Les médias sous la loupe

La Liberté, 08.10.2019

« Un véritable dépotoir à ciel ouvert »

La problématique de la discrimination à l’encontre des minorités itinérantes est particulièrement présente ici. Le surtitre (« La place de transit pour gens du voyage de Gampelen (BE) offrait ce week-end un spectacle désolant ») et le titre (« Un véritable dépotoir à ciel ouvert ») (cat. 4 – titraille aguicheuse) sont particulièrement orientés, relevant davantage du commentaire que du traitement journalistique et vont dans le sens d’un renforcement des préjugés sur les personnes ayant un mode de vie itinérant. Au-delà de la titraille, même si on peut arguer que les informations rapportées correspondent à des faits avérés d’intérêt public, plusieurs problèmes persistent.

Une connaissance même sommaire des enjeux pour les minorités itinérantes en termes d’aires d’accueil et de politiques publiques, ainsi que la discrimination qu’elles subissent, légitiment un traitement davantage nuancé et responsable. La titraille et le début de l’article reflètent mal les propos nuancés offerts par les personnes interrogées (« le vice-syndic […] ne veut toutefois pas mettre tous les locataires de la place dans le même panier » ; « peu de plaintes enregistrées »). Le jeu sur les contrastes (« petite commune bernoise », « colonisé », « une cinquantaine de caravanes transportant plus de 300 personnes » ; « plaque minéralogique française ») et le recours à des outils de narration pouvant susciter un rapport émotif (« Un lave-linge abandonné trône, tel un totem incongru », l’utilisation des points de suspension) se combinent pour marquer la distinction entre le « nous » et « l’autre ».

Enfin, s’il semble clair qu’il aurait été difficile de trouver un interlocuteur pour se défendre parmi les personnes mises en cause par l’article (ils ont quitté les lieux), il aurait été possible d’apporter davantage de nuance au travers d’un expert ou d’une personne habituée à se positionner en tant qu’interlocuteur ou médiateur pour la communauté itinérante (cat. 5 – (dé)contextualisation) et de mieux contextualiser la question de la gestion des espaces accueillant les personnes ayant un mode de vie itinérant.