Caso 1997-027N

Vente de plusieurs exemplaires de l'ouvrage " Les Mythes fondateurs de la politique israélienne "

Vaud

Cronistoria della procedura
1997 1997-027N La 1ère instance condamne l'accusé. Confiscation des ouvrages séquestrés.
1998 1998-017N La 2ème instance admet le recours. Acquittement de l'accusé.
1999 1999-033N Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) admet le pourvoi en nullité. L'arrêt de la 2ème instance est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
2000 2000-002N La 2ème instance admet partiellement le recours. Condamnation de l'accusé.
2000 2000-041N Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le pourvoi en nullité.
Criteri di ricerca giuridici
Atto / Fattispecie oggettiva Disconoscimento di un genocidio (4° comma 2ª metà)
Oggetto della protezione
Domande specifiche sulla fattispecie Pubblicamente (in pubblico)
Parole chiave
Autori Operatori del terziario
Vittime Ebrei
Mezzi utilizzati Scritti;
Propagazione di materiale razzista
Contesto sociale Arte e scienza
Ideologia Antisemitismo;
Revisionismo

Sintesi

X, l'accusé, exerce une petite activité indépendante en exploitant une librairie. Voulant diffuser en Suisse le livre «Les Mythes fondateurs de la politique israélienne» de l'auteur Roger Garaudy, X en a commandé 200 exemplaires, les a importés en Suisse et les a stockés dans sa librairie. Ensuite, il a rédigé lui-même un feuillet publicitaire, comportant d'un côté une photocopie de la couverture du livre et, de l'autre côté, un bon de commande et un texte.

En mars 1996, une association internationale active dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (A) a déposé plainte pénale, laquelle a été suivie ultérieurement d’autres plaintes pénales, déposées par deux associations juives (B et C) et le particulier O.

Au terme de l'instruction, X a été renvoyé en jugement sous l'accusation de discrimination raciale au sens de l'Art. 261bis al. 4 CP.

La 1ère instance a condamné X, pour discrimination raciale, à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.
La 1ère instance a considéré que les conditions de l'Art. 261bis al. 4 CP étaient réalisées, excluant l'application de l'art. 27 CP.

La 2ème instance a admis le recours interjeté par X. Elle a estimé que, contrairement à ce qu'avait admis la 1ère instance, l'art. 27 CP s'appliquait à l'infraction prévue à l'Art. 261bis al. 4 CP et que, l'auteur du livre ayant été condamné à l'étranger, toutes les personnes qui n'assumaient qu'une responsabilité subsidiaire à celle de l'auteur échappaient à la répression. Elle a donc libéré l'accusé de l'infraction retenue en 1ère instance.

Contre cet arrêt, l'association internationale active dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (A), les deux associations juives (B et C), le particulier O ainsi que le Ministère public du canton de Vaud se sont pourvus en nullité au Tribunal fédéral. Par arrêt du 10 août 1999, la Cour de cassation du Tribunal fédéral a notamment déclaré les pourvois de A, B, C et O irrecevables ; elle a admis le pourvoi du Ministère public, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
La 2ème instance admet partiellement le recours de X contre le jugement de la 1ère instance et elle réforme ce dernier en ce sens qu'elle réduit à vingt jours d'emprisonnement la peine qui avait été prononcée en 1ère instance, l'octroi du sursis étant maintenu. Les autres griefs soulevés, dont celui de l'erreur de droit, ont en revanche été rejetés.

Le Ministère public cantonal a interjeté un pourvoi sur la quotité de la peine qui a été rejeté de la Cour de cassation (cf. décision 2000-41 de la CFR)

En même temps, X se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral en invoquant l'erreur de droit. La Cour de cassation rejet aussi son recours et lui nie le droit faire valoir une erreur de droit en vertu de l'art. 20 CP.

In fatto

X exerce une petite activité indépendante en exploitant une librairie de livres neufs et d'occasion.
Voulant diffuser en Suisse le livre de Roger Garaudy «Les Mythes fondateurs de la politique israélienne», X en a commandé 200 exemplaires. Il en a pris livraison à l'étranger, les a importés en Suisse et les a stockés dans sa librairie.

Il a alors rédigé lui-même un feuillet publicitaire, comportant d'un côté une photocopie de la couverture du livre et, de l'autre côté, un bon de commande avec l'adresse de sa librairie et un texte. L'accusé a diffusé dans le public ce feuillet.

