Cas 2024-069N

«Pays de merde»

Valais

Historique de la procédure
2024 2024-069N Le Tribunal cantonal acquitte A. des chefs d’accusation de contrainte (art. 181 CP) et de discrimination raciale (Art. 261bis, al. 4 CP). Il reconnait toutefois A. coupable d’injures (art. 177, al. 1 CP) et de tentatives de menaces (art. 180, al. 1 CP en relation avec l’art. 22, al. 1 CP).
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase)
Objet de protection Ethnie
Questions spécifiques sur l'élément constitutif Elément constitutif subjectif de l'infraction
Mots-clés
Auteurs Particuliers
Victimes Etrangers et membres d'autres ethnies;
Autres victimes
Moyens utilisés Déclarations orales
Environnement social Monde du travail
Idéologie Racisme (nationalité / origine)

Synthèse

Dans un lieu public et en présence de témoins, A. (l’accusé) bloque le passage de B. (la victime, un potentiel concurrent professionnel) avec un véhicule et lui dit notamment « Je te casse la gueule », « tape-moi connard, qu’est-ce que tu fous ici, casse-toi dans ton pays de merde, Albanais de merde » et « c’est agréable d’avoir du terrain, toi ici, t’auras jamais rien ».

Le Ministère public déclare A. coupable d’injure (art. 177, al. 1 CP) et de contrainte (art. 181 CP), mais pas de discrimination raciale (Art. 261bis, al. 4 CP).

Le Tribunal cantonal acquitte A. des chefs d’accusation de contrainte (art. 181 CP) et de discrimination raciale (Art. 261bis, al. 4 CP). Il reconnait toutefois A. coupable d’injures (art. 177, al. 1 CP) et de tentatives de menaces (art. 180, al. 1 CP en relation avec l’art. 22, al. 1 CP).

En fait / faits

Dans le cadre professionnel et en présence de témoins, A. (l’accusé) bloque le passage de B. (la victime, un potentiel concurrent professionnel) avec un véhicule et lui dit notamment « Je te casse la gueule », « tape-moi connard, qu’est-ce que tu fous ici, casse-toi dans ton pays de merde, Albanais de merde » et « c’est agréable d’avoir du terrain, toi ici, t’auras jamais rien ».

En droit / considérants

Concernant l’appréciation de l’infraction sous l’angle de l’Art. 261bis CP, le Tribunal cantonal rappelle le contexte de cette norme pénale. Des déclarations qui ne comportent pas – de manière explicite ou implicite – une allégation d’inégalité de droit à jouir des droits de l’Homme ne sont ni rabaissants ni discriminatoires au sens de l’Art. 261bis CP. De même, une affirmation xénophobe, de mauvais goût, amorale ou choquante sur le plan moral ou encore inconvenante ou non civilisée en rapport avec une ethnie, une race ou une religion n’est pas encore constitutive de discrimination raciale (ATF 143 IV 303, consid. 4.1, notamment). Les expressions qui sont dirigées contre une personne concrète et comprises par un tiers moyen non averti comme des atteintes à l’honneur motivées par des considérations xénophobes plus ou moins primitives, et non comme des atteintes racistes à la dignité humaine, ne remplissent pas les éléments constitutifs de l’infraction. Le Tribunal cantonal rappelle également que la haine se définit comme une attitude fondamentalement hostile, qui dépasse le simple refus, le mépris ou l’antipathie.

En l’espèce, les termes utilisés « t’auras jamais rien ici » semblent suggérer que A. estimait B. indigne de faire valoir des prétentions sur un endroit précis, ils n’impliquent pas en soi une dénégation des droits humains en raison de l’appartenance ethnique de A. Ceci d’autant plus qu’un rapport de concurrence et de rivalité professionnelle entre A. et B. est présent. Outre les termes « Albanais de merde » et « casse-toi dans ton pays de merde », A. a également traité directement B. de « merde », sans référence aux origines ethniques de B : aussi, pour un tiers non averti qui aurait pu assister à la scène, les insultes proférées à cette occasion par l’intéressé s’analysent certes comme des injures à caractère xénophobe dirigées dans un moment de colère contre un rival, mais ne dénotent pas une attitude haineuse contre ce dernier, du seul fait qu’il est de cette origine. De plus, l’affirmation de B. selon laquelle, indépendamment des faits en cause, A. aurait pour habitude de le traiter dans son dos « d’Albanais de merde qui travaille avec la drogue » n’a pas été établie.

Décision

Le Tribunal cantonal acquitte A. des chefs d’accusation de contrainte (art. 181 CP) et de discrimination raciale (Art. 261bis, al. 4 CP). Il reconnait toutefois A. coupable d’injures (art. 177, al. 1 CP) et de tentatives de menaces (art. 180, al. 1 CP en relation avec l’art. 22, al. 1 CP).

Pour ces dernières infractions, le Tribunal cantonal condamne A. à une peine pécuniaire de 27 jours-amende à 240.- le jour, au paiement d’une amende de CHF 750.- et au paiement des frais de procédure.