Fall 2021-078N
Wallis
Verfahrensgeschichte | ||
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2021 | 2021-078N | Le prévenu est reconnu coupable de discrimination raciale, art. 261bis al. 4 CP. |
Juristische Suchbegriffe | |
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Tathandlung / Objektiver Tatbestand | Leugnung von Völkermord (Abs. 4 Hälfte 2) |
Schutzobjekt | Ethnie; Religion |
Spezialfragen zum Tatbestand | Geschütztes Rechtsgut; Subjektiver Tatbestand |
Stichwörter | |
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Tätergruppen | Privatpersonen |
Opfergruppen | Juden |
Tatmittel | Schrift |
Gesellschaftliches Umfeld | Internet (ohne Soziale Medien) |
Ideologie | Antisemitismus; Revisionismus |
Le prévenu a mis en ligne l’article suivant, intitulé « Les élucubrations du Tribunal fédéral suisse ». Dans cet article, il remet en question la pratique du Tribunal fédéral selon laquelle il n'est pas nécessaire de prouver l'existence des chambres à gaz dans le Troisième Reich. Le prévenu se demande dans l’article comment est-il possible d’affirmer que la recherche de preuves est inutile dans un cas spécifique alors que c’est une règle générale pour les autres causes.
Le prévenu a admis être d’avis qu’il n’y avait pas de preuve de « l’existence des chambres à gaz », ni de « l’holocauste ».
Le prévenu est reconnu coupable de discrimination raciale, art. 261bis al. 4 CP.
Le prévenu a mis en ligne l’article suivant, intitulé « Les élucubrations du Tribunal fédéral suisse », sur un site internet. Dans cet article, il remet en question la pratique du Tribunal fédéral selon laquelle il n'est pas nécessaire de prouver l'existence des chambres à gaz dans le Troisième Reich. Le Tribunal fédéral a précisé :
« L’exigence d’une preuve unique pour l’existence des chambres à gaz dans le Troisième Reich est absurde en regard des nombreuses preuves disponibles et revient à nier les chambres à gaz et, du même coup, les camps de concentration installés spécialement pour le gazage des Juifs et aussi une partie essentielle de l’Holocauste. En exigeant une preuve unique de l’existence de chambres à gaz dans le Troisième Reich la plaignante conteste le crime majeur du national-socialisme, à savoir le gazage systématique de Juifs dans les chambres à gaz, ce qui différencie ce régime d’autres régimes de terreur ».
Le prévenu se demande dans l’article comment est-il possible d’affirmer que la recherche de preuves est inutile dans un cas spécifique alors que c’est une règle générale pour les autres causes.
Le prévenu a reconnu d’être aussi le responsable de l’ouvrage intitulé « Pire que les chambres à gaz ! deux procès politiques au scanner », édité et diffusé en 2009, en précisant que son but était « d’apporter une critique au sujet des lois traitant des normes antiracisme, notamment l’article 261bis CP. Par des exemples concrets ».
Invité par ailleurs à commenter certains passages de l’article précité, il a admis être d’avis qu’il n’y avait pas de preuve de « l’existence des chambres à gaz », ni de « l’holocauste ». Il a de plus soutenu avoir le droit de concevoir des doutes à ce sujet, tout en affirmant que si des preuves lui étaient apportées, alors ses doutes seraient levés et il « accepterait son erreur de jugement ». Son attention étant finalement attirée par les enquêteurs sur le fait que « l’ensemble des tribunaux internationaux avaient reconnu l’existence des chambres à gaz », il leur a rétorqué que c’était « leur problème ».
L’art. 261bis al. 4 seconde partie – qui seule entre en considération dans le cas particulier – a été conçue principalement pour lutter contre la diffusion d’idéologies se référant au « mensonge d’Auschwitz ». Elle ne réprime cependant pas que la négation de l’Holocauste, mais également celle de tout génocide ou crime contre l’humanité. Elle consacre un délit de mise en danger abstraite de la paix publique et veut lutter contre les atteintes discriminatoires. Elle réprime trois comportements différents, soit nier, minimiser grossièrement ou tenter de justifier un génocide ou un autre crime contre l’humanité.
La négation de l’Holocauste réalise objectivement l’état de fait incriminé par l’art. 261bis al. 4 in fine CP parce qu’il s’agit d’un fait historique généralement reconnu comme établi, notoire, incontestable ou indiscutable, de sorte qu’il n’y plus à être prouvé dans le procès pénal. En particulier, mettre en doute l’existence des chambres à gaz revient à contester les crimes commis par le régime national-socialiste, singulièrement l’extermination systématique des juifs dans des chambres à gaz.
