Caso 2020-032N
Vallese
Cronistoria della procedura | ||
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2020 | 2020-057N | Le Tribunal cantonal confirme le jugement du Tribunal de district et rejette l’appel du prévenu. Le prévenu est reconnu coupable de discrimination raciale (Art. 261bis al. 1 CP). |
2020 | 2020-032N | Le Tribunal fédéral rejette le recours et déclare le prévenu coupable de discrimination raciale. |
Criteri di ricerca giuridici | |
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Atto / Fattispecie oggettiva | Incitamento allodio o alla discriminazione (1° comma) |
Oggetto della protezione | Etnia; Religione |
Domande specifiche sulla fattispecie | Fattispecie soggettiva |
Parole chiave | |
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Autori | Persone politiche |
Vittime | Musulmani |
Mezzi utilizzati | Scritti; Comunicazione elettronica |
Contesto sociale | Reti sociali |
Ideologia | Islamofobia |
En lien avec un article intitulé « Une fusillade dans une mosquée fait un mort » publié dans le quotidien gratuit « 20 minutes » le 22 août, le prévenu a posté le même jour sur son compte Twitter et sur son compte Facebook, en partageant un lien vers l’article de presse en question, le message suivant : « On en redemande ! ». Le Tribunal fédéral rejette le recours et déclare le prévenu coupable de discrimination raciale.
Le recourant, titulaire d’une licence en droit et d’un brevet d’avocat, engagé en politique, a occupé les fonctions de secrétaire général de son parti, de député au Grand-Conseil, puis de Conseiller national. Il a écrit les contenus suivants sur son compte Twitter et Facebook :
Il a également publié ce même commentaire sur Facebook, en partageant un lien vers l’article de presse en question.
Après que sa publication sur Facebook eut donné lieu aux deux commentaires suivants : « 300 personnes dans la mosquée, fusillade 1 mort… c’est une blague » et « Encore et encore ! », le recourant a publié le message suivant sur ce même réseau social : Mon ironie a-t-elle été bien comprise ? », puis, plus tard sur Twitter : « Et les victimes qui s’en soucie ? » et à 17h12 « Manifestement, tout le monde ne comprend pas l’ironie… ».
Interpellé par e-mail le dimanche 24 août 2014 par un journaliste du quotidien « 20 minutes », le recourant lui a notamment répondu ce qui suit : « Je répète que les termes utilisés ne doivent pas être pris au 1er degré (ou à la lettre) et que je n’ai évidemment jamais eu l’intention d’appeler à quoi que ce soit. Mon tweet doit être interprété uniquement comme une réaction d’humeur à un événement inquiétant : des étrangers qui viennent régler leurs comptes chez nous. J’ai simplement voulu attirer l’attention, sans doute d’une manière polémique, sur un événement qui, encore une fois, est inquiétant (peut-être est-ce de cela, d’ailleurs, qu’il faudrait parler plus que d’un tweet ?). Attirer l’attention sur un événement inquiétant lié à l’immigration, est-ce pénal ? Je ne crois pas. Ce que je regrette ? c’est d’avoir été mal compris (c’est-à-dire que certains lecteurs n’aient pas compris l’ironie des mots que j’ai utilisés). Je n’ai pas à regretter d’avoir lancé un appel à je ne sais quoi que je n’ai jamais eu l’intention de lancer. ».
Decisione 2020-057N
Selon l’article 261bis CP, quiconque incite publiquement à la haine ou à la discrimination à l'égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse (al. 1), tout comme quiconque dénigre ou discrimine publiquement une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion, d’une manière contraire à la dignité humaine, par la parole, l’écriture, 1’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière (al. 4), est punissable, pour «discrimination raciale» (titre marginal), d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Objets de protection
Par race, il faut comprendre un ensemble de personnes se distinguant par des caractéristiques héréditaires telles que la couleur de la peau ou la physionomie (cf. Mazou, Commentaire romand, 2017, n. 8 ad Art. 261bis CP).
