TANGRAM 35 Bulletin der EKR Juni 2015 - page 62

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20 Jahre
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20anni
Wiedenken Jugendlicheüber Rassismus undVielfalt
Les jeunes face au racisme et à ladiversité : enquêtes
Razzismo ediversità visti dai giovani: inchieste
TANGRAM 35
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6/2015
| Gladys Rastorfer | Le racisme dans l’œil des jeunes Romands
un humour qui se fondait sur les stéréotypes
liés à nos cultures. On se moquait de soi-
même, et çanous permettait denousmoquer
des autres aussi.»
Apparemment, l’éducation à la diversité
n’a pas toujours les effets que l’on croit. Sen-
sibilisés dès l’enfance aux différences et au
respect entre les communautés, les jeunes
s’estiment d’autant plus légitimés à manier
les stéréotypes raciaux ou
communautaires
lorsqu’ils
servent une cause humoris-
tique. Quitte à ce que, par
conséquent, ces stéréotypes
circulent plus librement. Au-
trement dit, l’éducation à la
diversité n’est pas synonyme
de retenue ou de politique-
ment correct. «C’est pas parce
qu’on est plus conscient de
vivre dans un monde multiculturel qu’on est
forcément plus gentil avec les autres, ou plus
politiquement correct, explique Mathieu,
20 ans. Au contraire, je crois que plus on a
conscience de nos différences, plus on se sent
librede se vanner, de jouer sur les clichés.»
Lorsqu’on interroge des jeunes sur leur
rapport au racisme, la question des limites de
l’humour est toujours en embuscade. Le rire
est-il leparaventdu racisme, son catalyseurou
sa soupape? «Forcément, ça dépend, répond
Anne-Lise, 19ans. Il yadeshumoristes comme
Dieudonné qui s’en prennent seulement aux
Juifs, et à force, ça veut quand même dire
qu’ils sont antisémites. Mais il y en a d’autres
qui semoquent de toutes les communautés, y
compris de la leur, et cen’est pas pareil.»
Shoah vsMahomet
A côté d’elle, Mathias, qui a lemême âge,
n’est pas d’accord: «Dieudonné, moi, il me
fait rire, et je n’ai pas honte de le dire. Je ne
Le racismedans l’œil des jeunes Romands
Gladys Rastorfer
Aborder avec des jeunes les questions du
racisme, de l’humour et de l’usaged’Internet,
c’est entrer dansunmondedeparadoxes. En-
fants du multiculturalisme, les jeunes s’esti-
ment légitimés àmanier les stéréotypes com-
munautaires, surtout pour en rire. Mais ils
restent prudents sur les réseaux sociaux.
«Le racisme, on en a beaucoup parlé à
l’école. Dès qu’on est petit, on nous sensibi-
liseauxdifférentes cultures et
aux religions, on n’arrête pas
de nous dire qu’il faut être
tolérant.» Pour Aurélien, ma-
turant lausannois de 19 ans,
le racisme, c’est ce que ses
figures d’autorité, parents et
professeurs, lui ont toujours
décrits commeunfléau.
Est-ce pour autant qu’il ne
tient jamais un propos raciste? «En fait, c’est
pas vraiment du racisme au premier degré,
mais çam’arrive de vanner des potes sur leur
origine, par exemple, ou de faire des blagues
sur les Juifs. Jen’appellepas çadu racisme.»
Comme Aurélien, beaucoup de jeunes, en
milieu urbain dumoins, se disent hautement
conscients de vivre dans un monde multicul-
turel, cosmopolite et traversé de flux migra-
toires. Enfants de lamobilité, de lamondiali-
sation, ilsontgrandi avecdes voisinsde toutes
les couleurs, ont été éduqués aux religions
multiples, ont euà l’écoledes camarades allo-
phones.
Jouer avec les clichés
«Pour ça, la Suisse est très différente de
la France, il y a beaucoup plus de brassages
culturels, estimeThomas, 20ans. Commeado,
j’avais pasmal d’amis des Balkans, desmusul-
mans. Moi, je suis d’origine juive. En venant
de communautés différentes, on entretenait
L’éducation
à ladiversité
n’est pas synonyme
de retenueou
depolitiquement
correct.
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