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Anti-Schwarzer Rassismus
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Racismeanti-Noir
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Il razzismo contro i Neri
Tief verwurzelte Stereotype
Des stéréotypesaux racinesprofondémentancrées
Le radici profondedegli stereotipi
TANGRAM 33
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6/2014
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Noémi Michel
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«Enoncés dans le présent, les actes de discours racialisés ravivent une longue histoire d’exclusion et de violence»
Noirs aux figures de «criminel» ou d’«assis-
té», à un espace «exotique», à la «sensua-
lité» ou encore aux «prouesses physiques et
rythmiques». Ce texteest produit par les inte-
ractions interpersonnelles du quotidien, les
médias, la culture, la publicité, ou encore les
débats publics.
Deuxièmement, l’histoire de la «race»
s’écrit par les pratiques discursives qui contri-
buent à résister et à délégitimer l’assignation
des Noirs à une position d’inégalité politique
ouhumaine. Parexemple, lesartistes, les intel-
lectuels, les humoristes, les leaders politiques
noirs ont de tout temps cherché àdétacher le
mot «nègre» des conventions injurieuses et
racistes dans lesquelles il s’inscrivait. En 1927,
le marxiste noir Lamine Senghor appelait à
fairedumot «Nègre»avecunNmajusculeun
symbole de ralliement et de résistance à l’op-
pression coloniale. L’artiste contemporaine
RenéeGreene retravaille l’imagede la«Vénus
hottentote» pour proposer un dispositif de
représentationalternatifdu corpsdes femmes
noires. Aujourd’hui, le rap françaismobilise le
terme «négro» en tant qu’interpellation soli-
daire et amicale au sein de laminorité noire.
Ce second texte reste peu relayé par les mé-
dias, peu enseigné dans les cursus scolaires,
il ne reçoit que rarement le soutien des ins-
tances publiques. On continue à penser que
l’histoiredesNoirs et de leur résistancepar les
mots et les images n’est pas «européenne».
La circulation continue de paroles racistes
dans l’espace public contribue à renforcer
l’autorité et la légitimitédupremier texte. En
circulant sans cesse, il accumule le pouvoir de
faire ce qu’il dit, à savoir de stabiliser la posi-
tion des minorités noires dans un rang infé-
rieur, de réduire leur possibilitéd’êtrehumain
et citoyenàpart entière.
où le racisme est peu débattu ou encore ne
constituepasunobjet importantd’actionspo-
litiques et collectives. Dans de tels contextes,
lamenace de la réinstallationpermanente du
passé excluant se présente avec plus d’inten-
sité. Elle vient accroître l’expérience de rejet
que vivent déjà les personnes ciblées par les
paroles racistes.
Enfin, les mots déploient un pouvoir de
nuire en fonction du contexte social de leur
énonciation, c’est-à-dire en fonctiondes posi-
tions sociales occupées par les personnes qui
s’adressent les unes aux autres. Des actes de
discours racialisés énoncés entre membres
d’unemêmeminoritépeuvent fonctionner sur
un mode ironique, amical ouencore solidaire.
Les individus dont le corps est marqué par la
différence racialepeuvent se réapproprierdes
termes qui, dans leur usage dominant, par-
ticipent à des conventions d’infériorisation.
Dans ce cas, ils déstabilisent ces conventions
dominantes en montrant que la possibilité
d’un usage alternatif existe. La scène de la
blessurepeut alors se transformer en scènede
résistance.
Quels sont leseffets sur lesminoritésnoires
de la circulation continue de paroles racistes
dans l’espacepublic?
Je parlais tout à l’heure d’une histoire des
actes de discours racialisés qui reste ouverte.
Selon le philosophe Achille Mbembe, l’his-
toire de la «race» a été et continue d’être
écrite selondeux textes.
Premièrement, elle s’écrit par l’ensemble
des pratiques discursives qui persistent à assi-
gner lespersonnesmarquées comme«noires»
dans des positions d’inégalité. Ce premier
texte comprend les insultes racistes,mais aussi
les représentations stéréotypées négatives et
positives qui associent systématiquement les