Une ethnie est un segment de la population qui se considère comme un groupe distinct et qui est compris comme tel par le reste de celle-ci. Il doit avoir une histoire commune, de même qu’un système cohérent commun d’attitudes et de normes comportementales (traditions, coutumes, costumes, langue, etc.), ces caractéristiques devant en outre être utilisées en vue de se démarquer (cf. ATF 143 IV 193 consid. 2.3 et les références citées ; Musy, La répression du discours de haine sur les réseaux sociaux, in SJ 2019 II p. 1 ss, p. 3). Le peuple albanais constitue en particulier une ethnie européenne (cf. dans ce sens ATF 131 IV 23 consid. 1.2 ; Vest, in Vest/Schubarth, Delikte gegen den öffentlichen Frieden [Art. 258-262 StGB], 2007, n. 28 ad Art. 261bis CP).
L’appartenance religieuse implique le partage par un groupe de personnes - ne formant pas une secte - de croyances transcendantales communes. L'islam est en particulier une religion (cf. Musy, loc. cit. ; Mazou, n. 11 ad art. 261 bis CP).
Comportements typiques
L'article 261bis al. 1 CP ne cible que l'agitation raciale, soit les appels qui s'adressent à un nombre indéterminé de destinataires et ont pour but l'excitation publique envers une ou plusieurs personnes. Il n’est pas nécessaire que l’auteur appelle explicitement à la haine ou à la discrimination. II suffit qu’il crée un climat dans lequel ces dernières s’épanouissent à travers ses expressions, ce qui peut se faire en usant d’une «ironie mordante» (« beissende Ironie » ; cf. VEST, n. 46 ad Art. 261bis CP). Il n'est en outre pas exigé que les destinataires du message suivent les conseils de son auteur et commettent, ou tentent de commettre, les actes que celui-ci a provoqués, ni d’ailleurs qu’ils soient acquis à sa cause.
L’article 261bis al. 4 CP concerne de véritables attaques qui ont pour motif la discrimination raciale et sont donc dirigées directement contre un ou plusieurs membres du groupe visé. Le comportement réprimé ne vise pas à exciter un nombre indéterminé de personnes, mais à s’en prendre à un ou plusieurs membres d'un groupe précis, dans le but d’exprimer directement son mépris. Cette norme vise notamment à protéger la dignité que tout homme acquiert dès sa naissance et l’égalité entre les êtres humains. A la lumière de cet objectif, constituent un abaissement ou une discrimination tous les comportements qui dénient à des groupes de personnes, en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou religieuse, une valeur égale en tant qu’être humain ou des droits de l’homme identiques, ou du moins, qui remettent en question cette égalité. Ainsi, un rabaissement porte atteinte à la dignité humaine au sens de 1’article 261bis al. 4 CP lorsque les personnes visées sont traitées comme des êtres humains de deuxième classe, respectivement, dans les cas extrêmes, se voient dénier toute dignité humaine, voire même le droit à l’existence (cf. pour 1’ensemble du consid. 4.3 : ATF 143 IV 308 consid. 4.1, 143 IV 193 consid. 1 et 4.3, 140 IV 67 consid. 2.1.1, 126 IV 20 consid. 1c et 124 IV 121 consid. 2b de même que les références citées ; Schleiminger Mettler, Commentaire bâlois, 4ème éd., 2019, n. 52 ad art. 261 bis CP ; Musy, op. cit., p. 5 ; Dupuis et al., Petit commentaire du CP, 2ème éd., 2017, n. 26 ad art. 261 bis CP ; Mazou, n. 21-22 ainsi que n. 44 ad Art. 261bis CP).
Une condamnation au sens du premier alinéa de 1’article 261bis CP absorbe les éléments constitutifs de l’infraction réprimée par la première partie de la phrase de son quatriéme alinéa (cf. ATF 143 IV 193 consid. 4.4 et les références citées ; Schleiminger Mettler, n. 85 ad Art. 261bis CP). De plus, d’une maniére générale, lorsqu’un comportement tombe sous Ie coup de plusieurs alinéas de I'article 261 bis CP, l'auteur n’est punissable que pour une seule infraction (cf. Mazou, n. 68 ad Art. 261bis CP).
