85
20 Jahre
|
20ans
|
20 anni
Auswirkungender StigmatisierungundGrundsatz der Gleichheit
Les effets de la stigmatisation et leprinciped’égalité
Effetti della stigmatizzazione eprincipiodi uguaglianza
PascalWagner-Egger | Les effets psychosociaux du racisme: l’étude de la stigmatisation
|
6/2015
|
TANGRAM 35
L’estimede soi
La malheureusement fameuse étude de
Clark & Clark (1947) sur les préférences des
poupéeschezdesenfantsnoirsde3à7ansaux
Etats-Unis amontréqu’environ troisquartsde
ces enfants préféraient les poupées à peau
blanche plutôt que les poupées à peau noire
(bienque, dès 3 ans, ils identifiaient correcte-
ment leur couleur de peau comme étant plus
proche des poupées noires). Ainsi les enfants
noirs dès leur plus jeune âge souffraient – et
sans doute souffrent encore – d’un sentiment
d’infériorité. Etre stigmatisé c’est donc pos-
séder une identité sociale dévalorisée, alors
qu’avoir une bonne estime de soi est l’un des
besoins fondamentaux de tout être humain,
selon les psychologues.
Néanmoins, 20 ans de recherches sur l’es-
time de soi chez les personnes stigmatisées
(p.ex. Noirs, Chicanos, femmes, homosexuels,
délinquants juvéniles, personnes physique-
ment ou mentalement handicapées, etc.)
n’ont globalement pasmontré chez ces popu-
lations une estime de soi moyenne plus faible
que chez les groupes de personnes non stig-
matisées. Toutefois, il ne faudraitpas conclure
de cette absence de différence que le racisme
vécu n’a pas d’effet sur l’estime de soi, mais
plutôt que les personnes stigmatisées utilisent
desstratégiespourrehausser leurestimedesoi
menacée. Par exemple, on a pu observer que
la communauté noire fournissait un support
social permettant de préserver une identité
positive chez les adolescents noirs. Un autre
phénomèneapermis demontrer que l’estime
de soi des personnes discriminées peut ne pas
être trop atteintepar le racisme: les individus
en général traitent l’information relative au
soi de façon sélective, en ne retenant princi-
palementdans la constructionde leur identité
que les éléments favorables au soi.
Les recherches en psychologie sociale sur
le phénomène du racisme et de la discrimina-
tion se sont d’abord concentrées sur l’auteur
de la discrimination en étudiant les facteurs
de personnalité ou les contextes sociaux qui
favorisent son apparition. Ces dernières dé-
cennies, certains travaux ont tenté d’étudier
le point de vue de la victime de la discrimi-
nation, afin de mettre en évidence les effets
psychologiques dont elle pouvait souffrir et
lesmoyens qu’ellemettait enœuvrepourmi-
nimiser les conséquences de ladiscrimination
subie. Nous évoquerons dans cet article tour
à tour les questions de l’estime de soi, de la
santé physique et psychique, et les réactions
possibles à cette expérience de la stigmatisa-
tion.
Qu’est-ceque la stigmatisation?
Après le sociologue Erving Goffman
1
, les
psychologues sociaux se sont intéressésdepuis
quelques décennies aux effets psychologiques
–néfastespour laplupart–enduréspar lesvic-
times du racisme. La notion de stigmate nous
vient des Grecs, qui considéraient que toute
marque corporelle visible était le signe visible
du caractère infra-humainde sonporteur (es-
clave, criminel, traître, etc.). Les psychologues
sociaux définissent le stigmate comme une
caractéristique associée à des traits et stéréo-
typesnégatifsqui aurontpour effetuneperte
de statut et l’attributionàungroupediscrimi-
né («noirs», «obèses», «homosexuels», etc.
2
).
Une caractéristique de ces stigmates est que,
leplus souvent, ils nepeuvent être cachés aux
yeux des autres. Ainsi, la discrimination ne
peut pas être évitée, ce qui aura nombre de
conséquences fâcheuses pour la personne qui
en sera la victime. De nombreuses recherches
en psychologie sociale ont montré que ces
conséquencespeuventatteindre la façondont
on se perçoit (l’estime de soi, par exemple),
mais aussi la santé physique et psychique des
individus stigmatisés.
Les effets psychosociauxdu racisme:
l’étudede la stigmatisation
PascalWagner-Egger