Cas 2002-038N
Fribourg
Historique de la procédure | ||
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2002 | 2002-038N | Les trois prévenus sont reconnus coupables de discrimination raciale. |
Critères de recherche juridiques | |
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Acte / Eléments constitutifs objectifs | Négation d'un génocide (al. 4 2ème phrase) |
Objet de protection | Ethnie; Religion |
Questions spécifiques sur l'élément constitutif | Publiquement (en public) |
Mots-clés | |
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Auteurs | Particuliers |
Victimes | Juifs |
Moyens utilisés | Ecrits; Propagation de matériel raciste |
Environnement social | Lieux publics |
Idéologie | Antisémitisme; Révisionnisme |
X. a porté plainte contre l’association « V » car ces derniers lui ont adressé, à son domicile, en sa qualité d’homme politique, une brochure intitulée « Le contre rapport Bergier » dont ils sont les auteurs et dont le contenu est révisionniste, antisémite et contient des thèses négationnistes. L’association est composée de plusieurs membres mais seul trois sont jugé par le tribunal dans le présent jugement : P., G. et R.
P. et R. sont poursuivis en tant que président et vice-président de l’association « V ». G. est poursuivi pour sa participation à la publication d’écrits apparaissant dans les publications de « Vérité & Justice ».
P., G. et R. sont reconnus coupables de discrimination raciale.
X. a porté plainte contre l’association « V » car ces derniers lui ont adressé, à son domicile, en sa qualité d’homme politique, une brochure intitulée « Le contre-rapport Bergier » dont ils sont les auteurs. L’association est composée de plusieurs membres mais seul trois sont jugés par le tribunal dans le présent jugement : P., G. et R.
P. et R. sont poursuivi pour discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP) en tant que président et vice-président de l’association « V ». Il leur est reproché d’avoir, par le biais de cette association, imprimé, publié et distribué un livret intitulé « Le contre-rapport Bergier » et un livret intitulé « Le procès G., Une parodie de justice » dont le contenu est révisionniste, antisémite et contient des thèses négationnistes.
G. est poursuivi pour sa participation à la publication d’écrits apparaissant dans les publications de « Vérité & Justice ». G. a écrit, publié et vendu 200 exemplaires d’un article intitulé « Critique du jugement rendu le 10 avril 2000 par le tribunal correctionnel du district de Lausanne dans la cause G. ». Il y avait en annexe trois articles intitulés « La question juive », « Je ne crois pas aux chambres à gaz » et « Vive le révisionnisme ».
Le tribunal pénal a fait des remarques importantes sur l'article 261bis du Code pénal. A teneur de l’article 261bis al. 4 CP, celui qui aura publiquement par la parole, L’écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l‘humanité sera puni de l‘emprisonnement ou de l'amende.
Dans son message, le Conseil fédéral a commenté cette disposition comme suit : « Le fait de déshonorer la mémoire d'un défunt a été inclus dans la définition de l’infraction pour pouvoir s'en prendre aux falsifications d'histoire des révisionnistes qui diffusent dans leurs ouvrages pseudo-scientifiques des théories qu'on désigne sous le nom de ' » Mensonges sur Auschwitz ». Il ’agit de I ‘affirmation selon laquelle l’Holocauste n'aurait jamais eu lieu et les chambres à gaz n’auraient pas existé. Ce ne seraient pas six millions de Juifs qu'on aurait fait mourir, mais beaucoup moins, et par ailleurs, les Juifs retireraient des avantages économiques de l’Holocauste. Cette falsification de l’histoire ne peut pas être considérée comme une simple querelle d'historiens. Elle cache souvent une tendance de propagande raciste qui se révèle particulièrement dangereuse lorsqu’elle s'adresse à des auditeurs jeunes dans le cadre de I ‘enseignement. »
L'article 261bis al. 4 CP entend ainsi clairement réprimer les atteintes faites aux personnes juives en raison de leur confession. L'énumération non exhaustive des moyens (« ou de toute autre manière ») doit permettre de retenir Ia qualification d'auteur dans son acception la plus large. Ainsi celui qui participe à la diffusion publique d'un ouvrage négationniste contribue à la négation ou à la minimisation grossière d'un génocide au sens de l'article 261bis at. 4 CP.
