Caso 2022-034N

Critique envers le sionisme dans les médias et la politique français

Vaud

Cronistoria della procedura
2022 2022-034N Le Ministère public prononce un classement de la procédure pénale.
Criteri di ricerca giuridici
Atto / Fattispecie oggettiva Art. 261bis CP / 171c CPM (nessuna specificazione della fattispecie)
Oggetto della protezione Etnia;
Religione
Domande specifiche sulla fattispecie
Parole chiave
Autori Persone politiche
Vittime Ebrei
Mezzi utilizzati Scritti
Contesto sociale Internet (senza social media)
Ideologia Antisemitismo

Sintesi

Le prévenu est un écrivain et éditeur franco-suisse, président d’une association poli« trans-courant ». Le prévenu est accusé d'avoir tenu des propos susceptibles de relever d'incitation à la haine ou de discrimination, au sens de l'art. 261bis CP, dans une vidéo intitulée « Comprendre l’époque – Conférence en ligne ». La vidéo, diffusée en direct puis sur deux sites, contenait divers passages controversés.

  • Le prévenu accuse le pouvoir en place de manipuler l'opinion publique à travers des thèmes comme la lutte contre le virus, le réchauffement climatique et le terrorisme islamique. Il affirme que ces manipulations servent à cacher l'illégitimité du pouvoir actuel.
  • Il exprime des doutes sur la sincérité des mouvements patriotiques militaires et critique ce qu'il appelle l'« arnaque du National-sionisme ». Il dénonce la continuité entre des figures politiques comme Éric Zemmour et Alain Finkielkraut.
  • Le prévenu mentionne son soutien à Hervé Ryssen et compare son comportement judiciaire à celui de négationnistes notoires. Il affirme que Ryssen a renoncé à discuter d'un sujet tabou lors de son procès, contrairement à d'autres figures contestées.
  • Il commente l'affaire Sarah Halimi en critiquant sévèrement les politiques menées par certaines figures et organisations juives en France, qu'il accuse d'avoir contribué à une situation de justice qu'il perçoit comme injuste et non universelle.
  • Le prévenu critique ceux qui protestent contre le traitement de l'affaire Halimi par la justice française, spécifiant que les responsables de la situation actuelle sont les mêmes qui dénoncent ses conséquences.
Le Ministère public prononce un classement de la procédure pénale.

In fatto

Le prévenu est un écrivain et éditeur franco-suisse. Il est président ’une association politique « trans-courant ». Il est reproché au prévenu d’avoir tenu, dans une vidéo intitulée « Comprendre l’époque – Conférence en ligne », diffusée en direct, puis parue notamment sur deux sites, divers propos susceptibles de relever d’incitation à la haine ou de discrimination, au sens de l’art. 261bis CP. Notamment, il s’agit des propos suivants :