Conditions subjectives
L’auteur doit agir intentionnellement, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Son comportement doit en outre être dicté par des mobiles particuliers, à savoir la haine ou le mépris des personnes appartenant à une race, une ethnie ou une religion déterminée. En d’autres termes, l’acte doit s’expliquer principalement par l’état d’esprit de l’auteur, qui déteste ou méprise les membres d’une race, d’une ethnie ou d’une religion (cf. MusY, op. cit., p. 8-9 et les références citées ; Dupuis et al., n. 80-81 ad Art. 261bis CP).
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Pour déterminer si une expression - dont le contenu est une question de fait - tombe sous le coup de 1’article 261bis CP, il faut se fonder sur le sens - qui est une question de droit- qu’un tiers moyen non averti doit, dans les circonstances du cas d’espèce, lui attribuer. Les particularités liées à la personne de l’auteur et à celle de la personne visée appartiennent notamment aux critères essentiels d’interprétation (cf. ATF 145 IV 23 consid. 3.2, 143 IV 193 consid. 1 ainsi qu’arrêt non publié 6B_267/2018 du 17 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées ; Musy, op. cit., p. 6-8).
Les comportements sanctionnés par 1’article 261bis al. 1 et 4 CP doivent être commis publiquement, ce qui, de maniére générale, est le cas d’un message posté sur les réseaux sociaux Facebook et, surtout, Twitter (cf. Musy, op. cit., p. 9-11 et les références citées).
Subsomption
Dans le cas particulier, l’article de presse auquel X. a apporté son commentaire «On en redemande» le 22 août 2014 à 16h01 avait pour titre, rédigé en caractéres gras, «Une fusillade dans une mosquée fait un mort». La légende de la photo illustrant le début de cet article montrait de surcroît la salle de prière vide de la mosquée en question et indiquait que, selon un témoin, 300 personnes s’y trouvaient au moment des faits.
Ainsi, pour un lecteur ne prenant pas davantage connaissance du contenu de 1’article en question, les informations marquantes ressortant des éléments visibles au premier coup d’oeil et décrits ci-dessus, étaient qu'un échange de coups de feu ayant provoqué le décés d’un homme avait eu lieu dans une mosquée, à l’occasion d’un rassemblement de 300 personnes dans l’espace réservé au culte. Seule la lecture de cet article jusqu'à son terme permettait de comprendre de manière plus précise que la mosquée où s’était déroulé le drame était fréquentée par la communauté musulmane albanaise de St-Gall et que la fusillade pouvait étre un acte de vengeance du tireur à l’encontre d’une personne ayant tué son frére de nombreuses années auparavant. Compte tenu de leurs réactions, il faut admettre que la très large majorité des personnes qui ont réagi au commentaire du prévenu n’ont pas lu 1’article en ligne du quotidien «20 minutes» au-delà de son titre, qui apparaissait d’ailleurs en caractéres gras sur son «profil» Facebook, de même que sur son compte Twitter. En effet, ces réactions laissent apparaître que leurs auteurs ont compris que ce commentaire se référait à une fusillade mortelle entre musulmans commise dans une mosquée. Une seule et unique personne a mentionné le fait que 1’article précité relatait, en réalité, «un réglement de compte à propos de l’honneur d’une famille» ; cette intervention n’a toutefois rencontré absolument aucun écho au vu des autres commentaires qui l’ont suivie. Par ailleurs, il est manifeste que, pour un lecteur moyen non averti, la brutalité et la concision des termes utilisés par X sous la forme d’une injonction (« On en redemande! » ) favorisait grandement une compréhension littérale et sans nuance de son propos, son ambiguïté ou son ironie selon lui - ne pouvant qu’être difficilement perçue au premier abord, ce d’autant plus qu’il s'exprimait sur des réseaux sociaux où il est notoire que les échanges sont rapides et spontanés, voire peu enclins à s'appuyer sur une fine analyse du sujet débattu, comme l’a d’ailleurs relevé W., qui, en outre, a concédé ne pas avoir lui-même non plus saisi immédiatement que le commentaire de son camarade de parti pouvait avoir «un double sens».
