Cas 1997-030N
Neuchâtel
Historique de la procédure | ||
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1997 | 1997-030N | La 2ème instance admet partiellement le pourvoi en cassation interjeté par le Ministère Public. |
1998 | 1998-013N | Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le pourvoi en nullité formé par l'accusé contre l'arrêt de la 2ème instance. |
Critères de recherche juridiques | |
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Acte / Eléments constitutifs objectifs | Incitation à la haine et à la discrimination (al. 1); Propagation d'une idéologie (al. 2); Négation d'un génocide (al. 4 2ème phrase) |
Objet de protection | Race; Religion |
Questions spécifiques sur l'élément constitutif | Bien juridique protégé |
Mots-clés | |
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Victimes | Juifs; Personnes noires / PoC |
Moyens utilisés | Propagation de matériel raciste |
Environnement social | Art et science |
Idéologie | Antisémitisme; Racisme (couleur de peau); Extrémisme de droite |
L'inspection de douane de l'aéroport de Genève a saisi un colis contenant vingt numéros identiques d'une revue Y rédigée en anglais, à caractère nazi et trente CD, destinés à X. La 1ère instance a acquitté X, qui avait été renvoyé en jugement sous l'accusation de discrimination raciale, et a ordonné la restitution des revues et des CD séquestrés.
La 2ème instance a réformé partiellement ce jugement, en ce sens qu'elle ordonne la confiscation et la destruction des CD et des vingt exemplaires de la revue encore séquestrés.
Elle a estimé que tant la morale que l'ordre public exigent que des pièces d'un tel contenu soient confisquées et détruites, en application de l'art. 58 al. 1 let. b CP.
L'accusé se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il soutient que les conditions légales de la confiscation ne sont pas réunies selon lart. 58 CP. La Cour de cassation du Tribunal fédéral rejet le pourvoi. Elle conclut que les tous les éléments de linfraction dans lArt. 261bis CP sont réunis, que la mesure prononcée napparaît pas disproportionnée et ne viole donc pas lart. 58 al. 1 CP. Dailleurs, la Cour constate dans cet arrêt que la race, au sens de lArt. 261bis CP, se caractérise par la couleur de la peau et que le judaïsme constitue une religion.
Dans le courant du mois d'octobre 1996, l'inspection de douane de l'aéroport de Genève a saisi un colis contenant vingt numéros identiques dune revue Y rédigée en anglais, à caractère nazi et trente CD, destinés à X. Après enquête, le ministère public a renvoyé l'accusé devant la 1ère instance pour discrimination raciale (Art. 261bis CP).
La 1ère instance l'a acquitté et ordonné la restitution du CD et des revues séquestrés. Il a retenu en bref que sagissant des disques commandés par l'accusé, le seul CD séquestré ne renfermait pas de déclarations clairement haineuses ou méprisantes envers une ethnie ou une religion déterminée. Quant à la revue Y, dont il a été établi qu'elle a été jointe à la commande à titre de cadeau de remerciement, le premier juge a estimé qu'elle faisait davantage l'apologie de la race blanche qu'elle ne dénigrait un groupe racial ou une ethnie déterminée et qu'à première lecture, elle n'était ni contraire à la loi, ni indigne de bénéficier de la liberté d'expression.
Le ministère public se pourvoit en cassation contre ce jugement. La 2ème instance réforme partiellement ce jugement, en ce sens qu'elle ordonne la confiscation et la destruction des CD et des vingt exemplaires de la revue encore séquestrés.
L'accusé se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il demande l'annulation de la décision attaquée, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour restitution du matériel saisi et sollicite par ailleurs l'effet suspensif.
Décision 1997-030N
" En l'espèce l'examen de la revue [Y] conduit à l'application sur le plan objectif de l'article 261bis CP. S'agissant de l'article 'Shattering the myths of the pro white Movement', l'auteur essaie de démontrer certaines idées préconçues, véhiculées par les médias, sur le mouvement pro-blanc, notamment 'we think all black people are bad'. Il commence par citer les propos d'un comédien noir, lequel aurait affirmé que le peuple noir est plus raciste que le peuple blanc car il hait aussi les noirs. S'ensuit une distinction entre les 'noirs' et les 'nègres' puis une description de l'homme noir et enfin, statistiques du FBI à l'appui, sans qu'il soit évidemment possible de déterminer la réalité des chiffres avancés, la démonstration que les noirs sont plus violents que les blancs, constatation qui permet à l'auteur de l'article de conclure en déclarant que 'tous les noirs ne sont pas des criminels mais qu'une Amérique sans noirs serait plus sûre, plus propre et plus riche'. Les propos racistes tombent sous le coup de la loi s'ils sont de nature à abaisser ou à calomnier de façon systématique les personnes de race ou d'origine différente. Ainsi que rappelée, une tendance fondamentalement calomniatrice peut être présentée sous l'apparence d'un exposé objectif, voire pseudo- scientifique. Tel est précisément le cas en l'occurrence. Sous le couvert parfois de chiffres, il est indiscutable que le sens général du texte est d'affirmer que le seul mal de l'Amérique réside dans la présence sur son sol d'une population de race noire.
D'autres passages ou phrases de la revue expriment une indiscutable haine pour tout ce qui n'est pas blanc, 'nous haïssons nos ennemis car nous aimons la race blanche', rabaissent la race noire en la traitant de race sale 'messed - up race', de race boueuse sous-humaine, sauvage, semblable à des singes.