Les trois prévenus font valoir que cet article est inconstitutionnel, dans la mesure où il limite la liberté d’expression et d’opinion. On leur répondra qu’il n’appartient pas au présent Tribunal d’examiner la constitutionnalité de cette disposition. Il sied également de relever que l’article 191 Cst. Fait obligation au Tribunal fédéral ainsi qu’aux autres autorités, à savoir, notamment, les autorités judiciaires cantonales, d’appliquer les lois fédérales et le droit international. En outre, si l’article 10 par. 1 CEDH consacre effectivement le principe de la liberté d’expression, le paragraphe 2 démontre clairement que ce principe n’est pas absolu puisqu’il prévoit expressément que l’exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, notamment lorsqu’il s’avère nécessaire de garantir la sécurité nationale, la sûreté publique, la défense de l’ordre ou la prévention du crime. L’article 261bis CP n’est dès lors pas contraire à la CEDH.
Pour l’application de l’article 261bis al. 4 CP un auteur doit avoir nié, minimisé grossièrement ou cherché à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité. Le Contre-rapport Bergier et autres documents nient ou, à tout le moins minimisent grossièrement le génocide des Juifs (ils nient l’extermination de 6 millions de Juifs par le Troisième Reich ou des gazages homicides), groupe de personnes auquel ils s’en prennent directement en raison de leur appartenance de ses membres à la religion juive. Le fait que ses documents n’aient pas été adressés directement aux personnes visées ne suffit dès lors pas à exclure l’application de l’article 261 bis al 4 CP.
L’auteur doit avoir agi publiquement : Selon la jurisprudence du Tribunal fëdëral, est public l'envoi d'un document à une cinquantaine de personnes. Ce n'est pas tant le risque d'une large diffusion qu'il faut prendre en compte, mais bien plus de savoir si ce risque s'est effectivement réalisé pour admettre que I ‘auteur a agi publiquement; le fait que le risque soit plus ou moins grand suivant que les propos sont adressés à des amis, de simples connaissances ou des étrangers n'a de rôle que dans l’appréciation de l‘élément subjectif de I‘infraction, plus le risque étant élevé, plus le dol éventuel pouvant le cas échéant être admis. Le fait que les destinataires aient été des abonnés ou des personnes décrites comme «Intéressantes» par les sympathisants n'y change rien. Toutefois, et indépendamment de la question de la diffusion sur Internet, le nombre d'exemplaires des deux brochures distribués (environ 300 pour l'un et un multiple de cent pour l'autre) dépasse largement la limite retenue par la jurisprudence (une cinquantaine de personnes) et permet sans conteste d'affirmer que les prévenus R. et P. ont agi publiquement au sens de l'article 261 bis al. 4 CP.
L’auteur doit avoir agi en raison de la race, de l’appartenance ethnique ou de la religion de personnes : Les deux prévenus R. et P. ont déjà fait preuve de racisme et d'antisémitisme à plusieurs reprises ou se sont trouvés indirectement confrontés aux problèmes légaux de leurs écrits par le biais de leurs activités. R. a déjà dû répondre devant la justice de la violation de la norme pénale contre le racisme. Ils sont conscients de la portée et de la punissabilité de leurs actes. Par leurs agissements, les prévenus R. et P. s'en sont pris directement aux personnes de religion juive en raison de leur appartenance à cette même religion et qu'ils étaient mus par un profond sentiment antisémite. Au vu de ce qui précède, en imprimant, publiant et distribuant, à plus d'une centaine de personnes chaque fois, les brochures intitulées entre outre « Le contre-rapport Bergier », dont le contenu est antisémite et révisionniste, R. et P. sont rendus coupables de discrimination raciale au sens de l'article 261 bis al. 4 CP
Pour G., en vendant des documents et en les transmettant à R., en vue de leur diffusion, G. a agi en qualité de coauteur de l’infraction. Les conditions de l’art. 261 bis CP sont remplies en l’espèce et au surplus, les considérations douteuses qu'il a émis sur les différentes races de l'espèce humaine et la virulence de ses négations du génocide juif ne laissent guère doute quant à I'existence des sentiments racistes et antisémites du prévenu. L’antisémitisme du prévenu a d'ailleurs été reconnu par le Tribunal cantonal vaudois le 20 novembre 20004, arrêt confirmé, sur ce point, par le Tribunal fédéral le 16 octobre 2001. G. est reconnu coupable de discrimination raciale au sens de l’article 261bis al. 4 CP.
P. et G. sont alors reconnus coupable de discrimination raciale, R. et reconnu coupable de discrimination raciale et de calomnie et a été condamné à une peine plus longue en raison de son comportement récalcitrant et de plusieurs incidents dans le passé.
P. est reconnu coupable de discrimination raciale, il est condamné à 3 mois d’emprisonnement.
G. est reconnu coupable de discrimination raciale, il est condamné à 3 mois d’emprisonnement.
R. est reconnu coupable de discrimination raciale, il est condamné à 8 mois d’emprisonnement.