Cas 2022-095N

Propos négationnistes d’un parti politique sur Facebook

Vaud

Historique de la procédure
2021 2021-108N Le tribunal a condamné l’accusé pour discrimination raciale et incitation à la haine conformément à l’article 261bis al. 4, deuxième partie de la phrase.
2022 2022-095N La 2ème instance prononce le prévenu coupable de discrimination et incitation à la haine (art. 261bis al. 4 2ème partie CP).
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Négation d'un génocide (al. 4 2ème phrase)
Objet de protection Religion
Questions spécifiques sur l'élément constitutif Elément constitutif subjectif de l'infraction
Mots-clés
Auteurs Acteurs politiques
Victimes Juifs
Moyens utilisés Ecrits
Environnement social Médias sociaux
Idéologie Antisémitisme

Synthèse

Le Parti X., représenté par son président B., a tenu des propos négationnistes en publiant sur la page du groupe public un texte contestant des faits historiques sur la Shoah et suggérant que les organismes de censure devraient investiguer à Auschwitz. Le même jour, B. a également partagé ces écrits sur son profil privé. Par ce comportement, il a cherché à minimiser grossièrement, voire nier la Shoah, incitant ainsi à la haine à l’égard des juifs en raison de leur appartenance religieuse.
La 2ème instance prononce le prévenu coupable de discrimination et incitation à la haine (art. 261bis al. 4 2ème partie CP).

En fait / faits

Le Parti X., représenté par son président B., a tenu des propos négationnistes en publiant sur la page du groupe public le texte suivant :
« Sous le prétexte de «la liberté d’expression» on peut donc insulter 1,8 milliard de musulmans dans le monde, alors que relever des invraisemblances dans l’histoire de la Shoah vous emmène droit en prison ! Pour le film documentaire «Hold up» même traitement, on aimerait que ces organismes de censure aillent à Auschwitz pratiquer le même zèle de recherche historique et qu’ils relèvent les absurdités que l’on nous sert et ressert depuis 1945 ! »
B. a également partagé, le même jour, ces écrits sur son profil privé. Par son comportement, il a ainsi cherché à minimiser grossièrement, voire nier la Shoah, incitant ainsi à la haine à l’égard des juifs en raison de leur appartenance religieuse.


Décision 2021-108N

Le tribunal a condamné l’accusé pour discrimination raciale et incitation à la haine conformément à l’article 261bis al. 4, deuxième partie de la phrase.

En droit / considérants

Dans ce cas, même si l’accusé s’en défend, il avait bien l’intention de nier ou de minimiser fortement la Shoah. Il n’était pas tenu d’aborder ce sujet. On peut se contenter d’attaquer l’article 261bis du Code pénal en affirmant que l’interdiction des idées négationnistes est contraire à la loi ou qu’elle porterait atteinte à la liberté d’expression, sans entrer dans le détail de ces idées. C’est ce qu’a fait le prévenu. Les termes utilisés sont en effet clairs, puisque l’histoire de l’Holocauste est qualifiée d’improbable ou d’absurde, le premier terme confirmant le second. Le second terme confirme ce que l’accusé a voulu dire avec le premier terme. Le fait qu’il défende les thèses du négationnisme est la raison pour laquelle ces thèses ont refait surface. A ses propres yeux, il s’agit d’une idéologie, car les mots qu’il publie font partie d’un raisonnement. Ils font partie d’une argumentation censée servir un autre sujet, celui de la liberté d’expression. La thèse n’est pas rationnelle (car sur le plan rationnel et scientifique, la thèse défendue n’est pas rationnelle).

La diffusion à un public non privé via Internet est interdite, car elle diffuse des croyances erronées dont les conséquences à moyen ou long terme peuvent entraîner des événements graves pour la paix publique et l’intégrité des personnes. Le contexte du message paru sur les pages d’un parti d’extrême droite est remarquable.
Ici, le révisionnisme est associé au défi envers l’étranger, puis envers les juifs. Derrière le texte litigieux, c’est un motif discriminatoire que l’accusé entretient à l’égard de son lectorat. L’accusé s’est donc rendu coupable de discrimination et d’incitation à la haine.

Décision

Le tribunal a condamné l’accusé à une amende de 30 jours-amende à 50 francs pour discrimination raciale et incitation à la haine, conformément à l'article 261bis al. 4, deuxième partie de la phrase.
La peine a été assortie d'un sursis de deux ans. Une amende de 300 francs est infligée à titre de sanction immédiate pour le comportement de l'accusé. Le comportement du prévenu doit le dissuader de récidiver. La peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende est fixée à 3 jours.