De mars à juin 1996 l'accusé, qui a aussi inséré dans des journaux des annonces signalant que «Les Mythes fondateurs de la politique israélienne» étaient en vente chez lui, a écoulé la plus grande partie des ouvrages de Garaudy qu'il avait acquis. Certains lui ont été commandés par des particuliers ou ont été achetés par des clients venus directement dans sa boutique ; d'autres, plus nombreux, lui ont été commandés par des librairies.

Une perquisition opérée dans la librairie de X a révélé que celui-ci proposait à la vente, outre le livre de Garaudy, d'autres ouvrages révisionnistes.

En mars 1996, la section suisse d'une association internationale active dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (A) a déposé plainte pénale, laquelle a été suivie ultérieurement d'autres plaintes pénales, déposées par deux associations juives (B et C) et le particulier O.


Decisione 1997-027N

La 1ère instance condamne l'accusé. Confiscation des ouvrages séquestrés.

In diritto

1. Les plaignants et parties civiles

L'association internationale active dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (A) est une association au sens de l'art. 60 ss CC. Selon ses statuts elle a comme but, notamment, de lutter contre le racisme et l'antisémitisme et de défendre par toute action qu'elle juge utile, le droit à l'existence et à la paix des victimes du racisme.

La première association juive (B) est également une association et elle a pour but la sauvegarde et la promotion des intérêts communs des juifs en Suisse.

Postérieurement, une deuxième association juive (C) a demandé à pouvoir intervenir au procès en qualité de partie civile. Il s'agit d'une association de droit français qui a pour but " de se porter partie civile contre toute diffamation, dénaturation, falsification du sort des déportés, contre toute apologie de crime racial, ainsi que contre toute tentative de réhabilitation du nazisme " (Cons. 9, p. 23). La constitution de partie civile de C a été admise par décision présidentielle du 3 octobre 1997 et celle-ci n'a pas été attaquée.

S'agissant de l'admission au procès des plaignantes A et B, la 1ère instance considère qu'en qualité d'organisation de défense des communautés juives pour B et d'organisation de lutte contre l'antisémitisme pour A, elles doivent être considérées comme potentiellement lésées par une infraction à l'Art. 261bis CP dirigée contre les juifs ou contestant le génocide des juifs, de telle sorte que les deux associations (A et B) doivent être admises à porter plainte (Cons. 10, p. 24).

2. L'Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP

La deuxième incrimination prévue par l'Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP exige trois éléments constitutifs:

a) l'auteur doit avoir nié, grossièrement minimisé ou cherché à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité,

b) il doit avoir agi publiquement,

c) il doit avoir agi en raison de la race, de l'appartenance ethnique ou de la religion des victimes.

La 1ère instance considère que les " Mythes fondateurs de la politique israélienne " et les autres livres séquestrés contreviennent tous objectivement à l'Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP, en ce sens que tous nient ou minimisent grossièrement l'extermination des juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. La notion de minimiser grossièrement doit être prise dans une large acception selon la 1ère instance: " elle s'étend non seulement au fait de sous-estimer délibérément l'ampleur de l'extermination, mais aussi à la contestation mensongère de certains aspects dudit génocide [...] notamment l'existence d'un plan décidé par les instances dirigeantes nazies et tendant à l'extermination totale de l'ensemble des Juifs d'Europe, le caractère administrativement organisé de l'extermination et les modes d'exécution utilisés, en particulier le recours aux chambres à gaz " (Cons. 22, p. 36). Selon la 1ère instance, cet ouvrage minimise grossièrement le génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ; il conteste notamment : l'existence d'un ordre d'extermination donné par les instances dirigeantes nazies, le recours à des chambres à gaz, le nombre de six millions de victimes juives (Cons. 23, p. 37).

Le deuxième élément constitutif de l'infraction reprochée à X, soit l'exigence d'une action publique, est, selon la 1ère instance, également réalisé. " [L'accusé] ne s'est en effet pas contenté de détenir les ouvrages incriminés, ou de les communiquer à un cercle privé de rares intimes, mais il les a offerts à la vente sur les rayons de sa librairie [...]. [...] Un libraire qui place un ouvrage destiné à la vente dans les rayons de son commerce, à la disposition de n'importe quel acheteur potentiel, espère naturellement qu'il sera feuilleté et éventuellement acheté. Il agit dès lors publiquement [...] " (Cons. 24, p. 38). Pour ce livre, X a aussi fait une grande publicité avec le feuillet décrit ci-dessus et avec les annonces dans les journaux.

