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Editorial
MartineBrunschwigGraf
Présidentede laCFR
La Suisse est-elle raciste? C’est la question
que les médias posent à réitérées reprises, à
chaque fois qu’un événement entaché de
discrimination raciale défraie la chronique.
A chaque fois, au nom de la CFR, je réponds
que la Suisse n’est pas racistemais que notre
pays, pas plus que d’autres, n’est épargné par
les actes denature raciste, par les réactions de
rejet et les préjugés. Hélas!
Ce numéro de TANGRAM est consacré au
«racisme anti-Noirs». La CFR entend ainsi ap-
porter réflexionet éclairagedans undomaine
où la souffrancede celleset ceuxqui sont l’ob-
jet de réactions hostiles et de comportements
discriminatoires est souvent silencieuse. Le
phénomènen’est pas nouveau. Enmars 2000,
TANGRAM consacrait déjà un numéro à cette
problématique. Et l’on pouvait notamment
lire ceci:
«De cette xénophobie qui vire vite au
racisme, un vaste et profond phénomène de
rejet va se déclencher. Aux Pâquis, un tract si-
gnéKlu-Klux-Klan invitera tout ‹ salenègre › à
retournerdans son ‹Afriquedemerde ›.Accu-
sés de tous les maux (crise du logement, chô-
mage, trafic de drogue, viols, etc.) les requé-
rants d’asile africains sont surtout coupables
d’être trop visibles. Une visibilité qui pousse
tout lemonde, et pas seulement les Suisses, à
tracerune lignededémarcation faceà l’Autre
différent. Parmi les Africains, désormais, il est
de bon tonde préciser quandon se présente:
‹Je suis Africain, mais je ne suis pas un réfu-
gié›.»
Quatorze ans plus tard, ces propos restent
totalement d’actualité. Onen liraencorebien
d’autres dans le présent numéro, qui nous
démontrent que les clichés et les préjugés ont
la vie dure. La CFR a rencontré récemment
un certain nombre d’organisations engagées
dans la lutte contre le racisme anti-Noirs.
Elles ont fait part de leurs constats et de leurs
attentes, elles ont aussi évoqué les actions
positives qu’elles mènent sur le terrain pour
faciliter la compréhensionmutuellemais aussi
pour permettre à celles et ceux qui se sentent
victimes de racisme et de discrimination de
pouvoir l’exprimer. Les lieuxd’écoute sont im-
portants. Ils constituent aussi des lieuxdemé-
diation qui permettent de soulager certaines
situations et, parfois, d’en rectifier d’autres et
d’éveiller les consciences.
On ne devrait pas avoir à constater qu’en
raisonde sacouleurdepeau,oncourt le risque
de se voir refuser un emploi ou un logement.
Pourtant, cela arrive même si c’est difficile à
prouver.Onnedevrait pas avoir à lire certains
propos sur les blogs, lesmédias sociaux ou les
sites internet des journaux, propos qui, s’ils
ne sont pas toujours pénalement condam-
nables, n’en sont pasmoins offensants etmé-
prisants. Et pire encore, on ne devrait jamais
avoir àprendre connaissancedu fait quedeux
femmes ministres, l’une en Italie, l’autre en
France, aient puêtreassimilées publiquement
à des singes en raison de leur origine et de
leur couleur depeau!
Pourtant, tout ceci existe, même si la re-
cherche scientifique peine à s’intéresser à
cette problématique. C’est le constat que la
CFR a fait en préparant ce numéro de TAN-
GRAM. Puisse-t-ildonner l’idéeauxchercheurs
depousser plus loin la réflexion.
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Editoriale
TANGRAM 33
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6/2014