Cas 2024-066N
Genève
Historique de la procédure | ||
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2024 | 2024-066N | Pour une grande partie des faits, la Cour déclare A. coupable de dommages à la propriété (art. 144, al. 1 CP) et discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 CP). |
Critères de recherche juridiques | |
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Acte / Eléments constitutifs objectifs | Propagation d'une idéologie (al. 2); Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase) |
Objet de protection | Ethnie; Religion |
Questions spécifiques sur l'élément constitutif | Publiquement (en public); Elément constitutif subjectif de l'infraction |
Mots-clés | |
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Auteurs | Particuliers |
Victimes | Juifs |
Moyens utilisés | Ecrits; Sons / images; Propagation de matériel raciste; Autres moyens utilisés |
Environnement social | Lieux publics |
Idéologie | Antisémitisme |
Il est reproché à A. (l’accusé) d’avoir volontairement endommagé de nombreux véhicules notamment en gravant sur leur carrosserie des croix gammées à l’aide notamment d’un poinçon, en y ajoutant parfois des insultes et autres références néonazies.
Pour une grande partie des faits, la Cour déclare A. coupable de dommages à la propriété (art. 144, al. 1 CP) et discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 CP)
Il est reproché à A. (l’accusé) d’avoir volontairement endommagé de nombreux véhicules notamment en gravant sur leur carrosserie des croix gammées à l’aide notamment d’un poinçon. Parfois, des propos tels que « pute », « connard », « con », « GSH », « =FM » ou « FM=nazi » étaient également présents.
L’arrêt fait tout d’abord mention de la présomption d’innocence. Toutefois, un faisceau d’indices convergents (la possession d’un poinçon, des images de vidéo-surveillance ainsi que la similitude des façons de procéder) permettent d’arriver à la conclusion que le prévenu est bien l’auteur de la plupart des faits qui lui sont reprochés.
Concernant les faits relevant de la discrimination raciale, la Cour relève tout d’abord que le symbole de la croix gammée constitue une manifestation de la pensée du national-socialisme connu de tous. Tout tiers moyen non averti lui donnerait ce sens. De plus, lors des auditions, le prévenu n’a jamais prétendu que ces symboles avaient une autre signification. Ensuite, la Cour s’intéresse au caractère public des actions. Les voitures étaient stationnées sur le domaine public et sont vouées à être déplacées et à être visibles par un grand nombre de personnes. Ainsi, ces gravures ne sont nullement éphémères et peuvent être observées par ses tiers durant des périodes prolongées, réalisant ainsi la condition de la publicité.
La Cour se demande ensuite si le cas relève de la propagation d’une idéologie (Art. 261bis al. 2 CP). Toutefois, il ne ressort pas du dossier que les gravures réalisées par l’appelant étaient destinées à gagner des tiers non engagés dans la pensée nazie, ni même à la promouvoir. Ainsi, aucun élément ne peut être retenu dans ce sens sur le plan subjectif. Dès lors, le prévenu ne peut, contrairement à ce que l’instance précédente avait jugé, être déclaré coupable sur la base de cet alinéa.
Finalement, la Cour analyse le cas sous l’angle de l’Art. 261bis al. 4 CP. Même si rien ne permet d’affirmer que le prévenu avait pour but de propager l’idéologie en question, il n’en demeure pas moins que le choix du symbole de la croix gammée est délibéré, compte tenu du grand nombre de fois auquel l’appelant y a recouru (51 fois au total). Vu les inscriptions d’injures gravées sur les carrosseries, l’appelant n’avait pas pour unique but d’endommager les véhicules, mais bien d’abaisser autrui, tout en ayant nécessairement conscience de la portée discriminatoire des symboles qu’il dessinait. Tout le monde sait, en faisant publiquement usage du symbole de la croix gammée de façon aussi répétée, systématique, qu’il agit de manière à discriminer un groupe de personnes en raison de leur appartenance communautaire et religieuse (judaïsme), puisque c’est cette interprétation que tout individu mis face à de tels dessins fera immédiatement, indubitablement. A tout le moins, l’auteur de ce type d’acte envisage ce risque et l’accepte. Le nombre et la nature des actes sont autant d’indices qui démontrent que l’appelant avait l’intention de discriminer publiquement autrui ou à tout le moins qu’il l’envisageait tout en acceptant cette possibilité. Il doit ainsi être reconnu coupable au sens de l’Art. 261bis al. 4 CP.
Pour une grande partie des faits, la Cour déclare A. coupable de dommages à la propriété (art. 144, al. 1 CP) et discrimination raciale (Art. 261bis al. 4 CP).
Le prévenu est condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction d’un jour de détention avant jugement, avec sursis. Le prévenu est également tenu de s’acquitter des frais de procédure, et de verser certaines sommes à titre de réparation du préjudice matériel (art. 41 CO).