Caso 2022-032N
Ginevra
Cronistoria della procedura | ||
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2022 | 2022-032N | La Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A. contre la sentence de culpabilité du Tribunal de police du Canton de Genève, qui a dès lors été confirmé. |
Criteri di ricerca giuridici | |
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Atto / Fattispecie oggettiva | Disconoscimento di un genocidio (4° comma 2ª metà) |
Oggetto della protezione | Etnia; Religione |
Domande specifiche sulla fattispecie | Bene giuridico protetto; Fattispecie soggettiva |
Parole chiave | |
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Autori | Persone private |
Vittime | Ebrei |
Mezzi utilizzati | Parole |
Contesto sociale | Arte e scienza; Reti sociali |
Ideologia | Antisemitismo; Revisionismo |
A. est un humoriste de nationalité française et camerounaise. Dans plusieurs sketchs qui ont eu lieu dans les cantons de Vaud et Genève, il aurait eu des propos antisémites et lors d’un interview sur YouTube il aurait tenu des propos attentatoires à la personnalité.
Par jugement, le Tribunal de police du Canton de Genève a reconnu A. coupable de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 in fine CP), de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et d'injure (art. 177 al. 1 CP). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, à CHF 170.
La Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A. contre le la sentence de culpabilité précité, qui a dès lors été confirmé.
A. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Le Tribunal fédéral déclare que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
A. est un humoriste de nationalité française et camerounaise. Il s'est produit en public au Théâtre dans les cantons de Vaud et Genève, pour jouer son spectacle intitulé « En vérité », dont il est le co-auteur et le metteur en scène.
Dans un sketch présenté vers la fin du spectacle, A. interprétait un passager assis à bord d'un avion sur le point de s'écraser. Il a dit : « J'aurais dû être terroriste, au moins tu crèves pour quelque chose, ils vont au bout de quelque chose. J'emmerde tout le monde, les chambres à gaz n'ont jamais existé ». Lors d’une représentation, il a en outre dit ce qui suit à l'attention du public : « B. [soit l'association B.], les associations juives... ah bon, ils ne m'aiment pas ces gens-là, encore aujourd’hui ? Ah j'ai un procès demain ? B. me fait un procès ? Il faut leur dire d'aller se faire enculer à B. »
Plus tard, A. a réagi aux propos de C. lors d'une interview sur la chaîne YouTube de O. : « Il (C.) me diffame, il nous diffame avec F. Il apporte des affirmations qui sont des mensonges [...], donc ça sera le rendez-vous devant les tribunaux avec cet homme qui tout simplement, il a une haine envers moi, mais je pense que c'est envers le noir que je suis. On sent qu'il porte l'héritage de ces négriers juifs qui pendant des siècles ont déporté des hommes comme moi et je pense qu'il considère que nous ne sommes pas des êtres humains et que nous sommes des animaux avec un visage humain. Moi je le considère comme un homme et donc je lui donne rendez-vous devant le Tribunal, tous ses mensonges, parce que je crois que chez lui c'est devenu une religion le mensonge et donc j'espère qu'on aura la manifestation de la vérité devant les juges suisses, en tout cas il avance des choses qui sont erronées. C'est un menteur, c'est un raciste. »
Introduction
L'art. 261bis CP protège la dignité de l'homme en tant que membre d'une « race », d'une ethnie ou d'une religion (ATF 126 IV 20). Cet article est classé parmi les infractions contre la paix publique, visant à prévenir les actes susceptibles de dresser des groupes humains les uns contre les autres (ATF 130 IV 111).
Seule la discrimination fondée sur l'appartenance raciale, ethnique ou religieuse est réprimée par l'art. 261bis CP. Le terme « religion » désigne un groupe de personnes partageant des croyances transcendantales communes. Le judaïsme est inclus dans cette définition (ATF 123 IV 202 consid. 4c p. 209).
L'infraction implique un comportement intentionnel ; le dol éventuel suffit (ATF 123 IV 202 consid. 4c p. 210). L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs de l'infraction, soit ceux propres à chaque variante de l'art. 261bis CP.
