Cas 1998-029N
Fribourg
Historique de la procédure | ||
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1998 | 1998-029N | La 1ère instance condamne l'accusé et ordonne la confiscation des documents. |
1999 | 1999-003N | La 2ème instance admet partiellement le recours de l'accusé. Confiscation des documents. |
1999 | 1999-039N | Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le pourvoi en nullité formé par l'accusé. |
Critères de recherche juridiques | |
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Acte / Eléments constitutifs objectifs | Incitation à la haine et à la discrimination (al. 1); Négation d'un génocide (al. 4 2ème phrase) |
Objet de protection | Religion; Objet de protection en général |
Questions spécifiques sur l'élément constitutif | Bien juridique protégé; Publiquement (en public) |
Mots-clés | |
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Auteurs | Acteurs du secteur tertiaire |
Victimes | Juifs |
Moyens utilisés | Ecrits; Propagation de matériel raciste |
Environnement social | Lieux publics; Art et science |
Idéologie | Antisémitisme; Révisionnisme |
L'accusé a commandé entre 30 et 40 exemplaires d'un rapport, qui nie ou relativise l'utilisation du Zyklon B dans les chambres à gaz d'Auschwitz. Selon ses déclarations, il en a vendu une vingtaine et distribué une dizaine dans les milieux officiels, dont le Ministère public de la Confédération et le Conseil d'Etat fribourgeois. En plus, il declare avoir envoyé une cinquantaine de bulletins de commande à diverses personnes en y joignant un document (texte A) où il niait qu'un plan ait existé ou ait été exécuté pour la mise à mort de qui que ce soit en raison de sa race dans les camps nazis.
Il a aussi signé un texte (texte B) et l'a affiché, une centaine de fois, un peu partout en Suisse romande. Dans ce document, il accusait l'Art. 261bis CP de réprimer seulement «ceux qui osent mettre en doute l'existence de certains crimes commis contre l'humanité» et posait la question : «Mais le crime en question a-t-il réellement été perpétré ?».
L'accusé a ensuite posé des affiches reproduisant la phrase suivante du livre «Le Paradoxe juif» de Nahum Goldmann (Nahum Goldmann, Le paradoxe juif, éd. Stock, 1976), ancien président du Congrès juif mondial : «La vie juive est composée de deux éléments : ramasser de l'argent et protester.» La première instance cantonale a condamné l'accusé et a ordonné la confiscation des documents.
La 2ème instance admet partiellement le recours de l'accusé.
X se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral.
L'accusé a commandé entre 30 et 40 exemplaires du «Rapport Rudolf» (un rapport établi en 1993 par le chimiste Germar Rudolf, dans lequel ce dernier tentait, par des analyses chimiques, de nier ou de relativiser l'utilisation du Zyklon B dans les chambres à gaz d'Auschwitz) auprès d'un éditeur en Belgique. Selon ses déclarations, il en a vendu une vingtaine et distribué une dizaine dans les milieux officiels, dont le Ministère public de la Confédération et le Conseil d'Etat fribourgeois.
L'accusé a déclaré avoir envoyé une cinquantaine de bulletins de commande du «Rapport Rudolf» à diverses personnes en y joignant un document (texte A) où il niait qu'un plan ait existé ou ait été exécuté pour la mise à mort de qui que ce soit en raison de sa race dans les camps nazis.
Il a aussi signé un texte (texte B) et l'a affiché, une centaine de fois, un peu partout en Suisse romande. Dans ce document, il accusait l'Art. 261bis CP de réprimer seulement «ceux qui osent mettre en doute l'existence de certains crimes commis contre l'humanité» et posait la question : «Mais le crime en question a-t-il réellement été perpétré ?».
L'accusé a ensuite posé des affiches reproduisant la phrase suivante du livre «Le Paradoxe juif» de Nahum Goldmann (Nahum Goldmann, Le paradoxe juif, éd. Stock, 1976), ancien président du Congrès juif mondial : «La vie juive est composée de deux éléments : ramasser de l'argent et protester.»La première instance cantonale a condamné l'accusé et a ordonné la confiscation des documents.
Décision 1998-029N
1. Importation et diffusion du " Rapport Rudolf "
La 1ère instance se demande si le comportement est punissable au sens de l'art. 261 bis al. 4 CP ou s'il doit être qualifié de délit de presse au sens de l'art. 27 CP.
