Caso 2022-034N
Vaud
Cronistoria della procedura | ||
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2022 | 2022-034N | Le Ministère public prononce un classement de la procédure pénale. |
Criteri di ricerca giuridici | |
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Atto / Fattispecie oggettiva | Art. 261bis CP / 171c CPM (nessuna specificazione della fattispecie) |
Oggetto della protezione | Etnia; Religione |
Domande specifiche sulla fattispecie |
Parole chiave | |
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Autori | Persone politiche |
Vittime | Ebrei |
Mezzi utilizzati | Scritti |
Contesto sociale | Internet (senza social media) |
Ideologia | Antisemitismo |
Le prévenu est un écrivain et éditeur franco-suisse, président d’une association poli« trans-courant ». Le prévenu est accusé d'avoir tenu des propos susceptibles de relever d'incitation à la haine ou de discrimination, au sens de l'art. 261bis CP, dans une vidéo intitulée « Comprendre l’époque – Conférence en ligne ». La vidéo, diffusée en direct puis sur deux sites, contenait divers passages controversés.
Le prévenu est un écrivain et éditeur franco-suisse. Il est président ’une association politique « trans-courant ». Il est reproché au prévenu d’avoir tenu, dans une vidéo intitulée « Comprendre l’époque – Conférence en ligne », diffusée en direct, puis parue notamment sur deux sites, divers propos susceptibles de relever d’incitation à la haine ou de discrimination, au sens de l’art. 261bis CP. Notamment, il s’agit des propos suivants :
Norme pénale
L’art. 261bis CP vise à interdire des comportements indéfendables qui heurtent les principes essentiels d'une société fondée sur le respect de l'être humain. Les principaux modes de commission du délit se présentent de la manière suivante : la propagande raciste au sens large du terme (al. 1 à 3), l'atteinte à la dignité humaine (al. 4) et le refus d'un bien ou service offerts publiquement (al. 5). Les véritables actions de propagande, au sens courant du terme, sont couvertes par le 3e alinéa, tandis que les 1er et 2e alinéas visent la propagande raciste au sens large, à savoir l'influence exercée sur un public plus ou moins nombreux dans le but d'exciter celui-ci contre certaines personnes ou certains groupes de personnes. Les alinéas 1 à 3 répertorient des comportements qui s'adressent au public et qui ont un aspect de propagande pour certaines idées alors que les alinéas 4 et 5 visent, au premier chef, des circonstances dans lesquelles l'acte délictueux s'adresse directement aux groupes concernés ou à leurs membres.
Pour que l'infraction soit retenue, il faut être en présence de l'un des critères de discrimination énumérés par la disposition et de l'un des comportements punissables énoncés. L'infraction est par ailleurs intentionnelle ; le dol éventuel suffit. Pour retenir l'infraction de l'art. 261bis, il convient de démontrer, sous l'angle subjectif, non seulement que l'intention de l'auteur a porté sur tous les éléments constitutifs objectifs, mais également que l'intéressé était mû par un mobile discriminatoire (arrêt TF 6B_1126/2020 du 10 juin 2021, consid. 2.1.3).
La volonté du législateur
L'adoption par la Suisse de l'art. 261bis CP découle de l'adhésion de la Suisse à la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 1992 : « Les préjugés racistes et la xénophobie peuvent se manifester de manières très différentes : de la peur irrationnelle des «méchants étrangers» aux études pseudo-scientifiques sur la supériorité de certaines races en passant par la manie qu'ont beaucoup de gens de rendre les étrangers responsables de toutes sortes de maux, il existe des formes très variées d'une attitude fondamentale qui dénie ou attribue certaines qualités humaines aux autres, simplement parce que ces personnes appartiennent à une certaine race ou à tel groupe ethnique ou national. La discrimination raciale est l'expression du mépris de la dignité humaine, qui a conduit, dans l'histoire de l'Europe et du monde, à une terreur parfois difficilement imaginable ».