En outre, hormis son côté percutant, ledit commentaire a été rédigé à la suite d’une information non moins saisissante - à savoir le meurtre, par arme à feu, d’un homme dans un lieu de culte musulman en présence de nombreux fidéles - par une personnalité publique jouissant d’une certaine notoriété, dont les opinions hostiles à l'islam étaient connues et avaient encore été largement diffusées sur internet à plusieurs reprises durant les semaines précédentes, sans qu’il soit en outre manifeste, contrairement à ce qu’il soutient, notamment, dans sa déclaration d’appel, qu’il s’en était alors pris exclusivement au «djihadisme ou encore [au] terrorisme musulman». Dés lors, du moment que son auteur s’exprimait de maniére véhémente sur un homicide sanglant directement relié à un lieu de culte que tout un chacun, à l’évidence, rattachait immédiatement à la religion islamique et à ses adeptes, il faut admettre que tout lecteur moyen non averti allait créer un amalgame entre le commentaire litigieux et les opinions islamophobes notoires de son auteur, ou, en d’autres termes, comprendre que ses propos visaient l’ensemble des personnes de confession musulmane (cf. dans ce sens ATF 143 IV 308 consid. 4.3). Certes, à 16h14, X. a rédigé un deuxiéme message (« Mon ironie a-t-elle bien été comprise ? ») qui, selon lui, avait pour but d'éclairer le premier publié treize minutes auparavant. Il faut toutefois d’emblée remarquer que, dans cette nouvelle prise de parole, le prévenu n’a nullement indiqué que son commentaire initial ne visait pas les personnes de religion musulmane, comme le comprenaient manifestement les premières personnes à avoir réagi et auxquelles, visiblement, il répondait. Il n’a en particulier jamais précisé à ce moment-là que son intention était, par le biais d’un message ironique, de s’indigner de la violence régnant dans la communauté albanaise, comme il le soutiendra aprés que la présente procédure pénale eut été ouverte contre lui.
En définitive, au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que, pour un lecteur moyen non averti, le commentaire «On en redemande !" posté par X. le 22 août 2014 à 16h01 sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter, et dès lors formulé publiquement, devait être compris de manière littérale et sans nuance comme un appel à la répétition d’un échange model de coups de feu, survenu un peu plus tôt dans l’après-midi, dans une mosquée, entre des fidèles de la religion islamique. Ce faisant, le prévenu a ainsi clairement formulé une incitation à la haine (sur cette notion, cf. MAzou, n. 21 ad Art. 261bis CP ; Guyaz, L’incrimination de la discrimination raciale, 1996, p. 253) - qui a porté d’ailleurs porté ses fruits, à lire certaines réactions à son commentaire( cf. consid. 3.6, 3.13 et 3.14 ci-dessus) - contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse au sens de 1’article 261bis al. 1 CP (cf. dans le même sens, arrêt non publié précité 6B_267/2018 consid. 3.3).
Au demeurant, dans la mesure où un tel commentaire pouvait également être compris comme une négation du droit de vivre des personnes de confession musulmane, il serait également susceptible de tomber sous le coup de l'article 261bis al. 4 1ére partie de la phrase CP. Quoi qu’il en soit, le fait que les éléments constitutifs de l’infraction réprimée par l’alinéa premier de cette disposition sont réalisés prime sur le fait que ceux de l’alinéa quatre (1ère partie de la phrase) le seraient aussi.
