Caso 2003-025N

Distribution de tracts intitulés: «Protégez vos enfants des prêtres catholiques pédophiles»

Ginevra

Cronistoria della procedura
2003 2003-025N Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) admet le pourvoi en nullité.
Criteri di ricerca giuridici
Autorità/Istanza 1a istanza cantonale;
2a istanza cantonale;
Tribunale federale
Atto / Fattispecie oggettiva Incitamento all’odio o alla discriminazione (1° comma);
Discredito o discriminazione (4° comma 1ª metà)
Oggetto della protezione Religione
Domande specifiche sulla fattispecie Bene giuridico protetto;
Pubblicamente (in pubblico)
Parole chiave
Autori Collettività
Vittime Appartenenti alla maggioranza / Bianchi / Cristiani
Mezzi utilizzati Scritti;
Comunicazione elettronica
Contesto sociale Luoghi pubblici;
Media (Internet incl.)
Ideologia Altre ideologie

Sintesi

La 1ère et la 2e instance cantonale ont condamné les recourants X, Y, et Z pour discrimination raciale au sens de l’Art. 261bis CP à la peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis. Cette discrimination avait été commise sous la forme d’une distribution de tracts dans de nombreux ménages.

Les tracts avaient le titre suivant: «Protégez vos enfants des prêtres catholiques pédophiles» (recto) et «Protégez vos enfants de la pédophilie. Ne les envoyez plus au catéchisme» (verso). Ce texte relevait que les risques d’abus sexuels de la part des prêtres catholiques seraient statistiquement beaucoup plus grands que dans la population normale. Les auteurs du tract avaient dès lors créé un service de téléphone pour encourager les personnes qui avaient subi des abus sexuels de la part du clergé à oser en parler. En plus, ils demandaient aux gouvernements de prendre des mesures simples prouvant qu’ils étaient réellement concernés par ce problème grave. Le texte prétendait également que de nombreux prêtres catholiques continueraient leurs activités pédophiles en toute impunité.

Le Tribunal fédéral a admis le pourvoi en nullité des recourants en considérant que la critique formulée à l’égard des prêtres catholiques pouvait être considérée comme exagérée mais qu’elle était cependant liée au comportement déviant de certains d’entre eux et non au statut de prêtre catholique en général. Le texte n’éveillait donc pas l’impression que les prêtres catholiques étaient de manière générale des êtres méprisables en raison de leur religion. En conséquence, l’arrêt attaqué a été annulé et le pourvoi admis.

In fatto

La 1ère et la 2e instance cantonale ont condamné les recourants X, Y et Z pour discrimination raciale au sens de l’Art. 261bis CP à une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis. Cette condamnation avait été causée par la distribution de tracts dans de nombreux ménages. Ces tracts avaient le contenu suivant:

«PROTEGEZ VOS ENFANTS DES PRÊTRES CATHOLIQUES PEDOPHILES
Dans les 20 dernières années des milliers de prêtres catholiques ont été condamnés à travers le monde pour abus sexuels sur des enfants ou pour pédophilie, parfois avec la protection de leurs évêques, ceux- ci détournant à leur profit personnel la loi sur le secret de la confession. Ceci ne représente que la partie visible de l’iceberg, car pour un prêtre condamné, il y a fort à parier que des dizaines de prêtres catholiques continuent leurs activités pédophiles en toute impunité.
Voilà pourquoi notre mouvement «secte A» vient de créer l’association B. Nous encourageons ceux qui parmi vous ont subi des abus sexuels de la part de prêtres catholique dans leur jeunesse et n’ont jamais osé en parler, à appeler ce numéro gratuit : xyz. Des spécialistes, et en tout anonymat si vous le souhaitez, entreprendront en votre nom des poursuites avec demandes de dédommagements financiers importants auprès de la justice.»
Le verso du tract était libellé comme suit:
«PROTEGEZ VOS ENFANTS DE LA PEDOPHILIE: NE LES ENVOYEZ PLUS AU CATECHISME
Les risques d’abus sexuels de la part des prêtres catholiques étant statistiquement beaucoup plus grands que dans la population normale, envoyer ses enfants au catéchisme, c’est prendre un risque inacceptable de les exposer à la pédophilie.
Nous demandons aux gouvernements de prendre des mesures simples prouvant qu’ils sont réellement concernés par ce problème grave. En particulier:
- que des cours d’éducation sexuelle soient donnés aux enfants dès les premières années de scolarité et qu’il soit inclus:
- un chapitre spécial de prévention de la pédophilie mis au point par des psychologues spécialisés afin de leur apprendre à se protéger des abus sexuels;
- la distribution du numéro de téléphone de notre association que les enfants pourront appeler s’ils se sentent victimes ou en danger d’abus sexuels.
- Et nous insistons pour que ce cours de prévention soit en priorité donné dans les écoles catholiques, milieu, on l’a vu, à haut risque.
- Que les lois changent, afin qu’elles ne puissent plus permettre aux ecclésiastiques d’être honteusement les complices de tels actes sous couvert du soit- disant secret professionnel.
AIDEZ- NOUS A PROTEGER VOS ENFANTS.
Faites circuler ce tract autour de vous, parlez-en à vos amis, et visitez notre site internet www.organisationB.org»
Avant de distribuer ces tracts, les trois recourants avaient fondé une association «B.- Touche pas à mes enfants». Cette association avait pour but de lutter contre les actes de pédophilie. Le tract en cause avait été distribué à l’en-tête de cette association. A cette époque, la page d’accueil du site internet www.b s’intitulait «Association pour la dénonciation des prêtres catholiques pédophiles» et comportait le contenu du tract.

Les recourants se sont pourvus en nullité au Tribunal fédéral contre l’arrêt de la 2ème instance. Invoquant la violation de l’Art. 261bis CP, ils ont conclu à l’annulation de la décision attaquée.