Enfin, le troisième élément, soit l'exigence d'une négation, d'une minimisation ou d'une justification liée à la race, l'ethnie ou la religion des victimes, est, pour la 1ère instance, aussi réalisé: " En effet, tous les livres litigieux ont en commun de contester le génocide commis durant la Seconde Guerre mondiale, ou certains de ses aspects, par rapport à la communauté juive exclusivement " (Cons. 25, p. 39).

3. L'art. 27 CP [ancien art. 27 CP en vigueur jusqu'au 31 mars 1998]

La défense a invoqué l'art. 27 CP ; elle a soutenu que l'infraction reprochée à X constituait un " délit de presse ", de telle sorte que les auteurs du livre diffusé en seraient les seuls responsables dans la mesure où ils sont identifiés.

Aux termes de l'art. 27 ch. 1 CP, lorsqu'une infraction aura été commise par la voie de la presse et consommée par la publication elle-même, l'auteur de l'écrit en est en principe seul responsable pénalement, à l'exclusion des autres intervenants dans la chaîne de distribution, comme le rédacteur, l'éditeur, l'imprimeur, les vendeurs, etc. Cette règle vise la presse périodique, mais le chiffre 2 montre qu'elle s'applique aussi aux imprimés non périodiques tels précisément les livres, brochures, dépliants, etc. Le même ch. 2 réserve une responsabilité subsidiaire de l'éditeur ou de l'imprimeur si l'auteur de l'écrit ne peut être découvert ou si la publication a été faite à son insu ou contre sa volonté (Cons. 36, p. 48). " L'art. 27 CP ne s'applique pas à toutes les infractions commises par la voie de la presse, mais seulement à celles qui sont 'consommées par la publication elle-même'. Selon la doctrine, il s'agit de délits formels réalisés par 'l'expression d'une pensée' " (Cons. 36, p. 48). Selon la 1ère instance, les infractions prévues par l'Art. 261bis al. 4 CP apparaissent comme des délits d'expression d'une pensée et donc susceptibles d'être non seulement commis par la voie de la presse mais encore consommés par la publication elle-même (Cons. 37, p. 49).

La 1ère instance continue en disant que même si ces deux conditions sont remplies (infraction commise par la voie de la presse et consommée par la publication), elles ne suffisent pas à elles seules pour justifier l'application de l'art. 27 CP. Encore faut-il que l'application de cette disposition à une infraction déterminée n'aboutisse pas à un résultat contraire au but que poursuivait le législateur en réprimant cette infraction.

La volonté du législateur est, selon la 1ère instance, de réprimer toute participation aux activités délictueuse visées par l'Art. 261bis al. 4 CP: " En particulier, les mots 'ou de toute autre façon' révèlent le souci de ne laisser impunie aucune forme de collaboration à ces dernières " (Cons. 37, p. 50). La 1ère instance admet que cela implique le rejet de la responsabilité unique prévue par l'art. 27 CP et la punissabilité de toute personne ayant collaboré à la diffusion publique d'imprimés contraires à l'Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP : " vu le danger combattu par la nouvelle norme, il serait en effet incompréhensible que l'on doive laisser distribuer impunément des écrits contraires à celle-ci, en particulier des écrits révisionnistes, pour ne s'en prendre qu'à l'auteur, qui peut dans certains cas être en pratique hors d'atteinte " (Cons. 37, p. 51).

Selon la 1ère instance, il n'y a donc pas lieu de libérer X en application de l'art. 27 CP, mais, au contraire, X doit être reconnu coupable de discrimination raciale selon l'Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP.

Decisione

Condamnation pour discrimination raciale à 4 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans. Confiscation des différents ouvrages séquestrés (art. 58 CP).


Decisione 1998-017N

La 2ème instance admet le recours. Acquittement de l'accusé.

In diritto

X soutient que les premiers juges ont violé l'article 27 CP en relation avec l'Art. 261bis al. 4 CP, en le condamnant pour discrimination raciale. Le recourant allègue en outre que " la doctrine unanime considère que l'art. 27 CP s'applique à l'infraction définie à l'Art. 261bis al. 4 CP, qu'une interprétation extensive de cette disposition englobant les professionnels du livre autres que l'éditeur et l'imprimeur violerait gravement le principe de la légalité garantie par l'art. 1er CP [...] " (Cons.1a, p. 32).

