TANGRAM 33 Bulletin de la CFR Juin 2014 - page 41

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Anti-Schwarzer Rassismus
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Racismeanti-Noir
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Il razzismo contro i Neri
Tief verwurzelte Stereotype
Des stéréotypesaux racinesprofondémentancrées
Le radici profondedegli stereotipi
Noémi Michel
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«Enoncés dans le présent, les actes de discours racialisés ravivent une longue histoire d’exclusion et de violence»
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6/2014
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TANGRAM 33
norités noires se retrouvent taxées d’être trop
sensibles ou encore paranoïaques. Or, plus le
racisme est dé-historicisé et dissimulé, plus il
est normalisé,moins il est possiblede lenom-
mer, d’endébattre et de le combattre.
Certains groupes doivent-ils être plus spé-
cifiquement protégés?Aunomdequels prin-
cipes et dequels objectifs?
Les actesdediscours racistesblessentparce
qu’ils participent à maintenir ou à réactiver
des formes d’inégalité hu-
maineetpolitique. C’estdonc
au nom de l’égale dignité et
de l’égalité politique que le
discours racistedoit être com-
battu: si ce n’est pénalisé, du
moins fermement condamné
par les autorités publiques.
Reconnaître la force bles-
santedesmots racistes et agir
contre ces mots, c’est agir sur
des conditions historiques
et socio-politiques pour per-
mettreauxminoritésnoiresde considérerque
laplace socialequ’ellesoccupentn’estpas aux
marges de l’humanitéoude la collectivitépo-
litique, que leur voix, lesdemandes, et lespro-
jets qu’elles énoncent depuis leur place parti-
culière pourront prendre entièrement part à
ladiscussionpolitiquedémocratique.
Selon vos travaux, les mobilisations poli-
tiques qui ciblent des actes de discours racia-
lisés doivent être lues comme des appels à
l’égalité…
Mes recherches se centrent sur les contes-
tations qui ciblent des paroles racistes, mais
aussi des images ou encore des schémas nar-
ratifshéritésdu colonialisme.De telles contes-
tations sont le plus souvent portées par les
minorités raciales. Ces dernières dénoncent
Etpourquoi ya-t-il une tendanceàminimi-
ser l’importancede ces insultes, qui sont selon
les circonstances assimilées à de l’humour ou
tout simplement niées?
Plusieurs formes deminimisation existent,
je voudrais enmentionner deux. Certains cou-
rants de la philosophie contemporaine mini-
misent lepouvoirdenuirede ces insultespour
des raisons théoriques. Ils considèrent que le
discours, et les images ne sont pas des actes,
qu’ils ne sont «que des mots», et que seuls
les actes de violence doivent
être condamnés et poursuivis.
Tout le projet intellectuel et
politique des approches post-
coloniales et de laphilosophie
critique de la «race» s’inscrit
en faux contre cette minimi-
sation. Il montre au contraire
comment le discours colonial
et racial a eu par le passé des
effets matériels violents et
comment ce discours informe
encoreaujourd’hui des formes
dedominationet d’exclusion.
Laminimisation est aussi le fait d’unepoli-
tiqued’ «amnésie coloniale»quimarque l’Eu-
rope continentale et notamment la Suisse. La
Suisse n’a pas été un Etat colonial, mais elle a
étémarquée par un imaginaire racial et colo-
nial. Ses citoyensontparticipé,dediversesma-
nières, à l’entreprise coloniale.Or, aujourd’hui
l’on considère que la Suisse «n’a rien à voir»
avec le colonialisme et l’esclavage. Cetteposi-
tion est même parfois défendue par les au-
torités publiques. Dans ces circonstances, le
racisme est renvoyé à un ailleurs temporel et
spatial. La force injurieuse, accumulée durant
cinq siècles d’histoire, qui se déploie lors de
l’énonciation d’insultes racistes devient peu
lisible. Les insultes racistes tombent alors dans
la catégorie générique des insultes, et les mi-
Les actes dediscours
racistes blessent
parcequ’ilsparticipent
àmaintenir ou à
réactiver des formes
d’inégalitéhumaine
et politique.
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