Enfin, dans deux interviews, l'Holocauste est minimisé et approuvé. Ainsi une des personnes interrogées affirme qu'il faut croire ('We do believe') aux thèses révisionnistes selon lesquelles il n'y a pas eu un programme d'extermination systématique des juifs mais que les seules victimes du génocide était le peuple d'Europe et en particulier le million de SS qui ont donné leur vie pour la race aryenne et qui étaient les créatures les plus évoluées dans l'histoire de la planète (p. 39), l'autre personne interrogée considérant que l'Holocauste des juifs, 'la nation la plus haïe' était le processus final le plus sensationnel.
Il est indiscutable que cette revue tombe sous le coup de l'article 261bis CP à mesure qu'en prônant la supériorité et la victoire de la race blanche sur les autres races, en particulier la race noire, elle propage une idéologie visant à dénigrer et à rabaisser systématiquement ceux qui ne sont pas blancs " (Cons. 4a, p. 4 s.).
" S'agissant du CD 'Max Resist', commandé par [l'accusé], lié à la revue [Y], l'examen des textes des chansons qu'il renferme permet de constater qu'il contient un message de violence, de révolution et de mort pour ceux qui appartiennent à la race noire, même si c'est aussi parfois sous certains couverts, ainsi celui de l'attachement à sa race et à son pays. Le texte de la chanson 'Flight Jackets' est particulièrement significatif. Il annonce une nouvelle révolution et fait état de 'solution finale' et précise 'si tu n'es pas blanc, tu seras mort' (if you ain't White, you'll be dead). Cette phrase, compte tenu du contexte, constitue une incitation claire à la haine raciale et à la violence. [...] Il s'agit ainsi d'un message de violence absolue, basé sur l'idéologie du White Power qui prône la suprématie de la race blanche et rabaisse systématiquement les autres ethnies, en particulier les noirs comme cela ressort clairement de la revue [Y]. On ne saurait ainsi admettre comme l'a fait le premier juge que le CD en question ne renferme pas de déclaration clairement haineuse ou méprisante envers une ethnie ou une religion déterminées. Rien ne permet davantage de prendre en considération une intention artistique évoquée par le premier juge, les intentions poursuivies par les auteurs étant indiscutablement toutes autres " (Cons. 4b, p. 5).
" Ainsi tant la revue que le CD tombent objectivement sous le coup de l'article 261bis CP. C'est à tort que le premier juge a considéré que tel n'était pas le cas. S'agissant en revanche de l'élément subjectif de l'infraction, le premier juge peut être suivi [...]" (Cons. 5, p. 5 s.).
" Selon l'article 58 al. 1 let. b CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononcera la confiscation des objets qui sont le produit ou le résultat d'une infraction et qui compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. L'application de cette mesure implique de rendre suffisamment vraisemblable que sans cela, la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public seraient mis en péril (ATF 116 IV 117, JT 1992 p.14).
Tel est manifestement le cas en l'espèce. Tant la morale que l'ordre public exigent que des pièces d'un tel contenu soient confisquées et détruites. On peut d'ailleurs s'étonner que sans attendre l'issue de la procédure pénale la plus grande partie des CD séquestrés, soit vingt-neuf CD aient été restitués à leur destinataire, mesure que rien ne justifiait " (Cons. 6, p. 6 ).
La 2ème instance casse partiellement le jugement de la 1ère instance et ordonne la confiscation et la destruction des vingt exemplaires de la revue Y et du CD séquestrés.
Décision 1998-013N
Laccusé soutient que les conditions légales de la confiscation ne sont pas réunies selon lart. 58 CP car le matériel confisqué ne compromettaient pas la sécurité des personnes, la morale ou lordre public.
La deuxième instance cantonale avait estimé que les revues et les CD étaient linstrument dune discrimination raciale au sens de lArt. 261bis CP. Le Tribunal fédéral examine donc si le matériel tombe sous le coup de la loi sur la discrimination raciale : «Il faut que le message, quelle quen soit la forme ou le support, sen prenne ( ) à une ou plusieurs personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. En lespèce, le message sen prend à tous les noirs et tous les juifs, exclusivement parce quils sont noirs ou juifs.» (E. 2b) N'importe quelle critique ou la constatation objective d'une différence ne suffisent pas; le message doit atteindre la personne dans sa dignité dêtre humain en raison de son appartenance raciale, ethnique ou religieuse. Dailleurs, la Cour constate que la race, au sens de lArt. 261bis CP, se caractérise par la couleur de la peau et que le judaïsme constitue une religion. (E. 2b)
Le Tribunal fédéral conclut que tous les éléments de linfraction sont réunis. LArt. 261bis CP soit classé parmi les infractions contre la paix publique «de sorte que lon peut admettre que la propagation de tels messages comporte un risque pour lordre public. Il est évident que ce risque na pas disparu, puisque le recourant pourrait remettre ces objets à des tiers, les prêter ou même se les faire voler.L'existence de ces objets, qui sont, par leur nature, destinés à être diffusés, est propre à perpétuer les effets de l'infraction et laisse subsister le risque pour l'ordre public.» (E. 2b)
La Cour confirme que la mesure prononcée napparaît pas disproportionnée et ne viole donc pas lart. 58 al. 1 CP. La confiscation est possible «alors même quaucune personne déterminée nest punissable.»
Le Tribunal fédéral rejet le pourvoi dans la mesure où il était recevable.