  • « Donc, on voit bien, effectivement, qu'on a un pouvoir aujourd'hui qui joue le KO, en contradiction des intérêts du peuple français, et qui pour essayer de cacher qu'ils sont devenus totalement illégitimes, parasitaires et en contradiction totale avec les valeurs qui les ont amenés au pouvoir sur la longue durée, qui étaient l'égalité citoyenne et le pouvoir du peuple. Eh bien aujourd'hui, je vous dis, ils s'appuient sur des choses qui, en apparence, ne sont pas politiques hein, pour bien embrouiller la ménagère de 50 ans : la lutte contre le virus, la lutte contre le réchauffement climatique dont nous serions responsables, et la lutte contre un terrorisme islamique qui aura été, quand on regarde, non seulement fait très peu de morts en France, parce que le terrorisme islamique tue beaucoup plus de monde, sans aucune proportion, dans le monde arabe que dans le monde occidental. Et puis quand on regarde bien, notamment simplement sur le rôle de FABIUS en Syrie, puisqu'il faut prendre des exemples, ce terrorisme islamique, on l'a favorisé - et quand je dis « on », c'est notre système de domination - on l'a favorisé par tous les moyens, voilà. »
  • « Et que ces militaires, pour affirmer leur patriotisme et leur désir de redresser la France, prennent comme avocat un avocat israélien. Quand on sait ce qui s'est passé en France depuis l'éviction du Général de Gaulle pour son discours de novembre 67, on se dit que ça pue et que ce n'est pas très bon signe, voilà. Donc moi, je pense que tant que les militaires qui tenteront quelque chose ne seront pas, on va dire des types que capitaine au maximum ou lieutenant-colonel, et tant qu'on aura des types genre Général de Villiers, je pense que c'est de l'arnaque. C'est cette arnaque que nous dénonçons avec d'autres depuis déjà des mois et des mois et que les gens n'avaient pas forcément comprise depuis le début, qui s'appelle l'arnaque du « National-sionisme » où en fait, c'est comme disait Lampedusa « Tout changer pour ne rien changer ». Si, in fine, on passe de l'idéologie on va dire « Cohn-Bendit / BHL » à l'idéologie « Zemmour / Finkielkraut », voilà. Ce n'est pas ça qui va sauver la France. On passe quand même des mêmes aux mêmes, hein. Pour ceux qui m'ont bien compris, voilà. »
  • « Et je fais quand même remarquer plusieurs choses, pour remettre à leur place certains petits merdeux qui se sont permis de m'injurier, d'injurier Maître Viguier sur les réseaux sociaux, même si tout ça ne me touche plus beaucoup. C'est que nous, nous avons organisé des soutiens d'Hervé Ryssen, et notamment de l'accompagner au tribunal, pour qu'il ne soit pas tout seul. Et que c'était assez douloureux pour nos militants, qui me l'ont rapporté (moi, je suis en Suisse, je n'ai pas pu venir), que Hervé Ryssen, devant le juge, sans même qu'on lui pose la question, a juré qu'il ne parlerait plus jamais du sujet de 4 lettres, en pleurant. Donc on n'est pas tout à fait dans un combattant de type Reynouard ou le professeur Faurisson. »
  • « Que pensez-vous de l'affaire Sarah Halimi ? Alors ça, c'est assez intéressant. C'est de voir comme une certaine communauté est incapable de voir les conséquences de ses choix politiques. On peut parler même, là, d'une immoralité incroyable et d'une arrogance incroyable. Parce que l'affaire Halimi, c'est directement le fruit, je dirais, de SOS Racisme et de la politique immigrationniste et anti-française qu'ont mené les élites de la communauté à travers Julien Dray. C'est-à-dire ça s'appelle le retour de boomerang, et ça peut même s'appeler, à la marge, la justice immanente. Et la première chose que devrait faire la communauté - peut-être que Zemmour pourrait faire ce travail, ça serait sa morale de faire ce travail-là - rappeler que l'affaire Halimi, c'est-à-dire qu'un type qui ne devrait pas être français, assassine une vieille dame parce qu'il fume du shit à tout va et qu'il est déjà à moitié psychopathe. Tout ça, c'est ce que Jean-Marie Le Pen voulait éviter. Donc il serait peut-être le moment pour ceux qui demandent qu'on change la loi et qu'on applique une loi à deux vitesses uniquement, parce qu'à un moment donné c'est une vieille de leur communauté qui a été touchée. Alors que je vous garantis que des vieilles « Goy », des vieilles « Françaises de souche » ou des « Français de souche » qui ont été massacrés par des délinquants ethniques depuis le regroupement familial, il y en a des wagons et des wagons et ça ne leur a jamais tiré une larme, à ces gens-là. Ce qui prouve bien, d'ailleurs, qu'ils n'ont aucun sens de l'universalité, que ce ne sont pas des humanistes et que ne les concerne, ne les touche que la souffrance qui touche leur communauté. Et que, quand cette souffrance touche leur communauté, ils s'énervent contre la communauté nationale, alors qu'ils sont entièrement responsables de cet état de fait, puisque c'est eux qui ont mis en place tout ce dispositif d'ensauvagement de la société française, voilà. »
  • « Donc, d'une certaine manière, j'espère que l'affaire Halimi ne permettra pas, non pas de changer la loi, puisque la loi est ce qu'elle est, et qu'en France un fou ne peut pas être jugé, c'est la règle. Et que, si l'autre est décrété fou, eh bien il ne sera pas jugé, c'est comme ça. On ne voit pas pourquoi on jugerait un fou sous prétexte qu'il a tué une vieille juive plutôt qu'une vieille catholique. Mais ce qui serait bien, c'est que ceux aujourd'hui qui aboient contre la justice française... Je rappelle d'ailleurs que celui qui a dirigé la décision qui rend ce dingue ou ce demi-dingue irresponsable au moment des faits s'appelle Bensussan et qu'il est issu de la communauté aussi. Donc il ne faut pas y voir un complot antisémite. Mais pour un type comme, je me rappelle : c'est Arthur Essebag, je crois, qui s'est choqué. Je sais bien que Essebag était considéré comme l'animateur le plus bête de la radio et des médias. C'était son slogan dans les années 90, je crois. Qu'il fasse un peu d'histoire et qu'il apprenne un peu l'honnêteté et l'autocritique et le retour sur soi et qu'il voit qui est responsable de la mort de Madame Halimi. Il verra que, en gros, c'est lui, voilà. Quand on établit les médiations. »

