Cas 2017-028N
Genève
Historique de la procédure | ||
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2017 | 2017-028N | Le Ministère Public condamne le prévenu. |
Critères de recherche juridiques | |
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Acte / Eléments constitutifs objectifs | Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase) |
Objet de protection | Objet de protection en général |
Questions spécifiques sur l'élément constitutif |
Mots-clés | |
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Auteurs | Particuliers |
Victimes | Personnes noires / PoC |
Moyens utilisés | Déclarations orales |
Environnement social | Lieux publics |
Idéologie | Racisme (couleur de peau) |
Il est reproché au prévenu d'avoir insulté un agent de stationnement.
Il est reproché au prévenu d'avoir insulté un agent de stationnement en le traitant de « sale négro » à plusieurs reprises, à tout le moins devant sa collègue, portant ainsi atteinte à son honneur et à sa dignité humaine en raison de sa couleur de peau. Il a déposé plainte pénale en raison de ces faits le 2 décembre 2016. À l'appui de sa plainte, il a expliqué qu'il se trouvait à hauteur de la rue X, en train de travailler, lorsque sa collègue a dressé une amende d'ordre pour dépassement de temps à un automobiliste stationné sur la place n°2. Le conducteur était dans le bar se trouvant juste à côté. Il est sorti de l'établissement s'adressant directement à la collègue et contestant être sur la place n°2. Le prévenu est alors devenu très agressif, a demandé de lui retirer l'amende en s'adressant à elle en ces termes: « salope, connasse tu vas m'enlever l'amende ». Elle lui a alors répondu qu'elle ne pouvait enlever l'amende mais qu'il pouvait la contester par courrier. Il a alors obstrué le passage aux deux agents du stationnement, puis s'est adressé en ces termes: « négro tu vas m'enlever cette amende » avant de retourner dans le bar. L’agent de stationnement s'est alors rendu dans le bar en question afin de lui demander s'il confirmait l'avoir traité de « négro », ce que le prévenu a fait. Enfin il est retourné travailler auprès de sa collègue.
Les faits reprochés sont établis, nonobstant les dénégations partielles du prévenu, lequel corrobore le déroulement des faits tels qu'exposés par le plaignant -- tout en tentant de minimiser ses propos à l'égard du premier, prétendant l'avoir traité de «connard» et non de «sale négro».
Ces faits sont constitutifs d'injure au sens de l'article 177 alinéa 1 du Code pénal, qui punit, sur plainte, d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus celui qui, de toute autre manière (que la calomnie ou la diffamation), aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur. L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (ATF 132 IV 112 consid. 2.1 p. 115; 128 IV 53 consid. 1a p. 58). La présence d'une atteinte à l'honneur peut notamment se traduire par une injure formelle, soit une simple expression de mépris s'exprimant notamment par une grossièreté, sans qu'un jugement de valeur ou une allégation de fait soient clairement discernables, étant précisé que l'auteur peut tant s'adresser à la victime elle-même qu'à un tiers en parlant d'elle. Constituent notamment une injure formelle «petit con» (arrêt du TF 66_602/2009 du 29 septembre 2009 consid. 2.3), «bande de salauds» (ATF 117 IV 270 consid. 2b), «pourri» (arrêt du TF 6S.436/2001 du 8 octobre 2001 consid. 3c), «mongol» (RJN 1980/81 p. 112), «lavette» (terme injurieux adressé à un policier; BJP 1984 no 713).
En l'espèce, le prévenu a traité de «sale négro» lorsqu'ils se trouvaient tous deux à hauteur de la rue Monthoux 46, proche du café «le PAKIZAR», duquel le prévenu venait de sortir. Etait également présente lors de ces faits une collègue du plaignant qui a confirmée avoir entendue le prévenu dire au lésé «négro tu vas m'enlever cette amende», puis l'avoir traité de «négro» et de «sale négro» à deux reprises. Aussi, les injures sont établies à satisfaction. Il est par ailleurs acquis que le terme ''négro» est un qualificatif méprisant et injurieux au sens où la jurisprudence l'entend. Le prévenu sera dès lors reconnu coupable d'injure (art. 177 CP), étant rappelé a déposé une plainte pénale pour ces faits le 2 décembre 2016.
Ces faits sont également constitutifs de discrimination raciale, selon l'article 261 bis alinéa 4 du Code pénal, qui punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aura publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion. Cette norme vise notamment à protéger la dignité que tout homme acquiert dès la naissance et l'égalité entre les êtres humains. A la lumière de cet objectif, constituent un abaissement ou une discrimination au sens de cette disposition tous les comportements qui dénient à des membres de groupes humains, en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion, une valeur égale en tant qu'être humain ou des droits de l'homme identiques, ou du moins, qui remettent en question cette égalité. L'art. 261 bis al. 4, 1ère moitié CP, protège directement la dignité de l'homme en sa qualité de membre d'une race, d'une ethnie ou d'une religion. En protégeant l'individu du fait de son appartenance à un groupe ethnique ou religieux, la paix publique est indirectement protégée (ATF 133 IV 308 c. 8.2 et les réf. cit.).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour apprécier si une expression relève du droit pénal, il faut se fonder sur le sens qu'un tiers moyen non averti doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. Une expression faite publiquement relève de l'art. 261 bis al. 4 1ère moitié CP lorsqu'elle serait comprise par un tiers moyen non averti dans les circonstances d'espèce comme relevant de la discrimination raciale et que le prévenu s'est accommodé du fait que son expression pouvait être interprétée dans ce sens (ATF 133 IV 308 c. 8.5.1). Les circonstances tenant à la personne du prévenu et celles tenant à la personne visée appartiennent aussi aux critères essentiels d'interprétation de l'expression, tout comme les circonstances de l'acte en tant que tel (ATF 133 IV 308 c. 8.8).
Dans les expressions comme par exemple « cochon de noir », « yougo de merde » ou « cochon de juif », le rapport avec la race, l'appartenance ethnique ou la religion est évident. De telles expressions tombent dans le champ d'application de l'art. 261 bis al. 4 1ère moitié CP. Elles remplissent l'élément constitutif d'une telle infraction quand la personne concernée est de cette manière rabaissée d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine (ATF 140 IV 67 consid. 2.2.2). Comme indiqué précédemment, les propos tenus par le prévenu à l'encontre du blessé sont établis à satisfaction. Par ailleurs, le terme «sale négro» est en lien évident avec la race tel que l'entend la jurisprudence, avec une connotation péjorative plus que claire, portant atteinte à la dignité humaine. Le prévenu a manifestement utilisé ce terme dégradant, dans le but de rabaisser le blessé et ce alors qu'à tout le moins était présente. Le prévenu sera dès lors reconnu coupable de discrimination raciale (art. 261 bis al. 4 CP).
Le prévenu est reconnu coupable d’injure (art. 177 al. 1 CP) et de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 CP). Il est condamné à une peine pécuniaire fixée en jours-amende de 60 jours. Le montant du jour-amende est fixé à CHF 30.00. Le prévenu est mis au bénéfice du sursis. Le délai d'épreuve est fixé à 3 ans. Le prévenu est condamné à une amende de CHF 3'600.00.Le ministère public renonce à révoquer le sursis accordé le 24 mars 2014. Le prévenu supporte les frais de procédure de CHF 260.00.