Fall 2022-001N
Waadt
Verfahrensgeschichte | ||
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2022 | 2022-001N | L’appel est admis et le prévenu est libéré de l'accusation de discrimination raciale et incitation à la haine. |
2023 | 2023-071N | L'accusé est condamné pour discrimination raciale. |
Juristische Suchbegriffe | |
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Tathandlung / Objektiver Tatbestand | Herabsetzung oder Diskriminierung (Abs. 4 Hälfte 1) |
Schutzobjekt | keine Ausführungen zum Schutzobjekt |
Spezialfragen zum Tatbestand | Öffentlichkeit |
Stichwörter | |
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Tätergruppen | Politische Akteure |
Opfergruppen | Juden |
Tatmittel | Wort |
Gesellschaftliches Umfeld | Öffentliche Orte; Medien (inkl. Internet) |
Ideologie | Antisemitismus |
X. aurait tenu des propos discriminatoires à l'égard des juifs dans le cadre d'une conférence publique, propos qui auraient été recueillis par le journaliste Y. et ensuite diffusés. Comme X. l'a fait de manière informelle à deux personnes proches, loin des caméras et du discours, et qu'il n'est pas tout à fait clair qui a entendu quoi et à quelle distance se trouvaient les autres personnes, l'élément de publicité fait défaut.
La deuxième instance libère X. de l'accusation de discrimination raciale et incitation à la haine.
Finalement, après un arrêt du Tribunal fédéral concernant cette affaire, le Tribunal cantonal condamne le prévenu.
La première instance a condamné X. pour discrimination raciale et incitation à la haine.
Les faits suivants ont servi de base à cette condamnation : « X. a été invité […] au local de [...] dans le cadre d’une conférence publique organisée par le groupe [...] pour s’exprimer sur le thème de « La question raciale » ».
A cette date, dans le caveau du local, alors qu’à tout le moins 10 personnes s’y trouvaient, X., assis à la table de conférence, a déclaré de façon à pouvoir être entendu par l’ensemble des individus présents « il y a pire que le coronavirus, il y a le judéovirus ». Ces propos ont été tenus de façon suffisamment intelligible pour que l’ensemble de l’assistance présente, dont le journaliste Y. assis au dernier rang de la salle, les entende. Les déclarations d’X. ont fait l’objet d’un article publié dans […]. »
Le prévenu fait recours contre cette décision.
Entscheid 2022-001N
L'appelant soutient que même dans l'hypothèse où la version du journaliste serait retenue, il serait erroné de retenir que les propos litigieux ont été tenus en public, dès lors que ceux-ci auraient été exprimés avant le début de la conférence, alors qu’il s’adressait, en aparté, à deux proches. L'infraction réprimée par l'Art. 261bis CP prévoit que l'auteur doit agir publiquement, ce qui suppose qu'il s'adresse à un large cercle de destinataires déterminés ou qu'il s'exprime de manière telle qu'un cercle indéterminé de personnes peuvent prendre connaissance de son message. Sont prononcées publiquement, au sens de l'Art. 261bis CP, les allégations qui n'interviennent pas dans un cadre privé, soit dans un cercle familial ou d'amis ou dans un environnement de relations personnelles ou empreint d'une confiance particulière.
La première instance a estimé que la conférence avait un caractère public, que les propos litigieux avaient certes été tenus avant le début de l'exposé, alors que seule une dizaine de personnes étaient dans la salle, que le prévenu s'était adressé à deux personnes qui étaient arrivées avec lui et avaient pris place au premier rang, qui étaient des proches, mais que ces personnes se trouvaient à environ 5 mètres de lui, que le prévenu ne pouvait qu'être conscient du fait que les quelque dix autres personnes présentes – qu'il ne connaissait pas – allaient également l'entendre, ce qui avait d'ailleurs été le cas du journaliste qui se trouvait à l'autre bout de la salle.
Selon les éléments au dossier et les explications des parties, la distance qui séparait le prévenu de ses proches n’apparaît pas déterminée. En effet, le journaliste a expliqué qu’il était lui-même assis au dernier rang et se trouvait à 4 ou 5 mètres du prévenu, alors que les proches de ce dernier étaient assis au premier rang en face du prévenu – donc à largement moins de 5 mètres –, et que celui-ci s'était penché vers eux pour leur parler. X. a quant à lui déclaré que le journaliste était distant de plus que les 5 mètres par lui évoqués, ce dont on pourrait déduire que ses accompagnants étaient quand même à quelques mètres de lui. Cet élément ne semble toutefois pas déterminant en l’espèce pour apprécier la notion de publicité des propos.