" Aux termes de l'art. 27 CP, lorsqu'une infraction aura été commise par la voie de la presse et consommée par la publication elle-même, l'auteur de l'écrit en sera seul responsable [...] (ch.1). S'il s'agit d'un imprimé non périodique et si l'auteur de l'écrit ne peut être découvert, ou si la publication a été faite à son insu ou contre sa volonté, l'éditeur ou, à son défaut, l'imprimeur sera puni comme auteur de l'infraction (ch. 2) " (Cons.1a, p. 33).

La 2ème instance constate que lorsque le législateur entend exclure l'application de l'art. 27 CP à une infraction commise par la voie de la presse et donc punir tous les participants à cette infraction, il l'indique clairement. Elle se réfère sur ce point aux articles 135 al. 1 CP, 197 ch. 1 CP et 261bis al. 3 CP, du texte desquels il ressort que la participation constitue l'un des éléments objectifs de ces infractions (Cons. 1a, p. 33). Ainsi, selon la 2ème instance, " [...] dès lors qu'il ne résulte pas de la définition du délit prévu par l'Art. 261bis al. 4 CP que le législateur aurait eu la volonté de réprimer la participation à cette infraction, une interprétation extensive de cette disposition serait contraire au principe fondamental nulla poena sine lege énoncé à l'art 1er CP " (Cons. 1a, p. 33-34).

Pour la 2ème instance donc: " [...] les motifs pour lesquels les premiers juges ont considéré que l'art. 27 CP ne s'appliquait pas au délit défini à l'Art. 261bis al. 4 CP ne sont pas fondés. [La 2ème instance] est dès lors d'avis, [...], que cette infraction est soumise au régime de la responsabilité en cascade de l'art. 27 CP. Ainsi, dans la mesure où le délit de discrimination raciale retenu à la charge de [X] a été commis par la voie de la presse, soit au moyen d'un écrit reproduit par un procédé technique permettant d'en obtenir facilement un nombre illimité d'exemplaires et diffusé dans le public [...], l'article 27 CP est applicable en l'espèce " (Cons. 1a, p.36-37).

S'agissant de la responsabilité en matière de presse, la 2ème instance relève qu'un autre responsable n'est substitué à l'auteur lorsque celui-ci ne peut être traduit en Suisse devant un tribunal que pour le cas où l'infraction porte sur un article paru dans un journal ou un périodique ( art. 27 ch. 3 CP). L'art. 27 ch. 2 CP qui traite des livres, n'entraîne cette conséquence que si l'auteur n'a pas pu être découvert, si la publication a été faite à son insu ou contre sa volonté ( Cons. 1b, p. 37). Roger Garaudy a été jugé et condamné en France, en février 1998, pour contestation de crimes contre l'humanité en qualité d'auteur du livre litigieux, à une amende équivalant à environ 30'000.- frs. " Il résulte [alors] que l'auteur a été découvert, que le livre n'a pas été publié a son insu (art. 27 ch. 2 CP) et que cet auteur a en outre été poursuivi et condamné. Les personnes qui n'assument qu'une responsabilité subsidiaire à celle de l'auteur, et à plus forte raison un vendeur que l'art. 27 CP ne mentionne pas, ne pouvaient dès lors pas être poursuivies. En désignant l'éditeur ou, à son défaut, l'imprimeur comme étant les responsables à titre subsidiaire lorsqu'une infraction a été commise au moyen d'un imprimé non périodique, le législateur a expressément exclu la punissabilité des autres participants à la production ou à la diffusion de cet imprimé " ( Cons. 1b, p. 38).

Il s'ensuit que, selon la 2ème instance, en substituant X aux responsables de l'art. 27 ch. 2 CP la 1ère instance a violé l'art. 1er CP " [...] aux termes duquel nul ne peut être puni s'il n'a commis un acte expressément réprimé par la loi " ( Cons. 1b, p. 38).

Quant au feuillet publicitaire rédigé par le recourant, il ne tombe pas, selon la 2ème instance, sous le coup de l'Art. 261bis CP: ce feuillet, selon elle, se borne à annoncer la parution du livre de Garaudy et à proposer l'ouvrage à la vente.