Au surplus, même dans l’hypothèse - non retenue par la Cour de céans – où un lecteur moyen non averti eût de le comprendre que X. s’en prenait, comme il 1’a soutenu tout au long de la procédure, non pas aux fidèles de la religion musulmane mais aux membres de la communauté albanaise, qui est une ethnie, la question se poserait de savoir si son commentaire, incitant à la haine et niant le droit de vivre des personnes visées, ne tomberait pas également, pour des motifs similaires à ceux développés ci-dessus, sous le coup de 1’article 261bis al. 1 et 4 CP. Cette question souffre toutefois de demeurer indécise.
Juriste, ancien magistrat instructeur, avocat et politicien expérimenté, le prévenu, âgé de 50 ans au moment des faits, était alors particulièrement rompu au maniement des mots et des idées, notamment pour faire passer ses messages politiques. Même s’il fallait admettre qu’il a rédigé le commentaire litigieux dans un mouvement d’humeur, comme il 1’a soutenu, il ne peut luii avoir échappé qu’il choisissait une formule sujette à interprétation puisque, de son propre aveu, il voulait précisément faire preuve d’ironie. Alors même que, prise de maniére littérale, cette formule exprimait de manière particulièrement brutale un appel à répéter un meurtre commis dans une mosquée, ce qui ne pouvait pas non plus lui échapper, il s’est néanmoins abstenu d’user de la moindre précaution de langage pouvant orienter un lecteur non averti vers une compréhension au second degré de son message. De plus, après qu’il eut réalisé que les internautes qui réagissaient à ce dernier ne l’avait pas compris dans le sens qu’il souhaitait, et même reçu des avertissements explicites de son camarade de parti W., il en a certes rédigé un second indiquant qu’il avait voulu faire preuve d’ironie, mais s'est néanmoins totalement abstenu de préciser qu’il ne visait nullement les membres de la communauté musulmane. Il faut ainsi admettre qu'il a, en réalité, accepté que son commentaire haineux puisse être compris au premier degré comme étant dirigé à l’encontre de ceux-ci et qu’il a ainsi agi, à tout le moins, par dol éventuel (sur cette notion, cf. Moreillon et al., n. 15 ss ad art. 12 CP et les références citées). Par ailleurs, ses mobiles sont clairement liés à son islamophobie connue qu’il n’a jamais cherché à dissimuler.
Au terme de cette analyse, il faut retenir que l’appelant s’est rendu coupable de discrimination raciale au sens de 1’article 261bis al. 1 CP, comme l'a décidé à juste titre le juge de premiére instance.
Décision antérieure Le prévenu est dénoncé pénalement le 25 août 2014 auprès du Ministère public du canton du Valais pour discrimination raciale et provocation publique au crime ou à la violence (art. 259 CP). Par acte d’accusation du 13 juillet 2016, le procureur a renvoyé le prévenu devant le Tribunal du district de Sion afin qu’il réponde de l’accusation de discrimination raciale. Le juge de district a reconnu le prévenu coupable de discrimination raciale et l’a condamné.
Le Tribunal cantonal confirme le jugement du Tribunal de district et rejette l’appel du prévenu. Le prévenu est reconnu coupable de discrimination raciale (Art. 261bis al. 1 CP). Il est condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 300.-, assortie d'un sursis de deux ans et à une amende de CHF 3000.-.
Decisione 2020-032N
Le Tribunal fédéral relève que l’analyse d’un texte ne doit pas faire abstraction de l’impact particulier d’un titre ou d’un intertitre. Rédigés en plus gros caractères et en gras, ceux-ci frappent spécialement l’attention du lecteur. Ces considérations d’expérience générale valent à fortiori lorsque, comme en l’espèce, une publication sous forme électronique, tel le partage flanqué du commentaire du recourant, ne donne pas un accès immédiat à l’intégralité d’un texte dont seul le titre est reproduit et que le public cible doit encore activer un lien pour prendre connaissance de la publication originale complète.
