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Anti-Schwarzer Rassismus
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Racismeanti-Noir
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Il razzismo contro i Neri
International
Internationales
Uno sguardo all‘estero
TANGRAM 33
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6/2014
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Christiane Taubira | «La parole raciste s’exprime désormais à visage découvert»
sont levés, indignés, pour protester. Lors de
l’affaire Dreyfus ou pendant la collaboration,
ils se sont fait entendre. La France, c’est Zola,
c’est Hugo, et cette France-là, parfois minori-
taire, n’est jamaismarginale car sa voix porte
toujours haut et loin. Elle n’est jamais péri-
phérique car elle sait s’élever, tonner et frap-
per. Pour autant, incontestablement, il s’est
passé quelque chose ces dernières années.
Les inhibitions qui empêchaient cette parole
raciste de s’exprimer se sont dissoutes. Les di-
gues sont tombées. Laparole raciste s’exprime
désormais à visage découvert dans l’espace
public, tranquillement, et parfois en riant.
La fauteàqui?
C’est d’abord la faute de ceux qui y suc-
combent. C’est d’abord affaire de responsabi-
lité individuelle. Pour cette gamine d’Angers,
ce sont ses parents. Pour cette candidate
du FN, c’est elle. Mais d’autres aussi ont des
responsabilités. Pierre Bourdieu expliquait
que les paroles sont des actes qui tiennent
leur force de l’autorité sociale du locuteur.
Lorsque des élus UMP, donc d’une droite ré-
publicaine, de gouvernement, dotée d’une
éthique, flirtent avec des attitudes et des pro-
pos racistes, ils les légitiment et ils ont deux
facteurs aggravants. D’abord leur statut, leur
«autorité sociale» justement, et leur lucidité,
puisque ces personnes-là savent tellement ce
qu’elles font qu’elles saventmême... jusqu’où
nepas aller trop loin.
Mais comprenez-vous que puisse s’expri-
mer unmalaise identitaire français qui ne soit
pas forcément raciste?
Cette interrogation sur l’identité française,
je l’entends, je la vois et je la respecte. Pour y
répondre, quittons le terrain des passions et
revenons-enaux faitsetà l’histoire. Il faut rap-
peler que, sur à peine trois générations, 25%
des Français ont des ascendants étrangers.
Etre français, c’est faire en sorte que la pré-
France
Christiane Taubira: «Laparole raciste
s’exprimedésormais à visagedécouvert»
Propos recueillis par RenaudDély
LaMinistre et Garde des Sceaux française
Christiane Taubira publie un essai sur le ra-
cisme, la xénophobie, le malaise identitaire
français et les menaces sur la République
française. Interview.
Vous commencez votre livre,
Paroles de
liberté,
en revenant sur cet incident, àAngers,
lorsqu’une enfant participant àun rassemble-
ment anti-mariage pour tous vous a lancé:
«C’est pour qui la banane? C’est pour la gue-
non!» Selon vous, cet épisode était donc un
vrai révélateur?
Je ne veux pas focaliser sur cette enfant.
Avant cet épisode, une candidate du Front
national m’avait déjà assimilée à un singe,
des élus de droite avaient eu des propos li-
mites, des manifestants avaient scandé «Y a
bon Banania, y a pas bon Taubira!», d’autres
m’avaient expulsée de la communauté natio-
nale en hurlant: «Taubira, t’es foutue, les
Français sont dans la rue!»Bref, il y a eu tout
un tas de signes avant-coureurs. AAngers, ce
n’est pas l’injure la plus grave que j’aie subie,
mais c’est sans doute la plus signifiante. Que
le Front national fasse preuve de racisme à
mon encontre, rien de surprenant. Mais un
enfant, c’est gai, joyeux, spontané... Alors
qu’une petite fille soit à ce point imprégnée
de la haine, du mépris et du racisme pour
en faire une plaisanterie en sachant que ce
sera accueilli favorablement par les rires des
adultes qui l’entourent, cela en dit long sur
l’état denotre société.
Est-ce à dire que la France de 2014 est ra-
ciste?
Non. Je ne le crois pas. Je ne l’ai jamais
pensé. Même si 3 millions de Français défi-
laient en criant des slogans racistes, je n’en
déduirais pas que la France est raciste. Le
passé nous apprend que même dans les mo-
ments les plus sombres de l’histoire, ceux où
le racisme semblait l’emporter, des Français se