Decisione

Le moyen soulevé est fondé. Le recours est admis par la 2ème instance et le jugement est réformé en ce sens que X est libéré du chef d'accusation de discrimination raciale.


Decisione 1999-033N

Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) admet le pourvoi en nullité. L'arrêt de la 2ème instance est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.

In diritto

Le Tribunal fédéral déclare d'abord les pourvois des trois associations irrecevables pour la raison du défaut des qualités pour requérir. En règle générale, est lésé au sens de l'art. 270 al. PPF «le titulaire du bien juridique protégé par la disposition légale à laquelle il a été contrevenu». Car seulement celui subit directement un dommage à raison de l'acte dénoncé ou dont le dommage est directement menacé d'être augmenté par cet acte. «Exceptionnellement, ont en outre qualité pour se pourvoir en nullité les associations professionnelles et économiques ainsi que les organisations de consommateurs dans le domaine de la concurrence déloyale. Une telle réglementation n'existe pas en matière de discrimination raciale au sens de l'Art. 261bis CP.» (E. 2a)

Le recours du Ministère public est par contre recevable sur la base de l'art. 270 al. 1 PPF ; celui-là reproche à la cour cantonale de deuxième instance d'avoir admis que l'art. 27 CP s'applique à l'infraction réprimée par l'Art. 261bis al. 4 CP et d'avoir ainsi exclu cette infraction.

Le Tribunal fédéral examine donc si les conditions de l'art. 27 CP sont remplies : Premièrement il faut que l'infraction en cause constitue un délit de presse, c'est-à-dire qu'elle ait été commise par la voie de la presse et consommée par la publication. En l'espèce cette condition est réalisée car X est reproché d'avoir diffusé des livres à contenu discriminatoire au sens de l'Art. 261bis al. 4 CP. (E. 3b)

Deuxièmes, il faut que la publication elle-même suffise à consommer juridiquement l'infraction. S'agissant de l'infraction réprimée par l'Art. 261bis al. 4 CP, il y a également lieu d'admettre que cette condition est remplie. (E. 3b)

Pour que l'art. 27 CP soit applicable, il faut finalement que l'application de cette disposition à une infraction déterminée n'aboutisse pas à un résultat contraire au but que poursuivait le législateur en réprimant cette infraction. La Cour de cassation estime : «Lorsqu’une disposition pénale a précisément pour but d’empêcher la publication de certains propos ou représentations, autrement dit d'interdire des publications illicites, mettre les responsables de telles publications au bénéfice d'un régime spécial reviendrait à s'écarter du but poursuivi par le législateur. L'Art. 261bis al. 4 CP vise en effet précisément à interdire, en réprimant les comportements qu'elle décrit, la manifestation publique de propos ou représentations discriminatoires. Admettre l'application de l'art. 27 CP à cette infraction serait donc contraire au but que poursuivait le législateur en édictant l'Art. 261bis al. 4 CP.» (E. 3c)

Pour toutes ces raisons, ce serait selon le Tribunal fédéral à tort que la cour cantonale avait admis l'application de l'art. 27 CP à l'infraction en cause.

Decisione

La Cour de cassation annule l'arrêt attaqué et renvois la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.


Decisione 2000-002N

La 2ème instance admet partiellement le recours. Condamnation de l'accusé.

In diritto

1. Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP

Selon la 2ème instance, tous les éléments constitutifs, tant objectifs que subjectifs, de l'infraction de discrimination raciale au sens de l'Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP sont réalisés, de sorte que le moyen tiré de la violation de cette disposition s'avère mal fondé et doit être rejeté.

2. Art. 20 CP (erreur de droit)

Le recourant se prévaut d'une erreur de droit au sens de l'art. 20 CP. Il soutient qu'il pouvait se croire en droit d'agir au sens de cette disposition, dont l'application devrait conduire à son exemption de toute peine. Il expose, en outre, qu'il était fondé à penser que la vente de l'ouvrage de Garaudy n'avait rien d'illicite, vu la formulation de l'art. 27 CP, et qu'il ne pouvait imaginer que le TF nie l'application de cette disposition à l'infraction de discrimination raciale (Cons. 5a, p. 38).