Etant rappelé que seuls les messages du recourant du 22 août 2014 à 16h01 sur Twitter puis sur Facebook font l’objet de l’accusation pénale, ses publications précédentes, en tant qu’elles renseignent sur sa personnalité (notamment politique), n’en constituent pas moins des éléments contextuels pertinents pour déterminer comment son message pouvait être compris par un lecteur moyen non prévenu. Il est vrai que le recourant fait état, dans ses écritures de recours, de son hostilité « envers l’islam en tant qu’idéologie ». Il est vrai également que la doctrine considère que la simple expression de craintes quant à la disparition des sociétés ayant leurs racines dans le christianisme ne constitue pas encore une incitation à la haine raciale. Les distinctions opérées par le recourant dans son recours ne transparaissent, en effet, que très peu dans ses publications sur les réseaux sociaux, qui, sous réserve de celles du 17 juin et du 20 août 2014, parlent d’un combat respectivement de « haine » contre « l’islam », sans mention d’idéologie ou de dérives violentes. Comme l’a déjà constaté le Tribunal fédéral, une telle manière de s’exprimer contribue à entretenir des amalgames, par exemple entre musulmans et islamistes terroristes et plus généralement entre des comportements individuels et des reproches attentatoires à la dignité humaine adressés aux membres de communautés tout entières.
Le Tribunal informe que, contrairement à ce que soutient le recourant, l’affirmation « l’islam est une saloperie », relayée de diverses manières dans ses communications des 12 et 13 août 2014 sur Twitter et Facebook, va bien au-delà d’une simple critique d’une religion, empreinte d’un zeste d’ironie ou d’exagération. On comprend aisément, nonobstant l’ambiguïté recherchée par la référence à la religion, que cette affirmation contient un reproche adressé à tous les musulmans de pratiquer « une saloperie », autrement dit une religion digne de mépris, une saleté, une abjection ou une déchéance morales. On comprend également qu’en s’affirmant solidaire de la personne ayant émis cette affirmation, le recourant, islamophobe revendiqué, ne laisse planer aucun doute sur le sens de ses partages sur les réseaux sociaux, dont le cumul, en plus de l’absence de toute prise de distance, manifeste nécessairement une forme d’adhésion. Le texte retweeté le 13 août 2014 « L’islam est une saloperie soutenue par des salauds traitres et collabos » n’est pas sans évoquer, en sus, par l’usage du terme « collabos », un parallèle entre islam et occupant nazi. On retrouve un tel amalgame, ainsi que d’autres thèses complotistes dans d’autres articles partagés par le recourant.
Le Tribunal rappelle que si la démocratie exige que la critique puisse être formulée y compris quant à certains groupes de la population et si le jeu politique impose qu’elle ne soit alors pas interprétée de manière étroite ou mesquine, le contexte politique dans lequel intervient cette critique ne doit pas faire apparaître celle-ci comme purement gratuite. Or le contexte actuel ne fait état d’aucun environnement particulier permettant de penser que la publication du recourant aurait pu s’inscrire dans un tel débat général d’actualité sur l’islam, le terrorisme ou même la violence de certains groupes de population musulmans en Suisse. Le recourant n’allègue rien de tel et ne soulève aucun grief de cet ordre. Il relève certes qu’il combat, ainsi que son parti, une immigration dénoncée comme incontrôlée, notamment en provenance des pays musulmans et il relève aussi que son combat se doublerait d’une hostilité envers l’islam en tant qu’idéologie, perçu comme incompatible avec les traditions démocratiques et religieuses européennes. Cela ne démontre toutefois pas encore l’existence d’une réelle actualité politique de ces thèmes. De plus, le Tribunal relève que les messages du recourant, qui n’avaient pas le caractère reconnaissable d’une affiche électorale, ne sont pas intervenus dans le contexte d’élections ou de votations. Dans sa crue simplicité, le commentaire lapidaire « On en redemande ! », au mieux ambigu mais dénué de toute nuance n’était pas de nature non plus à initier un nouveau débat de l’immigration, de la violence communautaire, de la place de l’islam dans les sociétés occidentales, la Suisse en particulier, ou de terrorisme. Les communications antérieures du recourant, sur l’islam décrit comme un objet de haine à fin « de salubrité mentale » ou comme « une saloperie » ne laissent pas subsister de doute sérieux sur l’intention d’émettre, le 22 août 2014, un message ambigu, mais à caractère néanmoins islamophobe et discriminatoire. Ce faisant, le recourant a franchi la limite au-delà de laquelle un discours politique dégénère en un appel à la haine ou à l’intolérance et où l’intérêt public à sa libre expression en démocratie doit s’effacer devant la protection de la dignité humaine.
