Cas 2018-065N

Commentaire Facebook contre une mosquée en Valais 1

Valais

Historique de la procédure
2018 2018-065N Le prévenu est condamné pour violation de l'Art. 261bis al. 1 et al. 4 CP.
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Incitation à la haine et à la discrimination (al. 1);
Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase)
Objet de protection Religion
Questions spécifiques sur l'élément constitutif Publiquement (en public)
Mots-clés
Auteurs Particuliers
Victimes Musulmans
Moyens utilisés Ecrits;
Communication électronique
Environnement social Médias sociaux
Idéologie Hostilité à l'égard des personnes musulmanes

Synthèse

Des personnes de confession musulmane ont créé une association dénommée De la lumière à l'excellence. Elle avait pour buts principaux de pourvoir aux besoins de la communauté musulmane dans les domaines religieux, culturel, social et professionnel et de permettre aux citoyens suisses et aux membres d'autres communautés religieuses d'avoir une meilleure connaissance et compréhension de l'islam et des musulmans.

Dès le premier mars 2015, l'association a loué une salle de réunion dans le bâtiment ayant abrité le café-restaurant « Le Léman », à Martigny. Par la suite, la salle a été ouverte aux membres pour y faire leurs prières. Le 25 septembre, un membre de l'association, sur la page Facebook de celle-ci, s'est réjoui de l'existence « d'une nouvelle mosquée à Martigny ».
Le même jour à 19 h 00, un politicien X a partagé ce message sur son mur Facebook en y ajoutant la remarque suivante: « Une mosquée à Martigny: c'est nouveau ça?! Y'a-t-il eu une demande d'autorisation?? ».

Ce politicien était à cette date co-président du parti X du Valais romand et candidat aux proches élections pour le Conseil national. Sa question a suscité plus de 350 réactions et commentaires sur Facebook. La violence et l'animosité de certains ont conduit l'association De la lumière à l'excellence à les dénoncer au Ministère public, le 7 novembre 2016.
Après un échange d'avis selon lesquels la Suisse devait se réveiller sous peine de devenir le pays des musulmans, le prévenu a posté un commentaire.

En fait / faits

Le prévenu a posté le commentaire suivant « Il existe des lance flamme » après un échange d'avis selon lesquels la Suisse devait se réveiller sous peine de devenir le pays des musulmans, le prévenu a posté un commentaire, a posté le commentaire suivant

En droit / considérants

Précision sur l’art 261bis al. 1
L'art. 261 al. 1 CP punit d'une peine pécuniaire celui qui, publiquement et de façon vile, aura offensé ou bafoué les convictions d'autrui en matière de croyance, en particulier de croyance en Dieu, ou aura profané les objets de la vénération religieuse.

Cette disposition protège le respect d'autrui dans ses croyances religieuses, la paix entre les religions. Elle veut empêcher que l’on offense les croyances d'autrui (en les jugeant de manière blessante), qu'on les bafoue (les ridiculise). L'atteinte doit être si grave qu'elle apparaisse de nature à troubler l'ordre public. La loi prévoit que l'auteur doit avoir agi publiquement et de manière vile. On en déduit qu'il doit avoir blessé gravement les convictions religieuses d'autrui, d'une façon qui apparaît particulièrement répréhensible (cf. Petit commentaire CP, notes 1 à 6 à l'art. 261 CP).

En disant qu'il fallait brûler au lance-flamme le local de la rue du Léman parce qu'il servait à des musulmans, Le prévenu a clairement porté atteinte au respect des croyances religieuses d'autrui. La radicalité de son propos est choquante, de nature à blesser gravement les sentiments religieux des personnes visées et de nature aussi à troubler l'ordre public en attisant les préjugés primaires des islamophobes. En disant que le local devrait être détruit sans autre forme de procès, Le prévenu a montré son mépris des musulmans. En le disant via un réseau social incontrôlable connu pour susciter les surenchères et l'effet de groupe le plus stupide, il a accepté de porter publiquement atteinte à la liberté des croyances et des cultes protégés par l'art. 261 al. l CP.

Précision sur 261bis al. 4
Rabaisser ou discriminer selon l'ai. 4 consiste à clamer l'infériorité d'une personne ou d'un groupe de personnes au point de nier ou, du moins, de mettre en question leur qualité d'être humain et à leur refuser un accès égal aux droits fondamentaux de l'homme (NIGGLI, Rassendiskriminierung, 2007, n° 1306 s.). Les déclarations par lesquelles des hommes sont assimilés à des animaux inférieurs, de même que celles imputant à certaines personnes ou groupes de personnes un comportement pervers ou criminel, sont des affirmations dénigrantes au sens de l'art. 261 bis al. 4 CP. Dénier le droit à la vie de certaines personnes en appelant à les exterminer porte évidemment une forte atteinte à leur dignité (NIGGLI, op cit., n° 1285 ss).

Décision

Dans le cas particulier, en postant sur un compte Facebook suivi par de très nombreuses personnes, le commentaire « Il existe des lance flamme », le prévenu a publiquement manifesté un sentiment de haine envers les personnes de confession musulmane ayant osé prendre l'initiative d'ouvrir un lieu de réunion et de prières. Il a soutenu l'idée d'autres intervenants de régler le problème par la violence à son idée, au lance-flamme. En proposant une solution aussi radicale, il a répandu l'idée que les musulmans quels qu'ils soient ne méritaient pas qu'on discute avec eux ni qu'on examine normalement, comme pour les autres citoyens, selon les lois, le problème éventuellement posé par leur lieu de réunion. Pour le prévenu, les musulmans ne sont pas dignes de ces procédures habituelles, les désaccords avec eux ne se règlent pas de la même manière. Supposés nuisibles et dangereux, par principe, en raison de leur confession, les musulmans, selon le commentaire déposé par le prévenu n'ont pas droit au respect élémentaire accordé à chaque personne. La réponse, c'est « le lance-flamme», autrement dit l'absence du droit même d'exister. Une telle proposition renforce les convictions semblables des lecteurs et les incite à les partager. La déclaration viole par conséquent l'Art. 261bis al. 1 et al. 4 CP.

En disant qu'il fallait brûler au lance-flamme le local parce qu'il servait à des musulmans, le prévenu a clairement porté atteinte au respect des croyances religieuses d'autrui. La radicalité de son propos est choquante, de nature à blesser gravement les sentiments religieux des personnes visées et de nature aussi à troubler l'ordre public en attisant les préjugés primaires des islamophobes. En disant que le local devrait être détruit sans autre forme de procès, le prévenu a montré son mépris des musulmans. En le disant via un réseau social incontrôlable connu pour susciter les surenchères et l'effet de groupe le plus stupide, il a accepté de porter publiquement atteinte à la liberté des croyances et des cultes protégés par l'art. 261 al. l CP.

Le prévenu est ainsi condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende selon le droit en vigueur à l'époque des faits qui ne lui est pas défavorable (art. 2 al. 2 CP). Le montant du jour-amende est fixé à 50 francs.
A titre de sanction immédiate, une amende de 100fr. est encore imposée.