La peine peut être atténuée librement par le juge, conformément à l'art. 20 CP, à l'égard de celui qui a commis une infraction alors qu'il avait des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir. Deux conditions doivent être réunies:

- l'auteur ne doit pas avoir douté de son droit d'agir,

- l'auteur doit avoir eu des raisons suffisantes de croire que son acte n'était en rien illicite. (Cons. 5b, p. 38 s.)

" Ainsi, pour que l'erreur de droit soit admise, il faut que l'auteur se soit cru en droit d'agir, soit qu'il ait pensé que son acte n'était en rien contraire à l'ordre juridique [...] " (Cons. 5b, p. 38 s.).

Selon la 2ème instance, X savait que, dès le 1er janvier 1995, la discrimination raciale était punissable: " Ceci est du reste corroboré par la teneur de l'encart publicitaire rédigé en vue de promouvoir le livre de Garaudy, puisque le recourant y expose que la 'législation répressive' suisse 'restaure le délit d'opinion', que toutefois 'X entend continuer à faire son métier, au service de la liberté d'expression' [...] " (Cons. 5c, p. 40). Ces propos démontrent, selon la 2ème instance, que X savait que le fait d'offrir cet ouvrage à la vente pouvait tomber sous le coup de l'Art. 261bis CP.

Il s'ensuit que la première condition posée à l'application de l'art. 20 CP n'est pas réalisée en l'espèce et que le recourant ne peut ainsi se prévaloir d'une erreur de droit.

À supposer que cette première condition soit réalisée, le moyen serait de toute manière mal fondé, selon la 2ème instance, pour le motif que la seconde condition ne l'est pas. L'argumentation du recourant consistant à soutenir qu'il pouvait légitimement admettre qu'il n'était pas punissable en vertu de l'art. 27 CP, disposition dont il ne pouvait imaginer que le TF écarterait l'application à l'infraction de discrimination raciale, n'est pas pertinente selon la 2ème instance: " L'applicabilité de l'art. 27 CP est une question purement juridique, délicate et complexe, et il ne ressort pas du jugement que le recourant, brocanteur et libraire de profession, ait eu connaissance de l'existence de cette disposition, qu'il ait supposé qu'elle puisse s'appliquer à l'Art. 261bis CP, qu'il ait conclu que tel devait être le cas et qu'il en ait inféré qu'il n'était pas punissable " (Cons. 5c, p. 42).

La 2ème instance établit que le recourant n'avait pas de raisons suffisantes de se croire en droit d'agir au sens de l'art. 20 CP. Le moyen est rejeté.

3. Art. 63 CP (fixation de la peine)

Le recourant, invoquant une violation de l'art. 63 CP, prétend que la peine de quatre mois d'emprisonnement qui le frappe est excessive dans sa quotité.

Aux termes de l'art. 63 CP, le juge fixera la peine d'après la culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier: " La gravité de la faute constitue donc le critère essentiel dans la fixation de la peine et il appartient au juge de l'évaluer en fonction de l'ensemble des éléments pertinents, à savoir, d'une part, ceux qui ont trait à l'acte lui-même, soit le résultat obtenu, le mode d'exécution, l'intensité de la volonté délictueuse et les mobiles et, d'autre part, ceux qui concernent la personne de l'auteur, soit ses antécédents (...) " (Cons. 6b, p. 44).

La mesure de la peine relève de l'appréciation du juge de première instance. La 2ème instance, n'étant pas une juridiction d'appel, ne peut pas revoir la quotité de la peine d'après sa propre appréciation ; elle ne peut intervenir que dans la mesure où le tribunal qui a statué est sorti du cadre légal, s'est inspiré d'éléments sans pertinence, a outrepassé son pouvoir d'appréciation (Cons. 6b, p. 44-45): " En l'espèce, dans ses considérants relatifs à la fixation de la peine, [la 1ère instance] a relevé ce qui suit : 'en soi justifiée, voire très sévère, s'agissant d'emprisonnement ferme, la peine requise par le Ministère public [...] apparaît comme insuffisamment dissuasive dans la mesure où elle est finalement assortie du sursis. En définitive, le tribunal estime dès lors adéquate une durée légèrement supérieure' " (Cons. 6c, p. 45). Selon la 2ème instance, la 1ère instance a donc examiné la question de l'octroi du sursis avant de fixer la quotité de la peine et elle a tenu compte, dans la fixation de celle-ci, du fait qu'elle était assortie du sursis. L'aspect insuffisamment dissuasif d'une peine assortie du sursis n'entre pas dans les critères de l'art. 63 CP : " statuer d'abord sur l'octroi du sursis avant de fixer la peine en fonction notamment de cet élément revient dès lors à violer cette norme " (Cons. 6c, p. 45). La 2ème instance a donc admis le recours sur ce point et elle a fixé de nouveau la peine.

