Cas 2022-062N
Genève
Historique de la procédure | ||
---|---|---|
2022 | 2022-062N | Le prévenu est, entre autres, déclaré coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP). |
Critères de recherche juridiques | |
---|---|
Acte / Eléments constitutifs objectifs | Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase) |
Objet de protection | Race |
Questions spécifiques sur l'élément constitutif |
Mots-clés | |
---|---|
Auteurs | Particuliers |
Victimes | Personnes noires / PoC |
Moyens utilisés | Déclarations orales; Voies de fait |
Environnement social | Lieux publics |
Idéologie | Racisme (couleur de peau) |
Le prévenu est accusé d'avoir proféré des insultes racistes à l'égard d'une personne à Genève. Il aurait utilisé des termes discriminatoires, traitant la victime d'esclave et faisant référence à Kunta Kineth, une île associée au commerce des esclaves. De plus, il aurait craché sur la victime et proféré des propos racistes, affirmant que « le problème de l'Europe, c'était les noirs ». Le prévenu aurait en outre menacé la victime avec un couteau, représentant ainsi une menace grave pour sa sécurité.
Le prévenu est, entre autres, déclaré coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP).
Le prévenu est accusé d'avoir commis plusieurs infractions, notamment la possession de 1,18 gramme de cocaïne destinée à sa propre consommation, le séjour illégal en Suisse, un vol à l'étalage dans un magasin COOP ainsi que la profération d’insultes racistes envers une personne, l'a menacant avec un couteau et tentant de la frapper.
Discrimination raciale en détail :
Le prévenu est accusé d'avoir proféré des insultes racistes envers une personne à un arrêt de tram. Il a abordé un individu en le traitant d'esclave et en faisant référence à Kunta Kineth, une île ayant servi de comptoir pour le commerce des esclaves. En outre, il aurait craché sur le visage ou le t-shirt de la victime et lui aurait dit que « le problème de l'Europe, c'était les noirs ». Ces propos discriminatoires et offensants étaient clairement motivés par la race de la victime, ce qui constitue une violation de l'art. 261bis CP sur la discrimination et l'incitation à la haine.
En réponse à ces attaques racistes, la victime aurait calmement demandé au prévenu d'arrêter ses attaques. Cependant, le prévenu aurait ensuite levé son poing comme s'il allait frapper la victime, avant de sortir un couteau de poche et de le diriger vers le cou de cette dernière. Ces actions ont provoqué l'alarme de la victime et ont clairement représenté une menace sérieuse pour sa sécurité.
L'art. 261bis al. 4 CP punit toute personne qui, publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaisse ou discrimine de manière à porter atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse, ou de leur orientation sexuelle, ou qui, pour la même raison, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité. Il convient de considérer comme publics tous les propos ou comportements qui n'ont pas lieu dans le cadre privé, par exemple dans le cercle familial, le cercle des amis, ou dans un environnement de relations personnelles ou de confiance particulière.
Selon l'art. 180 al. 1 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Premièrement, il faut que l'auteur ait émis une menace grave, soit une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. On tient compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, face à une situation identique. L'exigence d'une menace grave doit conduire à exclure la punissabilité lorsque le préjudice évoqué apparaît objectivement d'une importance trop limitée pour justifier la répression pénale. En second lieu, if faut que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée, peu importe que les menaces lui aient été rapportées de manière indirecte par un tiers. Elle doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant.
En l'espèce, le Tribunal a reçu des déclarations constantes, précises, mesurées et, par conséquent, crédibles. Rien n'indique que le plaignant agirait dans une démarche visant à causer des ennuis au prévenu, d'autant plus qu'il n'a aucun intérêt évident à l'accuser faussement, étant donné qu'ils ne se connaissaient pas et n'avaient aucun contentieux entre eux. Il est à noter que dans sa plainte, le plaignant n'a pas soutenu une accusation personnelle, mais a dénoncé le comportement hostile dont il avait été victime et a demandé à ce que les images de vidéosurveillance du tram soient utilisées pour identifier l'individu.
En revanche, les dénégations du prévenu ne sont pas plausibles. Notamment, parmi les multiples arrestations dont il a fait l'objet, certaines semblent avoir eu lieu dans des circonstances où il importunait des personnes, ce qui renforce la crédibilité de l'incident dénoncé par le plaignant. De plus, le prévenu conteste avoir été en possession d'un couteau, mais il est établi qu'il en avait lors d'une précédente interpellation, ce qui démontre qu'il lui arrive d'en être porteur.
Le Tribunal considère ainsi comme établi que le prévenu et le plaignant étaient tous deux présents à l'arrêt de tram, en même temps que plusieurs autres personnes, et qu'il y a eu une interaction verbale entre eux à l'intérieur du tram, avec le prévenu s'adressant au plaignant de manière insultante.
Bien que le niveau de français du plaignant ne soit pas parfait, le Tribunal considère comme établi qu'il a compris les propos dénigrants du prévenu, qui l'ont rabaissé dans sa dignité humaine en raison de sa couleur de peau, en faisant référence à une condition d'esclave, à l'île de Kunta Kinteh et aux prétendus problèmes posés par les Africains sur le continent européen.
En revanche, bien que l'incident de menaces, avec le poing levé et le fait de brandir un couteau, soit crédible, cette infraction ne sera pas retenue contre le prévenu, car il n'a pas été établi avec certitude que le plaignant a été véritablement effrayé par cette démarche.
En définitive, le prévenu est condamné pour discrimination et incitation à la haine selon l'article 261bis al. 4 CP, mais acquitté des accusations de menaces selon l'article 180 al. 1 CP.
Le prévenu est déclaré coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), de vol d'importance mineure (art. 139 ch. 1 cum l72ter CP) et d'infraction a l'art. 11C al. 1 LPG.
Il est condamné à une peine privative de liberté de 9 mois, sous déduction de 91 jours de détention avant jugement. Il est aussi condamné à une amende de CHF 200.00.