Cas 2019-043N

Double condamnations pour «Sale blanche»

Fribourg

Historique de la procédure
2018 2019-043N X. est déclaré coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 al. 1 CP) et de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 CP). Y. est déclarlé coupable de menaces (art. 180 al. 1 CP).
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase)
Objet de protection Race
Questions spécifiques sur l'élément constitutif Publiquement (en public)
Mots-clés
Auteurs Particuliers
Victimes Membres de la population majoritaire / Blancs / Chrétiens
Moyens utilisés Gestes
Environnement social Voisinage
Idéologie Racisme (couleur de peau)

Synthèse

Au cours d'une altercation de quartier, la prévenue X. a traité la plaignante de «sale pute» et de «sale blanche» et s'est interposée en compagnie de Y. de manière menaçante face à la plaignante. X. est déclaré coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 al. 1 CP) et de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 CP). Y. est déclaré coupable de menaces (art. 180 al. 1 CP).

En fait / faits

Rentrant à leur domicile, les prévenu-es X. et Y., au volant de leur véhicule respectif, ont roulé à une vitesse excessive dans leur quartier. Au même moment,la plaignante, ainsi que plusieurs enfants qui jouaient, dont certains à vélo, se trouvaient sur la route d'accès au quartier. À proximité, affairé autour de son véhicule parqué, se trouvait M. témoin. La plaignate a réagi à la vitesse à laquelle X. a circulé dans le quartier, en faisant un mouvement avec ses mains signifiant qu'il fallait rouler plus lentement. Après avoir parqué sa voiture, X. est sortie de son véhicule. Il s'en est suivi un échange verbal. Lors de cette alteraction, X. a traité la plaignante de «sale pute» et de «sale blanche» en présence d'autres personnes, dont M. Quant à Y., au volant du second véhicule, il a continué sa route un peu plus loin avant de faire demi-tour et de revenir à vive allure en direction de la plaignante et de s'arrêter à proximité de celle-ci. Z., le frère de X., passager de Y., est alors sorti de la voiture et s'est joint à la discussion houleuse. Puis, Y. a quitté son véhicule pour rejoindre sa copine X., qui se trouvait, avec son frère Z., face à la plaignante. Lors de cette querelle, X. et Y. se sont interposés physiquement de manière menaçante contre la plaignante.

En droit / considérants

Injure (art. 177 al. 1 CP)
En l'espèce, la prévenue X. a traité la plaignante de «sale pute» et de «sale blanche». Par ces termes, elle s’en est prise à l’honneur de la plaignante P. L’al. 2 de 1’art. 177 CP ne trouve pas application in casu, le simple rappel à la prudence émis par la plaignante, fût-il un peu énergique, ne justifiant pas les propos de la prévenue. De surcroît, le premier comportement ayant provoqué le conflit a émané des prévenus eux-mêmes par leur conduite inadaptée aux circonstances, selon les dispositions de la LCR précitées, en raison de la présence de piétons et de cyclistes, dont des enfants. Il incombait aux deux conducteurs de rouler tout au plus à la vitesse du pas, voire de s’arrêter jusqu’à ce que la voie fût libérée. La prévenue X. est reconnue coupable d’injure au sens de 1’art. 177 al. 1 CP.
Discrimination raciale (Art. 261bis CP)
L’art. 261 bis CP ne réprime que la discrimination fondée sur la race, 1’ethnie ou la religion. La liste est exhaustive (Michel Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, 2e éd. 2017, ad art. 261 bis CP no 8ss).
La race se définit comme un ensemble de personnes qui se distinguent par des caractéristiques héréditaires, telles que la couleur de la peau, la physionomie, etc. Les personnes à la peau noire, par exemple, constituent une race (ATF 124 IV 121 consid. 2b).
Il faut considérer comme public tout propos ou comportement qui n’a pas lieu dans le cadre privé. Sont considérés comme privés, les propos qui ont lieu dans le cercle familial ou des amis ou dans un environnement de relations personnelles ou de confiance particulière. Le nombre de personne qui prennent connaissance des propos est souvent dû au hasard et n’apparait dès lors pas constituer un critère adéquat pour décider du caractère public d’un comportement (ATF 130 IV 1 11 consid. 5.2.1, JdT 2005 IV 292).
Pour apprécier si la déclaration porte atteinte à la dignité humaine et si elle est discriminatoire, il faut se fonder sur le sens qu’un destinataire moyen lui attribuerait en fonction de toutes les circonstances (ATF 131 IV 23 consid. 2.1, JdT 2006 IV 88). Est notamment punissable en vertu de 1’Art. 261bis al. 4 CP, le fait de traiter un enfant de « sale arabe » (arrét de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois du 9 avril 1998, RJN 1998 p. 147). Les termes «sale blanche» prononcés par la prévenue constitue un dénigrement visant une race et ont été prononcé dans un lieu public en présence de plusieurs personnes. Partant, la prévenue s’est également rendue coupable de discrimination raciale au sens de 1’Art. 261bis al. 4 CP.

Décision

X. est déclarée coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 al. 1 CP) et de discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 CP). X. est condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 70.- avec sursis pendant 2 ans.
Y. est déclaré coupable de menaces (art. 180 al. 1 CP). Y. est condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 95.-, avec sursis pendant 2 ans. X. et Y. sont condamnés solidairement à verser à la plaignante la somme de CHF 500.-, à titre d'indemnité pour tort moral.