Pour apprécier si la déclaration porte atteinte à la dignité humaine ou si elle est discriminatoire, il faut se fonder sur le sens qu’un destinataire moyen non prévenu lui attribuerait en fonction de toutes les circonstances. Le facteur décisif à cet égard est le sens que le lecteur moyen ou impartial attache à la déclaration dans le cas particulier. Il est ainsi nécessaire qu’un tiers perçoive dans la déclaration une négation, une minimisation grossière ou une tentative de justification d’un génocide ou d’un autre crime contre l’humanité et que l’auteur ait pris en considération une interprétation similaire.
D’un point de vue subjectif, le délit est intentionnel, le dol éventuel pouvant cependant suffire. En outre, si, pour être en présence d’une discrimination raciale, il faut certes contester l’existence ou l’importance d’un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité, respectivement tenter de les justifier, il est cependant également nécessaire que ce comportement soit dicté par des mobiles particuliers de l’auteur, soit la haine ou le mépris des personnes appartenant à une race, une ethnie ou une religion déterminée. Le comportement punissable doit donc consister en une manifestation caractéristique de la discrimination.
Le mobile discriminatoire est pratiquement intrinsèque à toute tentative de justifier un génocide ou un autre crime contre l’humanité fondés sur l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse des victimes, car un tel comportement implique nécessairement une forme d’approbation de ces atrocités et des idéologies qui les inspirent. Une telle déduction ne saurait en revanche être tirée en présence de la négation ou de la minimisation d’un génocide ou d’un autre crime contre l’humanité et il convient dès lors d’examiner les circonstances de chaque cas d’espèce, même si de tels comportements ne laissent que peu de place à des mobile « respectables ».
La jurisprudence a néanmoins implicitement admis un tel automatisme et considère comme acquis l’existence d’un mobile discriminatoire dans l’affaire dite du « mensonge d’Auschwitz » qui représente aujourd’hui l’expression d’un antisémitisme extrême. Celui qui conteste ou rement en question l’existence des chambres à gaz dans le contexte de l’extermination des juifs par le régime national-socialiste donne, à tout le moins implicitement, l’impression que ce régime n’était pas pire d’autres et qu’il a fait en réalité beaucoup moins de victimes que ce que l’on pense. Il porte ainsi une accusation plus ou moins voilée de falsification de l’Histoire en faisant croire à une conjuration qui profiterait aux victimes elles-mêmes. Celui qui s’en prend à l’existence des chambres à gaz est donc en principe guidé par un mobile discriminatoire.
Dans la mesure où l’extermination de masse des juifs par le régime national-socialiste dans les chambres à gaz est un fait historique bien établi, sur lequel le législateur s’est fondé pour adopter l’article 261bis al. 4 in fine CP et qui ne nécessite d’être ni prouvé, ni discuté dans le cadre de la présente procédure pénale, l’appelant, en mettant en doute ce fait historique, nie un crime contre l’humanité au sens de la disposition légale précitée dont il a dès lors réalisé l’élément constitutif objectif.
Du point de vue subjectif, il ne fait aucun doute qu’il a agi avec pleine conscience et volonté, de même qu’en poursuivant un mobile discriminatoire. En effet, ses dires selon lesquels « l’existence des chambres à gaz sous le Troisième Reich » résulte des « allégations de la propagande de guerre et de paix », ainsi que sa référence aux « affabulateurs » qui ont relaté une « déportation imaginaire » ou exagéré les « monstruosités qu’il avaient vues ou dont on leur avait parlé », suffisent à démontrer l’existence d’un tel mobile, nonobstant le paravent intellectuel qu’il a dressé pour le masquer en émaillant ses propos franchement négationnistes de critiquer décousues concernant aussi bien l’article 261bis al. 4 CP que la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral à son sujet.
Au terme de cette analyse, force est constater que l’appelant s’est bel et bien rendu coupable de discrimination raciale au sens de l’article 261bis al. 4 in fine CP, comme l’a décidé à juste titre le juge de première instance.
L’appel est rejeté. En conséquence, le prévenu est reconnu coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP) et condamné à une peine pécuniaire de 140 jours-amende à CHF 26.00.