En effet, selon la version du journaliste, le prévenu aurait dit, au sujet des propos litigieux, « je le dis avant que la caméra ne tourne », ce qui donne à penser qu'il n'avait pas l'intention de les partager publiquement. Le journaliste qui cherchait manifestement un « scoop », a donc probablement écouté ce que disait le prévenu à ses proches, alors même que les propos tenus étaient dits, selon ses propres termes, « en aparté » et alors que X. s’était penché vers ceux-ci. En conséquence, on peut douter de l’intention du prévenu de s'exprimer publiquement, ne serait-ce que parce qu'il est conscient des risques d’un tel comportement. On ne saurait même considérer qu’il aurait agi par dol éventuel, considérant qu’à ce moment, il s’adressait « hors caméra », « en aparté » à deux proches et que ne se trouvaient dans la salle qu’une dizaine de personnes qu’il n’entendait pas faire participer à ses déclarations. En définitive, l’élément constitutif relatif à la publicité n’est pas réalisé et l’appelant doit être libéré du chef de prévention de discrimination raciale et incitation à la haine. L’appel sera admis dans cette mesure.
L’élément constitutif relatif à la publicité n’est pas réalisé et l’appelant doit être libéré du chef de prévention de discrimination raciale et incitation à la haine.
Entscheid 2023-071N
Le Tribunal fédéral a estimé que l’élément constitutif relatif à la publicité était réalisé et que le prévenu ne pouvait qu’être conscient du caractère public de ses propos.
S’agissant de l’impossibilité alléguée pour le journaliste d’avoir entendu les propos tenus par le prévenu avant le début de la conférence, il y a lieu de relever que si tel devait être le cas, de deux choses l'une : soit le journaliste a tout inventé, soit il a cru entendre et mal interprété. A cet égard, la Cour d’appel, à l’instar du premier juge, peine à croire à une pure invention, considérant les risques qu’encourrait le journaliste au regard du faible profit qu’il aurait pu en retirer. Cette hypothèse sera donc écartée. En conséquence, s’il devait s’agir d’une mécompréhension de la part du journaliste, on ne peut que s’étonner du fait que l'appelant ne se soit jamais prononcé sur ce qu’il avait réellement pu dire à ses proches en se penchant vers eux. Plus encore, on s’étonne que le prévenu n'ait pas demandé leur audition de ces proches, alors qu'il se plaint que le Ministère public n'ait pas entendu davantage de témoins présents dans la salle.
En définitive, à la vue de l’ensemble des éléments, aucun élément ne semble susceptible de remettre en cause la version du journaliste. Le premier juge a estimé que les propos tenus par l’appelant faisaient indubitablement référence à la religion judaïque. Il a considéré que, en assimilant les juifs à un virus, qui serait pire que le coronavirus, l’appelant a tenu des propos clairement discriminants pour les personnes de confession juive et qu’un tiers moyen ne pouvait donner d’autre sens à ses paroles. L’appréciation du premier juge doit être suivie.
Sur le plan subjectif, le fait pour l’appelant de dire « je le dis avant que la caméra tourne », démontre que celui-ci avait réalisé que ses propos étaient problématiques et qu’il valait mieux pour lui qu’il n’y en ait pas de preuve vidéo. Il avait donc conscience que ses paroles avaient un caractère discriminatoire. Il était également conscient de leur caractère public, ce que le Tribunal fédéral a déjà établi. En outre, il était bien mû par un mobile discriminatoire, son but ne pouvant être autre que de dénigrer les juifs.
Sa justification voulant qu’il s’agirait uniquement d’une plaisanterie de mauvais goût ne lui est d’aucun secours. Cela impliquerait que le caractère soi-disant humoristique de ses propos découlerait directement de leur qualité discriminante, ce qui démontre déjà chez leur auteur un dédain à l’égard des intéressés. De surcroit, l’appelant ayant prononcé ces paroles dénigrantes spontanément et gratuitement, en dehors de tout contexte pouvant commencer d’expliquer un pareil trait d’« humour », il n’y a pas lieu de douter que sa volonté était de se montrer dénigrant envers les personnes de confession juive.
La condamnation de l’appelant pour discrimination raciale et incitation à la haine prononcée par les premiers juges doit être confirmée. L’appel est rejeté et le jugement rendu par la première instance est confirmé.
Le prévenu s’est rendu coupable de discrimination raciale et incitation à la haine et est condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 150 fr. Il est aussi condamné à une amende de 900 fr. à titre de sanction immédiate et dit que la peine privative de liberté de substitution sera de 9 jours en cas de non-paiement fautif de celle-ci.