La convention internationale susmentionnée est d'ailleurs la résultante directe des événements antisémites qui avaient à l'époque eu lieu dans différentes parties du monde. En 1992, l'adhésion par la Suisse à dite convention se justifiait par « certains incidents provoqués par des extrémistes en Suisse et en Europe occidentale, mais aussi les signes d'une xénophobie latente dans une certaine partie de la population ». Dans son message, le Conseil fédéral a expressément formulé une réserve devant permettre de préserver, dans le cadre de la révision du droit pénal, l'importance accordée par l'ordre juridique suisse à la liberté d'opinion et la liberté d'association. L'introduction, en droit suisse, d'une norme pénale réprimant la propagande raciste et des idéologies qui visent à diffamer ou à discréditer certaines parties de la population était en effet de nature à entrer en conflit avec la liberté d'opinion et d'expression.
La tâche délicate consiste à tracer les limites de la liberté d'opinion et d'expression et à définir à partir de quand des propos tombent sous le coup de l'art. 261bis CP.
La jurisprudence du Tribunal fédéral
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le judaïsme constitue une religion au sens de l'Art. 261bis CP. De manière générale, les déclarations dirigées contre un État et sa politique ne relèvent pas du droit pénal, puisque les États ou nations ne sont pas des catégories protégées par l'Art. 261bis CP. Tel n'est en revanche pas le cas si la désignation de l'État d'Israël est utilisée comme synonyme de « judaïsme » ou de « juif ». Il faut ainsi déterminer au cas par cas, en fonction du contexte concret et de la manière dont le destinataire moyen comprendrait la déclaration, si c'est uniquement l'État d'Israël, soit notamment sa politique, qui est visé (arrêt TF 6B_1126/2020 du 10 juin 2021, consid. 2.1.1).
L'art. 261bis CP doit être interprété à la lumière des principes régissant la liberté d'expression (art. 16 Cst. ; art. 10 CEDH ; art. 19 Pacte ONU II). Dans une démocratie, il est essentiel que même les opinions qui déplaisent à la majorité, ou celles qui choquent nombre de personnes, puissent être exprimées, et les propos tenus dans un débat politique ne doivent pas être appréhendés de manière strictement littérale parce que les simplifications et les exagérations sont usuelles dans un tel contexte.
En l’espèce
Les propos en question ont été tenus lors d'une vidéo intitulée « Comprendre l'époque - Conférence en ligne » réalisée à l'occasion de la sortie du livre du prévenu intitulé « COMPRENDRE L'ÉPOQUE. Pourquoi l'Égalité? ».
Le contenu du livre n'a pas été critiqué par la dénonciatrice ; seuls certains passages de la conférence ont été mis en cause, notamment en lien avec trois questions posées par les internautes.
Entre 2008 et 2019, le prévenu a été condamné six fois par les autorités françaises pour des infractions liées à la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, ainsi que pour la contestation de l'existence de crimes contre l'humanité. Cependant, ces antécédents ne doivent pas être considérés comme une présomption de culpabilité pour les propos tenus dans le contexte actuel et doivent être examinés à la lumière du droit suisse.
Les propos du prévenu montrent une critique marquée envers la domination perçue des personnalités juives dans le monde médiatico-politique français. Cependant, ces critiques semblent s'inscrire dans un débat politique où la liberté d'expression est primordiale, et visent le sionisme.
Les propos du prévenu, bien que choquants pour certains, semblent s'inscrire dans le cadre d'un débat politique et de critiques envers des mouvements politiques spécifiques plutôt qu'une incitation à la haine ou à la discrimination contre les personnes de religion juive dans leur ensemble. En tenant compte du contexte et des principes de liberté d'expression, les propos litigieux sont considérés comme ne relevant pas d'une infraction à l'article 261bis CP. Par conséquent, un classement de l'affaire est prononcé en vertu de l'article 319 al. 1 let. b CPP.
Le Ministère public prononce un classement de la procédure pénale.