Le Tribunal estime qu’il résulte de ce qui précède qu’aucun doute insurmontable ne subsiste quant à la signification du message du recourant. Aux yeux du lecteur moyen non averti, si le recourant n’a pas, à proprement parler, lancé un appel à l’homicide de musulmans, il n’en a pas moins incité ses lecteurs à se réjouir de l’événement tragique survenu dans une mosquée en souhaitant la répétition. Or, le seul fait de se réjouir du mal qui arrive à quelqu’un exprime déjà une aversion constitutive de la haine. Lorsque cette jubilation s’exprime spécifiquement à l’encontre de personnes pratiquant une religion, ce qui était clairement reconnaissable en l’espèce, en raison du lieu dans lequel est survenu le drame humain que le recourant persiste à taxer « d’incident » dans ses écritures, elle procède de la discrimination et de l’appel à la haine. Par ailleurs, suggérer que la mort tragique de membres d’une communauté, notamment confessionnelle, ne susciterait aucune empathie constitue également un positionnement susceptible de renforcer un climat hostile et il suffit, au regard de l’art. 261 bis al. 1 CP, d’exciter des individus ayant déjà des sentiments racistes, sans que l’exhortation doive être particulièrement explicite. Enfin, le recourant ne conteste pas le caractère public de son comportement. Il s’ensuit que tous les éléments constitutifs objectifs de l’Art. 261bis al. 1 CP sont réalisés.
Sur l’aspect subjectif de l’infraction, le Tribunal relève que le recourant, même s’il avait rédigé le commentaire litigieux dans un mouvement d’humeur, ne pouvait ignorer qu’il choisissait une formule sujette à l’interprétation puisque, de son propre aveu, il voulait précisément faire preuve d’ironie. Alors même que, prise de manière littérale, cette formule exprimait de manière particulièrement brutale un appel à répéter un meurtre commis dans une mosquée, ce qui ne pouvait lui échapper, il s’était néanmoins abstenu d’user de la moindre précaution de langage pouvant orienter un lecteur non averti vers une compréhension au second degré de son message. De plus, après qu’il eut réalisé que les internautes ne l’avaient pas compris dans le sens qu’il souhaitait, et même après avoir reçu des avertissements explicites de son camarade de parti, il en avait certes rédigé un second indiquant qu’il avait voulu faire preuve d’ironie, mais s’était néanmoins totalement abstenu de préciser qu’il ne visait nullement les membres de la communauté musulmane. Il fallait ainsi admettre qu’il avait, en réalité, accepté que son commentaire haineux puisse être compris au premier degré comme étant dirigé à l’encontre de ceux-ci et qu’il avait agi, à tout le moins, par dol éventuel. Ses mobiles étaient clairement liés à son islamophobie connue, qu’il n’avait jamais cherché à dissimuler.
Pour le Tribunal, loin d’exculper le recourant, les messages subséquents suggèrent plutôt une tentative maladroite et tardive de contrer des réactions d’internautes excessivement enthousiastes, qui, par leur adhésion caricaturale, mettaient trop clairement en évidence une lecture du message rendant univoque ce que le propos devait conserver d’ambiguïté.
Le Tribunal fédéral rejette le recours et déclare le prévenu coupable de discrimination raciale. Le prévenu est dès lors coupable de discrimination raciale (Art. 261bis al. 1 CP) et est condamné à 60 jours-amende à 300 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à 3000 fr. d'amende.