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Anti-Schwarzer Rassismus
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Racismeanti-Noir
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Il razzismo contro i Neri
Tief verwurzelte Stereotype
Des stéréotypesaux racinesprofondémentancrées
Le radici profondedegli stereotipi
KanyanaMutombo | Racisme anti-Noir: dix traits qui en font une spécificité
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6/2014
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TANGRAM 33
Corollaire du racisme anti-Noir, l’autoracisme
anti-Noir est plus qu’un trait spécifique. Il
constitue aujourd’hui le cœur dudispositif du
système. Interagissant tantôt enennemis, tan-
tôt en complices, l’auteur et la victime se re-
trouvent réunis chez lamêmepersonneNoire.
L’adage «l’ennemi du Noir, c’est le Noir»
l’illustre bien. La confusion des rôles est telle
qu’elle donne lieu à des auto-stigmatisations,
automutilations, voire auto-génocides (ex.
Rwanda1994), stade suprêmede l’ensauvage-
ment duNoir par le système raciste colonial.
Elle relève aussi de la psychiatrie. Comme
aime à le rappeler l’essayiste Bwemba Bong,
«l’Afrique est le plus grand centre psychia-
triquedumonde»
22
.
La question est d’importance. Le CRAN
l’a déjà inscrite dans ses thèmes de réflexion
des 2
es
Assises sur le racisme anti-Noir en pré-
paration. Car, souvent ignoré ou occulté par
les Noirs, l’autoracisme anti-Noir ne met pas
seulement à nu un ennemi intime qui rend
difficile le combat antiraciste et son impéra-
tif de déconstruction. Il rend aussi quasi illu-
soire la repersonnalisationduNoir, son retour
vers lui-même, vers l’ancestral Ubuntu et son
credo humaniste («je suis parce que tu es»),
comme l’a crié lepoèteantillaisAiméCésaire:
«L’heuredenous-mêmes a sonné!».
Mutombo Kanyana est docteur en relations internatio-
nales. Ancien chargé du Programme de lutte contre le
racisme à l’Unesco, il est notamment secrétaire géné-
ral du CRAN et directeur de l’Université populaire afri-
caine de Genève et de la publication
Regards Africains.
*Note de la rédaction: Le CRAN, contrairement à la CFR,
utilise l’expression «racisme anti-Noir» sans s dans
toutes ses publications. Les deuxgraphies sont correctes.
10. L’auto-racismeanti-Noir pour
corollaire
Le triomphe du racisme, c’est son appro-
priation par la victime. Le phénomène de
détestation de soi inoculé au Noir par l’idéo-
logie raciste et ses divers vecteurs (école
idéologique coloniale et école a-idéologique
post-colonialenotamment), afini par prendre
racine dans les tréfonds de son âme. Portant
gravement atteinte à son identité, ce phéno-
mène anéantit sa capacité d’auto-attribution
de valeur. Pour l’historien burkinabé Joseph
Ki-Zerbo
20
, depuis que «(…) l’histoire des
Nègres leur a été brutalement confisquée»,
cetteprérogativeestdevenueexogèneetnon
endogène. Par l’effet conjugué de l’islamisa-
tion, de l’évangélisation et de la colonisation,
l’identité duNoir est ainsi devenue un «prêt-
à-porter» importé d’Occident ou d’Orient.
C’est un retournement total: l’Africain est
enfanté, alors que, selon le même Ki-Zerbo,
«l’Afrique a physiquement, biologiquement,
intellectuellement et spirituellement, enfanté
lemonde».
En dépit de quelques résistances, le Noir
est généralement devenu un être dominé
convaincude son infériorité. Aliéné, ce leurre
identitaire «peau noiremasque blanc»
21
, ap-
pelé également Bounty, va diriger le racisme
anti-Noir contre lui-même ou contre un autre
Noir.Outre l’autodénigrement, l’autodiscrimi-
nation ou la perte totale d’estime et d’affir-
mationde soi, le phénomène de réappropria-
tiondu racismeanti-Noir va conduire leNoir à
prolonger l’échelle de la hiérarchie des races.
Il s’attribuera une valeur selon sa proximité
avec leBlanc, notamment àpartirdesnuances
de la couleur de sapeau.
Perspectives
On le voit: nous sommes devant des simili-
tudes avec certains racismes, et en particulier
avec le sexisme, sous l’aspectde l’autoracisme.