In diritto

  • Le Tribunal fédéral a constaté que les recourants avaient contesté que les conditions de l'’infraction de discrimination raciale définie à l’'Art. 261bis CP étaient réalisées, en raison du fait que leurs tracts n’'auraient pas visé les catholiques en tant que tels, mais les membres du clergé et l’'organisation de l’'Eglise catholique. En outre, le tract mettrait seulement en avant les problèmes de pédophilie au sein du clergé. Dans tous les cas, les catholiques ne sauraient, selon les recourants, constituer un groupe religieux au sens de l'’Art. 261bis CP.
  • Le Tribunal fédéral a souligné que, selon la jurisprudence, l'’Art. 261bis CP protégeait essentiellement la dignité de l’'homme en tant que membre d'’une race, d'’une ethnie ou d’'une religion. Classé parmi les infractions contre la paix publique, il protège aussi la paix publique, qui est menacée par des actes qui peuvent conduire à dresser des groupes humains les uns contre les autres.
  • Le Tribunal fédéral a relevé que l'’Art. 261bis CP pourrait en principe entrer en conflit avec la liberté d’'opinion, garantie par l’'art. 16 Cst. et l’'art. 10 CEDH. Dans une démocratie, chacun a le droit d'’exposer ses vues même si elles déplaisent à certains. Lors de l’'interprétation de l’'Art. 261bis CP, le juge doit tenir compte de la liberté d'’opinion et ne saurait notamment apporter une trop grande restriction à cette liberté en interdisant toute critique à l'’égard de certains groupes humains et ainsi les rendre intouchables. A l'’instar des autres droits fondamentaux, la liberté d'’opinion n'’a pas une valeur absolue. Des restrictions peuvent y être apportées si elles sont fondées sur une base légale, sont justifiées par un intérêt public ou par la protection d'’un droit fondamental d’'autrui et demeurent proportionnées au but visé (art. 36 Cst. ; cf. art. 10 § 2 CEDH).
  • Pour que l’'Art. 261bis CP soit applicable, il faut, en premier lieu, que l'’auteur agisse publiquement. En espèce, il est manifeste, et non contesté, que les recourants ont imprimé de nombreux exemplaires du tract incriminé et qu'’ils les ont distribués largement. Le tract était en outre accessible sur le site internet de l'’association B. Ainsi, la condition «en public» est remplie.
  • Deuxièmement, il faut que le message s’'en prenne à des personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. Par religion, on vise un groupe de personnes qui se différencient par leurs croyances transcendantales communes. La tolérance dans les questions religieuses représente un élément essentiel de la paix intérieure dans un Etat moderne. Il n'’est dès lors pas douteux que l'’Art. 261bis CP protège aussi les catholiques, même si la religion catholique est l’'une des principales religions du pays. Les prêtres forment un groupe de personnes, avec des compétences et des devoirs religieux spécifiques. En tant que tels, ils peuvent donc aussi être l’'objet de discrimination au sens de l'’Art. 261bis CP.
  • En troisième lieu, le message doit inciter à la haine ou à la discrimination en raison de l’'appartenance raciale, ethnique ou religieuse des personnes visées. La loi ne décrit pas précisément le contenu du message ; il suffit que le message soit propre à éveiller la haine ou à appeler à la discrimination. Le message doit atteindre la personne dans sa dignité humaine. Il doit la rendre méprisable, la rabaisser. En l’'espèce, on peut admettre que le fait de traiter quelqu’'un de pédophile constitue en soi un message rabaissant.
  • Enfin, a constaté le Tribunal fédéral, pour que l'’Art. 261bis CP soit applicable, il faut que la critique soit discriminatoire, c'est-à-dire qu’'elle soit directement liée à l’'appartenance raciale, ethnique ou religieuse d'’une personne. Elle doit faire apparaître ces personnes comme étant de moindre valeur du point de vue de la dignité humaine et ce en raison de leur race ou de leur religion. En revanche, le message qui se réfère à un comportement ou à certaines caractéristiques d’'un groupe ou qui porte sur les règles et coutumes de celui-ci reste licite. Pour apprécier si la déclaration porte atteinte à la dignité humaine et si elle est discriminatoire, il faut se fonder sur le sens qu’'un destinataire moyen lui attribuerait en fonction de toutes les circonstances.
  • En l’'espèce, le tract litigieux critique les abus sexuels commis sur les enfants par certains prêtres, abus qui ont dernièrement défrayé la chronique. Du point de vue d'’un lecteur moyen, il tend cependant, au premier plan, à mieux protéger les enfants face aux agressions sexuelles à l’'avenir. Les auteurs du tract n'’attaquent pas les prêtres catholiques, mais les prêtres catholiques pédophiles, a constaté le Tribunal fédéral. Le tract propose un service d’'assistance et invite les autorités à prendre une série de mesures pour que de tels actes ne se produisent plus ou à tout le moins pour qu'’ils ne soient plus couverts par le secret ecclésiastique. L’'affirmation selon laquelle il existe statistiquement plus de pédophiles parmi les prêtres catholiques que dans le reste de la population et que les prêtres condamnés représentent la pointe de l’'iceberg n'’est pas au surplus totalement infondée. Il est en effet de notoriété publique qu’'il existe des prêtres pédophiles et que leur hiérarchie n’a pas toujours pris toutes les dispositions qui s’imposaient pour éviter la poursuite de tels actes par ceux qui les commettaient. Le conseil aux parents de ne plus envoyer leurs enfants au catéchisme est aussi exagéré, mais il s’'insère dans le contexte général de la critique adressée à la hiérarchie catholique concernant la pédophilie.
  • En définitive, la critique à l'’égard des prêtres catholiques peut être considérée comme étant exagérée. Elle est cependant liée au comportement de certains d’'entre eux et non au statut de prêtre catholique. Contrairement à ce que les tribunaux cantonaux ont jugé, les tracts n’éveillent donc pas l’'impression que les prêtres catholiques sont de manière générale des êtres méprisables en raison de leur religion et que l’'appartenance au clergé catholique favoriserait la pédophilie. Il en irait en revanche différemment si les recourants avaient affirmé de manière générale que tous les prêtres catholiques étaient pédophiles.

  • En conséquence, les conditions de l’'Art. 261bis CP ne sont pas réalisées. Ainsi, le pourvoi doit être admis et l'’arrêt attaqué annulé.
  • Decisione

    Le Tribunal fédéral admet le pourvoi en nullité. L’'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l’'autorité cantonale pour nouvelle décision.