Pour apprécier si une expression relève du droit pénal, il faut se baser sur le sens qu'un tiers moyen non averti lui attribuerait dans les circonstances spécifiques. Une expression publique est couverte par l'art. 261bis al. 4 1ère partie CP si un tiers moyen non averti la comprendrait comme relevant de la discrimination raciale et que l'auteur s'est accommodé de ce fait (ATF 140 IV 67 consid. 2.1.2 p. 69).
Négationnisme
Mettre en doute l'existence des chambres à gaz revient à contester les crimes commis par le régime nazi, notamment l'extermination systématique des Juifs (ATF 121 IV 76 consid. 2b/cc p. 85).
Pour certains génocides, comme l'Holocauste, la jurisprudence établit un automatisme entre la minimisation de ces événements et la volonté de discriminer.
La phrase « les chambres à gaz n'ont pas existé » minimise la souffrance des victimes de l'Holocauste. Cette assertion est considérée comme négationniste et discriminatoire.
Le sketch contient des allusions qui dénotent un mépris pour les victimes de la Shoah. Le comportement de l'humoriste montre une inclination à se moquer des victimes de l'Holocauste, confirmant un mobile discriminatoire.
Conflit avec la liberté d'expression
L'art. 261bis CP peut entrer en conflit avec la liberté d'opinion, garantie par l’art. 16 Cst. Et l’art 10 CEDH. À l’instar des autres droits fondamentaux, la liberté d’opinion n’a toutefois pas une valeur absolue. Des restrictions peuvent y être apportées si elles sont fondées sur une base légale, sont justifiées par un intérêt public ou la protection d’un droit fondamental d’autrui et demeurent proportionnées au but visée (art. 36 Cst. ; art. 10 §2 CEDH).
A teneur de l'art. 10 CEDH, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.
L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.
Dans un arrêt de 2020, le Tribunal fédéral a nié l'ironie d'un « tweet » rédigé par un politicien en lien avec une fusillade dans une mosquée (« On en redemande ») au motif qu'en dehors de tout cadre reconnaissable dédié à l'humour, à la satire ou à la caricature, un tel message ne pouvait avoir un sens clairement univoque et que son ambiguïté était recherchée, un tel procédé relevant d'une « ironie de façade » (arrêt du
Tribunal fédéral 6B_644/2020 du 14 octobre 2020, consid. 2.3.5).
Dans un arrêt récent, la CourEDH a rappelé que la satire est une forme d'expression artistique et de commentaire social qui, de par l’exagération et la déformation de la réalité qui la caractérise, visait naturellement à provoquer et à l’agiter, d’où la nécessité d’examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d’un artiste – ou de toute autre personne – à s’exprimer par ce biais (Affaire Eon c. France no 26118/10). En ce sens, la Cour a considéré que le discours humoristique ou les formes d’expression qui cultivent l’humour sont protégés par l’art. 10 CEDH. Si ces formes d’expression ne peuvent être appréciées ou censurées à l’aune des seules réactions négatives ou indignées qu’elles sont susceptibles de générer, elles n’échappent pas pour autant aux limites définies au paragraphe 2 de l’article 10 CEDH. Même la satire ne permet pas de transgresser les limites définies par la CEDH, notamment lorsque les propos visent à minimiser ou nier des génocides reconnus.
Il est en outre largement admin qu’une telle assertion revient à minimiser la souffrance subie par les victimes de l’Holocauste.
Conclusion
L'appelant a délibérément tenu des propos négationnistes et discriminatoires envers les victimes de la Shoah, portant atteinte à leur dignité humaine. La liberté d'expression, bien que fondamentale, ne justifie pas les discours négationnistes ou discriminatoires, même sous couvert d'humour ou de satire. Il est donc reconnu coupable de discrimination raciale.
Par jugement, le Tribunal de police du Canton de Genève a reconnu A. coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 in fine CP), de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et d'injure (art. 177 al. 1 CP). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, à CHF 170.
La Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A. contre le la sentence de culpabilité du Tribunal de police du Canton de Genève, qui a dès lors été confirmé.