Décision 2022-095N

La 2ème instance prononce le prévenu coupable de discrimination et incitation à la haine (art. 261bis al. 4 2ème partie CP).

En droit / considérants

La négation de l'Holocauste réalise objectivement l'état de fait incriminé par l'Art. 261bis al. 4 in fine CP parce qu'il s'agit d'un fait historique généralement reconnu comme établi (ATF 129 IV 95), notoire, incontestable ou indiscutable (TF 6B_398/2007 du 12 décembre 2007). Mettre en doute l'existence des chambres à gaz revient à contester les crimes commis par le régime nazi, en particulier l'extermination systématique des juifs dans des chambres à gaz, comportement susceptible de tomber sous le coup de l'Art. 261bis al. 4 CP (cf. ATF 126 IV 20; ATF 121 IV 76; TF 6B_1100/2014 du 14 octobre 2015). L'auteur doit agir publiquement, c'est-à-dire en dehors d'un cercle privé (ATF 130 IV 111), par des paroles, des écrits, des images, des gestes ou des voies de fait (ATF 145 IV 23).

Le Tribunal fédéral a récemment mis fin à une controverse sur la question de savoir si l'auteur devait avoir agi pour des motifs relevant de la discrimination raciale. Il a considéré qu'il ne suffisait pas de contester l'existence ou l'importance d'un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité, respectivement de tenter de les justifier, pour être en présence d'une discrimination raciale. Il fallait encore que ce comportement soit dicté par des mobiles particuliers de l'auteur, soit la haine ou le mépris des personnes appartenant à une race, une ethnie ou une religion déterminée. Le comportement punissable devait donc consister en une manifestation caractéristique de la discrimination (ATF 145 IV 23.). Aussi, pour retenir l'infraction de l'Art. 261bis al. 4 in fine CP, convient-il de démontrer, sous l'angle subjectif, non seulement que l'intention de l'auteur a porté sur tous les éléments constitutifs objectifs, mais également que l'intéressé était mû par un mobile discriminatoire.

Le mobile est la cause psychologique d'une manifestation donnée de volonté. Le plus souvent, il représente l'expression de sentiments, conscients ou inconscients, d'impulsions ou de raisonnements qui ont une influence médiate ou immédiate sur l'infraction. La détermination du mobile relève de l'établissement des faits. S'agissant d'un facteur relatif à la volonté interne de l'auteur, le juge peut établir le mobile en se fondant sur toute preuve pertinente ou indice externe.

Le mobile discriminatoire est pratiquement intrinsèque à toute tentative de justifier un génocide ou un autre crime contre l'humanité fondés sur l'appartenance raciale, ethnique ou religieuse des victimes, car un tel comportement implique nécessairement une forme d'approbation de telles atrocités et des idéologies qui les inspirent. Une telle déduction ne saurait en revanche être tirée en présence de la négation ou de la minimisation d'un génocide ou d'un autre crime contre l'humanité et il convient dès lors d'examiner les circonstances de chaque cas d'espèce, même si de tels comportements ne laissent que peu de place à des mobiles « respectables ».

Cependant, la jurisprudence a implicitement admis un tel automatisme et considéré comme acquis l'existence d'un mobile discriminatoire dans l'affaire dite du « mensonge d'Auschwitz » qui représente aujourd'hui l'expression d'un antisémitisme extrême. Celui qui conteste ou remet en question l'existence des chambres à gaz dans le contexte de l'extermination des juifs par le régime national-socialiste donne, à tout le moins implicitement, l'impression que ce régime n'était pas pire que d'autres et qu'il a fait en réalité beaucoup moins de victimes que ce que l'on pense. Il porte une accusation plus ou moins voilée de falsification de l'histoire en faisant croire à une conjuration qui profiterait aux victimes elles-mêmes. Celui qui s'en prend à l'existence des chambres à gaz est donc en principe guidé par un mobile discriminatoire.

En l’espèce, l’accusation considère que les propos tenus par B. tendaient à minimiser grossièrement la Shoah, soit qu’il s’agissait de propos négationnistes, incitant ainsi à la haine des juifs en raison de leur appartenance religieuse.

Décision

La 2ème instance prononce le prévenu coupable de discrimination et incitation à la haine (art. 261bis al. 4 2ème partie CP).
Le prévenu est condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 50.00, suspendu pour une durée de 2 ans. Il est également condamné à une amende de CHF 300.00.