Cas 2003-053N
Fribourg
Historique de la procédure | ||
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2003 | 2003-053N | Le recours concernant la demande de récusation d’un juge est rejeté. |
Critères de recherche juridiques | |
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Acte / Eléments constitutifs objectifs | Propagation d'une idéologie (al. 2); Négation d'un génocide (al. 4 2ème phrase) |
Objet de protection | Ethnie; Religion |
Questions spécifiques sur l'élément constitutif |
Mots-clés | |
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Auteurs | Particuliers |
Victimes | Juifs |
Moyens utilisés | Ecrits |
Environnement social | Media (Internet inclus) |
Idéologie | Antisémitisme; Révisionnisme |
Le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Veveyse a reconnu A. coupable de discrimination raciale et calomnie, notamment pour avoir diffusé des écrits révisionnistes et antisémites (première instance). A. a déféré cette décision à la Cour d’appel pénal du Tribunal cantonal, qui a rejeté l’appel et a confirmé le jugement de l’instance précédente. Agissant par la voie du recours de droit public, A a demandé au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 27 mars 2003. Le Tribunal fédéral a constaté que les autorités cantonales pouvaient sans arbitraire tenir pour réaliser l'intention délictuelle reprochée au recourant, et il a rejeté le recours de droit public (voir jugement 2003-23).
Au cours de cette procédure A. a présenté une demande de récusation contre le juge X. de la Cour d’Appel Pénal. Il alléguait que le père de ce magistrat fréquente régulièrement la synagogue de Lausanne, de sorte qu'il paraît avoir adopté la religion juive ; en outre, dans l'hypothèse où le juge X. serait juif par sa mère, il se trouverait à la fois « juge et partie » ; en raison de cette situation, l'appelant redoutait un jugement entaché de partialité.
Le tribunal cantonal a rejeté le recours pour récusation, mais a partiellement statué sur le fond en faveur du recours de A., qui estimait que son droit d'être entendu avait été violé.
Le Tribunal fédéral rejette aussi le recours de droit public contre les arrêts du Tribunal cantonal, demandant la récusation du juge X. à cause de ses racines juives et la partialité présumée du juge. En règle générale, la personne élue ou nommée une fonction judiciaire est censée capable de prendre le recul nécessaire par rapport aux éventuelles particularités de sa propre situation personnelle ou sociale, et de se prononcer objectivement sur la cause qui lui est soumise, même dans un contexte de question raciale.
Le recourant A a été condamné pour discrimination raciale selon l'Art. 261bis CP dans une ancienne procédure (voir les jugements 2000-20, 2000-55, 2001-33, 2001-34 et 2003-23). Dans cette procédure, il a été condamné pour avoir publié dans la revue Y trois articles révisionnistes et antisémites intitulés comme suit : «La question juive», «Je ne crois pas aux chambres à gaz» et «Vive le révisionnisme».
Avant que le Tribunal fédéral ne traite le recours formé par le recourant dans cette ancienne procédure, ce dernier avait publié en avril 2000 dans la revue Y une critique du jugement de 1ère instance (voir jugement 2000-20), en reproduisant textuellement les trois articles qui avaient donné lieu à la condamnation. En août 2000, une association Z avait diffusé une publication intitulée «Le procès X : une parodie de justice», qui contenait les trois textes incriminés. A raison de ces publications, une nouvelle procédure pénale pour violation de l'Art. 261bis CP a été ouverte contre le recourant A.
En mai 2002, la 1ère instance a reconnu l'accusé coupable de discrimination raciale et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement, complémentaire à celle infligée dans l'ancienne procédure (voir jugement 2000-55). Par arrêt du 27 mars 2003, la 2ème instance a rejeté l'appel formé par l'accusé et a confirmé le jugement de 1ère instance. Agissant par la voie du recours de droit public, A a demandé au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 27 mars 2003. Le Tribunal fédéral a constaté que les autorités cantonales pouvaient sans arbitraire tenir pour réaliser l'intention délictuelle reprochée au recourant, et il a rejeté le recours de droit public (voir jugement 2003-23).
La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par l'art, 6 par. 1 CEDH, à l‘instar de la protection conférée par l‘art. 30 al. 1 Cst. permet au plaideur de s'opposer à une application arbitraire des règles cantonales sur l‘organisation et la composition des tribunaux, qui comprennent les prescriptions relatives à la récusation des juges. Elle permet aussi, indépendamment du droit cantonal, d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité ; elle tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l‘apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération ; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives.
La juridiction intimée n'a pas vérifié si le juge X. ou d'autres personnes de sa proche famille se réclament effectivement de la religion juive, mais, de toute manière, ce point de fait n'est pas déterminant. En Effet, nul ne prétend que ce magistrat ou des membres de sa parenté soient personnellement visés par les écrits imputés au recourant. Pour le surplus, quant à la portée de la garantie constitutionnelle en cause, on n'envisage pas que tous les juges croyant en Dieu soient récusables en cas d'atteinte à la liberté de croyance et des cultes protégée par l‘art. 261 CP ; de même, cette garantie ne saurait exclure de façon générale que le tribunal appelé à connaitre une infraction réprimée par l‘art. 261bis CP comprenne, éventuellement, une personne appartenant au groupe racial, ethnique ou religieux concerné. Il n'y a pas lieu d'examiner ici le cas hypothétique d'une infraction qui serait dirigée contre un groupe aux membres très peu nombreux et très étroitement solidaires. En règle générale, la personne élue ou nommée une fonction judiciaire est censée capable de prendre le recul nécessaire par rapport aux éventuelles particularités de sa propre situation personnelle ou sociale, et de se prononcer objectivement sur la cause qui lui est soumise.
Par conséquent, quelle que fût l‘appartenance religieuse du juge X. ou de ses père et mère, la participation de ce magistrat à la cause pénale du recourant n'a pas contrevenu aux art. 6 par. 1 CEDH ou 30 al. 1 Cst.
Le recours, mal fondé, doit ainsi être rejeté.