La peine à prononcer ne saurait revêtir, pour la 2ème instance, une fonction purement dissuasive à l'égard du justiciable en général et des libraires en particulier (Cons. 6e, p. 48) ; la jurisprudence du TF considère que des motifs de prévention générale ne peuvent influencer la fixation de la peine que si cela ne conduit pas à prononcer une peine excédant celle qui correspondrait à la faute (ATF 118 IV 342). La 2ème instance prend encore en considération, pour la fixation de la peine, le fait que le recourant a cru n'être pas punissable (même s'il ne peut pas se prévaloir de l'art. 20 CP). Elle rappelle aussi que la plupart des libraires membres de l'Association Z, même s'ils n'ont pas placé l'ouvrage de Garaudy en vitrine ou en rayon, ont répondu favorablement aux commandes expresses de leur clientèle. Ces libraires n'ont pas été poursuivis ou condamnés (Cons. 6e, p. 48 s.). " S'il est vrai que ces circonstances ne sauraient entraîner la libération du recourant du chef d'accusation de discrimination raciale, dès lors qu'il n'est pas admis à se prévaloir d'une égalité de traitement dans l'illégalité [...], elles n'en apparaissent pas moins pertinentes pour juger de sa culpabilité dans le cadre de l'art. 63 CP " (Cons. 6 e, p. 49).

La 2ème instance a donc estimé qu'une peine de plusieurs mois d'emprisonnement était arbitrairement sévère.

Decisione

Le recours a été partiellement admis et le jugement réformé dans le sens que la 2ème instance a condamné X pour discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP), à vingt jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.


Decisione 2000-041N

Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le pourvoi en nullité.

In diritto

Le recourant conteste la peine de 20 jours d’emprisonnement infligée à l’intimé par la deuxième instance cantonale en la comparant avec celle de 4 mois prononcée en première instance. Il estime cette différence injustifiée car le verdict de culpabilité n’a pas été modifié.

Le Tribunal fédéral déclare ce premier grief irrecevable : «La comparaison opérée par le recourant revient ainsi remettre en cause l’application du droit cantonal, dont la violation directe ne peut toutefois être invoquée dans un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF).» (Cons. 2)

Ensuite, le recourant conteste la pertinence de deux éléments à décharge retenus par la deuxième instance cantonale :
Premièrement, selon lui, que l’intimé ait pensé ne pas être punissable en vertu de l’art. 27 CP n’est pas de nature à diminuer sa faute.

La Cour de cassation lui donne tort et confirme que le fait que l’intimé ait pu penser n’être pas punissable méritait d’être pris en considération dans la fixation de la peine. «La faute de celui qui agit en croyant, à tort, sans qu’on puisse le lui reprocher, qu’il échappera à une sanction est moindre que celle de celui qui agit en sachant que son comportement est punissable.» Or, la question de savoir si l’art. 27 CP est applicable à l’infraction réprimée par l’Art. 261bis al. 4 CP a été tranché dans l’arrêt de principe publié aux ATF 125 IV 206. Le Tribunal fédéral avoue que la solution de la question ainsi soulevée n’était pas d’emblée évidente, de sorte qu’il est compréhensible que l’intimé ait pu penser qu’il ne serait pas punissable en vertu de l’art. 27 CP. On ne peut pas donc lui reprocher qu’il aurait dû savoir que son comportement sera aussi punissable au sens de l’art. 27 CP.

Deuxièmement, le recourant critique l’argumentation de la cour cantonale ; selon lui, la circonstance que d’autres libraires ont vendu l’ouvrage litigieux sans être poursuivis ne réduit pas la culpabilité de l’intimé. Le Tribunal fédéral rejette cet argument et garantit que cette circonstance pouvait être prise en considération dans une certaine mesure pour apprécier la faute du recourant.

Par conséquent, la Cour de cassation dénie que la peine infligée ne soit pas à ce point clémente que l’on puisse parler d’un abus du large pouvoir d’appréciation.

Decisione

Le Tribunal fédéral rejette le pourvoi dans la mesure où il est recevable.