In diritto

Norme pénale
L’art. 261bis CP vise à interdire des comportements indéfendables qui heurtent les principes essentiels d'une société fondée sur le respect de l'être humain. Les principaux modes de commission du délit se présentent de la manière suivante : la propagande raciste au sens large du terme (al. 1 à 3), l'atteinte à la dignité humaine (al. 4) et le refus d'un bien ou service offerts publiquement (al. 5). Les véritables actions de propagande, au sens courant du terme, sont couvertes par le 3e alinéa, tandis que les 1er et 2e alinéas visent la propagande raciste au sens large, à savoir l'influence exercée sur un public plus ou moins nombreux dans le but d'exciter celui-ci contre certaines personnes ou certains groupes de personnes. Les alinéas 1 à 3 répertorient des comportements qui s'adressent au public et qui ont un aspect de propagande pour certaines idées alors que les alinéas 4 et 5 visent, au premier chef, des circonstances dans lesquelles l'acte délictueux s'adresse directement aux groupes concernés ou à leurs membres.
Pour que l'infraction soit retenue, il faut être en présence de l'un des critères de discrimination énumérés par la disposition et de l'un des comportements punissables énoncés. L'infraction est par ailleurs intentionnelle ; le dol éventuel suffit. Pour retenir l'infraction de l'art. 261bis, il convient de démontrer, sous l'angle subjectif, non seulement que l'intention de l'auteur a porté sur tous les éléments constitutifs objectifs, mais également que l'intéressé était mû par un mobile discriminatoire (arrêt TF 6B_1126/2020 du 10 juin 2021, consid. 2.1.3).

