53
Anti-Schwarzer Rassismus
|
Racismeanti-Noir
|
Il razzismo contro i Neri
Tief verwurzelte Stereotype
Des stéréotypesaux racinesprofondémentancrées
Le radici profondedegli stereotipi
Kidi Bebey et Olivier Rogez | Comment écrire un article sur l’Afrique, les Africains et les Noirs sans se faire tancer
|
6/2014
|
TANGRAM 33
par nostalgie et donc par nécessité de recréer
une forme de solidarité. Ce n’est pas votre
cas et vous arriverez seulement à vous ridi-
culiser en passant pour un naïf compassion-
nel, un gogo qu’on peut berner. Arrêter de
se réjouir en permanence qu’il y ait des Noirs
beaux et intelligents… qui réussissent dans la
vie ailleurs que dans le sport et la musique,
sinononpassepour un idiot qui penseencore
«qu’avec un peu d’éducation, le Noir est un
homme comme les autres». C’est ce que l’on
pourrait qualifier de racisme inconscient car
celaentretient l’idéed’une inégaliténaturelle
ou prédéterminée qui fait pousser des cris de
ravissement lorsqu’elle est démentie: «Oh la
la!Qu’est-cequ’il abien réussi!» (sous-enten-
du: «Incroyablepour unNoir!»).
Renoncer à vouloir aider l’Afriqueà tout
bout de champ
MêmeenFrance, iln’yaeuqu’un seulabbé
Pierre. Il va donc enfin falloir se résoudre à
abandonner l’image du sauveur débarquant,
un sacde riz sur l’épaule, pournourrirdesmil-
liers depersonnes.Mais attention! Il ne s’agit
pas ici de dénigrer l’aide humanitaire, mais
plutôt l’attitudehumanitariste, cellequi irrite
les intellectuels africains qui en ont assez des
bienfaiteurs duNordqui ne se contentent pas
d’aider,maisyajoutentunedimensionmorali-
satrice endonnant en exemple leurs vertus et
leurs principes. Par ailleurs, pour ceuxet celles
qui veulent «enseigner ledéveloppement»et
«sauver l’humanité»à tout prix, les banlieues
françaises et les villes de province sinistrées
par la criseoffrent des terrains rêvés.
Enfinir avec unvocabulaire connoté
Les mots «ethnique», «coloré», «mé-
tissé», «afro» servis à toutes les sauces fi-
nissent par devenir indigestes. Ils ancrent les
artistes et les créateurs dans des catégories
qui les éloignent de la modernité. On peut
aujourd’hui être peintre africain, sans être
contrario, ce ne sont pas non plus tous des
enfants surdoués repérés par les programmes
desONG et envoyés en Europepour faire car-
rière. La plupart sont des gens simplement
normaux. Il suffit de feuilleter leurs albums
photos pour voir des hommes qui posent
devant leur voiture, avec femmes et enfants.
Ils achètent des gadgets technologiques pour
épater les copains et ont parfois du mal,
comme beaucoup, à rembourser leurs crédits.
Ilsne sontpas tousdegrands sportifs, pas tous
de grands danseurs et contribuent, comme
tout lemonde, à creuser le déficit de la sécu-
rité socialeen fumant des cigarettes et enbu-
vant duBeaujolais. Partout dans lemonde, on
est au XXI
e
siècle et ce n’est pas parce qu’on
s’éloigne de l’Europe ou de l’Occident que
l’on s’éloignede lamodernité.
Eviter de jouer les anthropologues…
… et d’expliquer aux Africains qui ils sont,
comment ils mangent, se vêtent et quelles
sont leurs coutumes. Beaucoupd’Occidentaux
croient posséder une science sur l’Afriqueque
les Africains n’auraient pas eux-mêmes. Ce
n’est pas parce que les colonisateurs avaient
dans leurs bagages des scientifiques férus
d’ethnographie ou d’histoire, que leurs des-
cendants sont tous plus calés sur l’Afriqueque
les Africains eux-mêmes. Ce genre de posi-
tionnement conduit souvent à une dérive:
la recherche systématique de l’Africain «au-
thentique» – encore un autre mythe forgé
par l’Occident et dont il posséderait seul les
critères.
Nepas tomber dans la fraterniténiaise
Il faut laisser aux Africains les réflexes de
«sororité» et «fréritude». Arrêter de vou-
loir être «frère» ou «sœur» de tous les Afri-
cains que vous rencontrez. L’effet est très
moyen dans une soirée en ville, pire encore
dans un article de presse. Si les Africains qui
vivent loin de chez eux ont ces réflexes, c’est