Cas 2022-134N

Suspicion de refus de prestation concernant le test COVID

Valais

Historique de la procédure
2022 2022-134N Le Ministère public prononce une non-entrée en matière.
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Refus de produits ou de services (al. 5)
Objet de protection Ethnie
Questions spécifiques sur l'élément constitutif Elément constitutif subjectif de l'infraction
Mots-clés
Auteurs Acteurs du secteur tertiaire
Victimes Autres victimes
Moyens utilisés Refus de prestations
Environnement social Autre environnement social
Idéologie Racisme (nationalité / origine)

Synthèse

Le plaignant d’origine indienne, s'est rendu à la pharmacie X. pour effectuer un test antigénique COVID. Le plaignant n'était pas en possession de sa carte d’identité, raison pour laquelle le teneur de la pharmacie, ici le prévenu, lui aurait expliqué que sans pièce d’identité, il devait régler en avance le montant de 40 francs pour le test en question. Le plaignant aurait alors confronté le prévenu de l’usage des propos abusifs à son encontre (refus d’une prestations destinées à l’usage public, art. 261bis al. 5 CP) et le prévenu aurait finalement effectué le test gratuitement.
Le Ministère public prononce une non-entrée en matière.

En fait / faits

Le plaignant d’origine indienne, s'est rendu à la pharmacie X. pour effectuer un test antigénique COVID. Lors de sa première venue au commerce, tenu par le prévenu, ce dernier lui aurait demandé de revenir à l’heure précise de son rendez-vous, non en avance.
Lorsque le plaignant est revenu à l’heure précise du rendez-vous, le prévenu lui aurait demandé ses documents d’identité de manière méprisante et agressive. Il lui aurait ensuite dit de partir s'il ne les trouvait pas. Après que le plaignant lui a présenté les documents, le prévenu lui aurait demandé de payer 40 francs pour effectuer un test rapide en précisant que les tests n’étaient gratuits que lorsque le client présentait des symptômes. Le plaignant aurait alors confronté le prévenu de l’usage des propos abusifs à son encontre et le prévenu aurait finalement abandonné le paiement et effectué le test gratuitement.
En outre, le plaignant aurait joint par téléphone la pharmacie et qu'il aurait parlé au prévenu, qui lui aurait dit : « Pourquoi diable m'appelles-tu, viens à ma pharmacie. Tu es un idiot ». Le prévenu l'aurait alors rappelé pour lui dire de venir s'expliquer en personne à la pharmacie. Il lui aurait ensuite adressé un courriel disant la même chose. Le plaignant lui aurait alors répondu que les autorités suisses le contacteraient pour aborder son comportement raciste et pour avoir illégalement tenté de lui facturer un test gratuit.
Le prévenu a contesté avoir fait preuve de racisme. Il a expliqué que le plaignant s’est présenté dans sa pharmacie pour faire un test antigénique pour voyager. Le plaignant n'était pas en possession de sa carte d’identité, raison pour laquelle le prévenu lui aurait expliqué que sans pièce d’identité, il devait régler en avance le montant de 40 francs pour le test en question. Le prévenu aurait en outre ajouté qu'il lui rembourserait le montant de 40 francs lorsqu'il viendrait chercher le résultat du test s'il lui présentait une pièce d'identité, lui précisant également qu’il lui fournirait le QR code uniquement s'il s’était légitimé. Le plaignant, non content de cette manière de faire, se serait alors énervé. Le plaignant a finalement pu présenter une photo d’un document d'identité qu'il a également transmis par courriel au prévenu et ce dernier lui a alors fait son test puis lui a donné son attestation avec le résultat 15 minutes plus tard.
En ce qui concerne l'appel téléphonique le prévenu a expliqué que le plaignant lui avait téléphoné à la pharmacie et l’aurait alors traité de « fils de pute » et de « vaurien » puis aurait raccroché. Le prévenu l’aurait alors rappelé et lui aurait dit de venir à la pharmacie pour discuter, sans utiliser les formes de politesse, mais sans l'insulter non plus. Le plaignant aurait alors répondu qu'il était déjà de retour dans son pays et qu'il allait dénoncer le prévenu aux autorités en charge du racisme.

En droit / considérants

Aux termes de l’al. 5 de l’art. 261bis CP, les prestations destinées à l’usage public sont celles prévues à l'article 5 lettre f de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, soit les moyens de transport, les hôtels, les restaurants, les cafés, les spectacles ou les parcs. La doctrine retient qu’une prestation est destinée à l'usage public lorsqu’elle est de courte durée et offerte de façon à standardiser un nombre indéterminé de personnes avec lesquelles le débiteur n'a qu’un contact impersonnel. La liste de l’art. 5 lettre f de la Convention est toutefois exemplative, de sorte que d’autres lieux, services ou prestations peuvent tomber sous le coup de cette disposition.
Le refus d’une prestation peut consister en l’absence d’un acte par lequel la prestation est explicitement refusée, notamment lorsque la prestation est refusée à une certaine catégorie de personnes, qu'aucune prestation de remplacement n'est proposée pour remplacer la prestation désirée, que les informations au sujet de la prestation sont détenues injustement, que de fausses informations sont données ou que la prestation est proposée à un prix supérieur ou à d'autres conditions que celles habituelles. D'un point de vue subjectif, le comportement de l’auteur doit être dicté par des mobiles de haine ou de discrimination raciale.
Dans le cas d'espèce, il est évident que les déclarations des parties sont contradictoires quant à la raison pour laquelle le prévenu a initialement voulu facturer le test antigénique au plaignant. Rien ne permet dans le cas présent de retenir une version plutôt qu’une autre, même si le plaignant a maintenu la même version que ce soit lors de l'entretien téléphonique avec la commission fédérale contre le racisme en janvier 2022, ou lors de son audition devant la police, 5 mois plus tard, en juillet 2022. Toutefois, autant dans la version du plaignant que dans celle du prévenu, il ne ressort pas un comportement de ce dernier qui serait constitutif de discrimination raciale au sens de l'Art. 261bis al. 5 du CP. En effet, dans la version soutenue par le plaignant, la raison du refus d’effectuer un test gratuit pouvait seulement dépendre de symptômes ou non chez la personne testée. Quant à la version du prévenu, le test était effectué gratuitement si le plaignant présentait une pièce d’identité. Il a par ailleurs déclaré qu'il servait tous ses clients de la même manière et ne faisait pas de différence en raison d’une origine ethnique. De plus, même si le prévenu s'est montré impatient et peu courtois vis-à-vis du plaignant, cela ne constitue en rien un comportement discriminatoire envers ce dernier.
Si les versions des parties divergent quant à la raison pour laquelle le test devait être effectué gratuitement, il est à noter que le prévenu a bel et bien effectué le test gratuitement après que le plaignant lui ait présenté un certificat de vaccination comme pièce de légitimation. Le prévenu n’a ainsi pas refusé une prestation en raison de son origine. Enfin, il apparaît que l'élément subjectif de l’infraction fait également défaut. En effet, le comportement du prévenu n’était aucunement dicté par des mobiles de haine ou de discrimination raciale.
Pourtant, les éléments constitutifs de l’infraction n’étant pas réalisés, il n’y a pas lieu de donner d’autres suites.

Décision

Les éléments constitutifs de l’infraction n’étant pas réalisés, le Ministère public prononce une non-entrée en matière.