La volonté du législateur
L'adoption par la Suisse de l'art. 261bis CP découle de l'adhésion de la Suisse à la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 1992 : « Les préjugés racistes et la xénophobie peuvent se manifester de manières très différentes : de la peur irrationnelle des «méchants étrangers» aux études pseudo-scientifiques sur la supériorité de certaines races en passant par la manie qu'ont beaucoup de gens de rendre les étrangers responsables de toutes sortes de maux, il existe des formes très variées d'une attitude fondamentale qui dénie ou attribue certaines qualités humaines aux autres, simplement parce que ces personnes appartiennent à une certaine race ou à tel groupe ethnique ou national. La discrimination raciale est l'expression du mépris de la dignité humaine, qui a conduit, dans l'histoire de l'Europe et du monde, à une terreur parfois difficilement imaginable ».
La convention internationale susmentionnée est d'ailleurs la résultante directe des événements antisémites qui avaient à l'époque eu lieu dans différentes parties du monde. En 1992, l'adhésion par la Suisse à dite convention se justifiait par « certains incidents provoqués par des extrémistes en Suisse et en Europe occidentale, mais aussi les signes d'une xénophobie latente dans une certaine partie de la population ». Dans son message, le Conseil fédéral a expressément formulé une réserve devant permettre de préserver, dans le cadre de la révision du droit pénal, l'importance accordée par l'ordre juridique suisse à la liberté d'opinion et la liberté d'association. L'introduction, en droit suisse, d'une norme pénale réprimant la propagande raciste et des idéologies qui visent à diffamer ou à discréditer certaines parties de la population était en effet de nature à entrer en conflit avec la liberté d'opinion et d'expression.
La tâche délicate consiste à tracer les limites de la liberté d'opinion et d'expression et à définir à partir de quand des propos tombent sous le coup de l'art. 261bis CP.

La jurisprudence du Tribunal fédéral
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le judaïsme constitue une religion au sens de l'Art. 261bis CP. De manière générale, les déclarations dirigées contre un État et sa politique ne relèvent pas du droit pénal, puisque les États ou nations ne sont pas des catégories protégées par l'Art. 261bis CP. Tel n'est en revanche pas le cas si la désignation de l'État d'Israël est utilisée comme synonyme de « judaïsme » ou de « juif ». Il faut ainsi déterminer au cas par cas, en fonction du contexte concret et de la manière dont le destinataire moyen comprendrait la déclaration, si c'est uniquement l'État d'Israël, soit notamment sa politique, qui est visé (arrêt TF 6B_1126/2020 du 10 juin 2021, consid. 2.1.1).
L'art. 261bis CP doit être interprété à la lumière des principes régissant la liberté d'expression (art. 16 Cst. ; art. 10 CEDH ; art. 19 Pacte ONU II). Dans une démocratie, il est essentiel que même les opinions qui déplaisent à la majorité, ou celles qui choquent nombre de personnes, puissent être exprimées, et les propos tenus dans un débat politique ne doivent pas être appréhendés de manière strictement littérale parce que les simplifications et les exagérations sont usuelles dans un tel contexte.

En l’espèce
Les propos en question ont été tenus lors d'une vidéo intitulée « Comprendre l'époque - Conférence en ligne » réalisée à l'occasion de la sortie du livre du prévenu intitulé « COMPRENDRE L'ÉPOQUE. Pourquoi l'Égalité? ».
Le contenu du livre n'a pas été critiqué par la dénonciatrice ; seuls certains passages de la conférence ont été mis en cause, notamment en lien avec trois questions posées par les internautes.
Entre 2008 et 2019, le prévenu a été condamné six fois par les autorités françaises pour des infractions liées à la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, ainsi que pour la contestation de l'existence de crimes contre l'humanité. Cependant, ces antécédents ne doivent pas être considérés comme une présomption de culpabilité pour les propos tenus dans le contexte actuel et doivent être examinés à la lumière du droit suisse.
Les propos du prévenu montrent une critique marquée envers la domination perçue des personnalités juives dans le monde médiatico-politique français. Cependant, ces critiques semblent s'inscrire dans un débat politique où la liberté d'expression est primordiale, et visent le sionisme.
Les propos du prévenu, bien que choquants pour certains, semblent s'inscrire dans le cadre d'un débat politique et de critiques envers des mouvements politiques spécifiques plutôt qu'une incitation à la haine ou à la discrimination contre les personnes de religion juive dans leur ensemble. En tenant compte du contexte et des principes de liberté d'expression, les propos litigieux sont considérés comme ne relevant pas d'une infraction à l'article 261bis CP. Par conséquent, un classement de l'affaire est prononcé en vertu de l'article 319 al. 1 let. b CPP.

Decisione

Le Ministère public prononce un classement de la procédure pénale.