qu’un tiers moyen non averti doit, dans les circonstances d’espèce, lui attribuer. Une expression faite publiquement relève de l’Art. 261bis al. 4 1ère partie CP lorsqu’elle serait comprise par un tiers moyen non averti dans les circonstances d’espèce comme relevant de la discrimination raciale et que le prévenu s’est accommodé du fait que son expression pouvait être interprétée dans ce sens.

Le tribunal souligne qu’au sens de l’Art. 261bis CP, il est nécessaire que l’appartenance à une race, à une ethnie ou à une religion déterminées soit la raison pour laquelle l’auteur rabaisse les personnes concernées. L’interprétation des gestes est parfois plus difficile que les expressions verbales.

Le tribunal rappelle que l’Art. 261bis al. 2 CP prévoit que l'acte délictueux a pour objectif de porter à la connaissance de ceux à qui l'on s'adresse un certain contenu, une situation ou une évaluation et donc, implicitement, d'en faire propagande. Il renvoie au raisonnement du Tribunal fédéral concernant le salut hitlérien. Le Tribunal fédéral a retenu que le salut hitlérien reflétait une idéologie au sens de l’Art. 261bis al. 2 CP. Toutefois, pour que les faits tombent sous le coup de cet alinéa, il importe que les tiers ne soient pas déjà partisans de l’idéologie. Il faut que le salut ne consiste pas uniquement à manifester sa propre appartenance mais que l’auteur propage cette idéologie auprès de tiers.

En l’espère, le Tribunal estime que l’élément de la propagande fait en l’espèce défaut. Les circonstances d'exécution de la « quenelle » par l'intimé – un jour de vacances scolaires, pendant les fêtes de fin d'année, en présence de ses deux comparses, du photographe et de quelques badauds, devant la Grande synagogue de Genève, juste le temps de faire un cliché photographique – ne comportent aucune caractéristique propre à de la propagande, notion que le Tribunal fédéral a restrictivement définie. Sur le plan subjectif, aucun élément à la procédure n'atteste d'une volonté de propagation chez l'intimé. Son geste n’était pas destiné à gagner des tiers non impliqués à une hypothétique idéologie, ni à la promouvoir. Compte tenu de ce qui précède, le tribunal juge que l'alinéa 2 de l'Art. 261bis CP ne trouve pas application.

Le tribunal rappelle que le geste de la « quenelle » peut, selon les circonstances relatives à son exécution, constituer une manifestation de l'antisémitisme. Tel fut notamment le cas lorsqu'il a été effectué par Dieudonné lors de spectacles – dont le contenu a été pénalement sanctionné par la justice française comme injure publique envers les personnes de confession juive, respectivement qualifié par la CourEDH de démonstration haineuse et antisémite. Dans le cas d'espèce, il ne peut qu'être inféré des circonstances, principalement du lieu exécution – devant une synagogue –, que la « quenelle » effectuée par l'intimé visait les personnes de confession juive. Sur la base de ce constat, seules les hypothèses du salut hitlérien inversé ou du symbole de la sodomie des juifs entrent en ligne de compte.

D'un point de vue objectif, le Tribunal fédéral a d'ores et déjà qualifié le salut hitlérien comme une caractéristique du national-socialisme, dont l'exécution pouvait être réprimée par l'art. 216bis al. 4 1ère partie CP selon les circonstances. Que ce salut soit inversé ou non n'est évidemment pas relevant. En tant que symbole de la sodomie des personnes de confession juive, la « quenelle » ne peut que constituer un geste méprisant et rabaissant propre à remettre en question leur valeur en tant qu'être humain. En effet, la sodomie est synonyme de soumission voir d'humiliation pour le sodomisé, et de supériorité pour le sodomisant. La notion de supériorité ressort également de celle de la contrainte, l'auteur de la « quenelle » l'imposant à sa cible. Les condamnations déjà prononcées en France à l'encontre d'individus ayant exécuté ce geste devant le Mémorial de l'Holocauste à Berlin et une synagogue à Bordeaux, pour les chefs d'infractions d'injures à caractère racial, de provocation publique à la discrimination et à la haine raciale, constituent assurément des éléments corroboratifs. Quelle que soit celle des deux hypothèses considérées, il est question d'un acte rabaissant et/ou discriminant les personnes de confession juive au sens de l'Art. 261bis al. 4 1ère partie CP, étant précisé que l'on ne distingue aucun autre motif que leur appartenance à cette religion expliquant qu'elles en soient la cible.

Il convient, dans un deuxième temps, de déterminer quel est le sens qu’un tiers moyen non averti aurait, dans les circonstances d’espèce, attribué en observant l'intimé effectuer le geste de la « quenelle » dans un tel contexte. On soulignera, à ce propos, que le citoyen genevois évolue dans un milieu franco-suisse sur le plan géographique mais aussi culturel, eu notamment égard au nombre plus élevé de chaînes télévisées françaises que suisses qui sont diffusées dans le canton, parmi d'autres échanges. Le tribunal estime sans aucun doute qu’un observateur moyen apercevant trois individus, dont l'intimé vêtu d'habits noirs, visage et tête cachés, et un militaire en tenue d'assaut, visage en partie camouflé, posant devant la synagogue, soit un lieu de culte juif notoirement connu à Genève, effectuant le geste litigieux, aurait immédiatement pensé à un acte de nature antisémite.

Concernant l’élément subjectif, le tribunal estime que le fait que le prévenu ait choisi d’effectuer le geste de la « quenelle » devant une synagogue, qu’il ait reconnu que cela pouvait être interprété comme acte antisémite ainsi que le fait qu’il ait camouflé son visage plaident en faveur du fait que l'intimé était conscient du caractère répréhensible de son acte, bien qu'il le conteste, et de ses éventuelles conséquences pénales. Le tribunal juge donc que l’élément subjectif est rempli.
Alors même que cela découle des précédents considérants, il sied encore de souligner que le critère de la publicité est réalisé, indépendamment du nombre de spectateurs présents, dans la mesure où l'intimé a choisi de s'exécuter dans la rue, soit sur le trottoir jouxtant la synagogue, qui est un espace public. C'est également le lieu de préciser qu'il importe peu de savoir si des usagers de la synagogue ont été témoins directs du geste, en sus des quelques passants, la jurisprudence ne l'exigeant pas.

Decisione

Le tribunal reconnaît le prévenu coupable de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 1ère partie CP). Il est condamné à une peine pécuniaire de 80 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à CHF 10.00, avec sursis pendant 3 ans. Le prévenu supporte lest frais de procédure de CHF 2’000.00.