L'art. 27 CP, en vigueur jusqu'au 1er avril 1998, a la teneur suivante: " Lorsqu'une infraction aura été commise par la voie de la presse et consommée par la publication elle-même, l'auteur de l'écrit en sera le seul responsable, sous réserve des dispositions ci-après. " (art. 27 al. 1 CP).
Le Conseil fédéral (FF 1992 II 305) décrit la structure de l'Art. 261bis CP selon les principaux modes de commission du délit, soit:
- la propagande raciste au sens large du terme (1er à 3ème al.) ;
- l'atteinte à la dignité humaine ( 4ème al.) ;
- le refus d'un bien ou service offert publiquement ( 5ème al.).
Une partie de la doctrine (A. M. Niggli, Rassendiskriminierung, ein Kommentar zur Art. 261bis StGB und Art. 171 c MStG, Zurich 1996, N 1257 ss) pense que les comportements punissables au sens de l'Art. 261bis al. 1 à 3 CP concernent la propagande raciste au sens large et ne peuvent, de ce fait, être qualifiés de délits de presse. En effet, selon la 1ère instance, " [...] par les trois premiers alinéas, le législateur a souhaité punir l'organisation et l'encouragement d'actions de propagande raciste, ainsi que la participation à de telles actions. Par là, il a voulu indiquer clairement que toute personne qui prend part à une action de propagande raciste, sous quelque forme que ce soit, est considérée comme coauteur et non pas comme simple complice. [...] L'application des art. 27 CP (responsabilité exclusive de l'auteur) et Art. 261bis al. 1 à 3 CP (propagande au sens large) amène à des résultats contradictoires " (Cons. 3.2.2., p. 17).
Pour ces motifs, la 1ère instance exclut l'application de l'art. 27 CP aux actes de propagande raciste au sens large.
Mais en revanche, pour les alinéas 4 et 5, la 1ère instance affirme que " [...] le législateur n'a pas retenu la propagande raciste comme mode de commission du délit, mais l'atteinte à la dignité humaine (al. 4) [intérêt individuel] et le refus d'un bien ou service offert publiquement (al. 5). Ce faisant, il a exclu la condamnation pour la simple participation à la diffusion d'idées révisionnistes " (Cons. 3.2.2., p. 17). Et elle continue en disant: «C'est donc avec raison que Niggli relève que les manifestations de discrimination raciale entreprises hors du contexte de la propagande raciste au sens large, soit les alinéas 4 et 5, qui servent avant tout à préserver un intérêt individuel, la dignité humaine, peuvent représenter des délits de presse auxquels l'art. 27 CP s'applique " (Cons. 3.2.2., p. 17).
La 1ère instance applique ainsi l'art. 27 CP et donc le principe de la responsabilité exclusive de l'auteur en libérant l'accusé pour l'importation et la diffusion des exemplaires du " Rapport Rudolf ".
2. Texte A
La 1ère instance analyse si, par ses actes, le prévenu s'est rendu coupable du délit de l'Art. 261bis al. 4. Trois éléments constitutifs doivent être remplis:
- l'auteur doit avoir nié, grossièrement minimisé ou cherché à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité
La 1ère instance relève quelques passages du document incriminé:
" Personne ne conteste que de nombreux juifs sont morts pendant la seconde guerre mondiale, du fait de leur déportation en Europe de l'Est et des conditions inhumaines qui régnèrent en certaines périodes dans les camps de concentration. Rien ne prouve [...] qu'un plan ait existé [...] pour la mise à mort de qui que ce soit en raison de sa race. [...] Les causes principales de décès étaient surtout les épidémies de typhus, mais aussi les conditions de vie terribles et le traitement souvent barbare des détenus [...] " (Cons. 3.3.2. a, p. 19).
Il est évident, selon la 1ère instance, que le document nie le génocide juif.
- l'auteur doit avoir agit publiquement
" Des propos sont tenus publiquement s'ils s'adressent à un large cercle de personnes, dont le nombre est indéterminé et qui ne sont pas liées à l'auteur ou à la victime par des relations personnelles. Le lieu et le nombre d'interlocuteurs ne sont pas en soi déterminants, des propos étant également tenus publiquement si l'auteur doit compter avec une diffusion ultérieure sur laquelle il n'a aucune influence " (Cons. 3.3.2. b, 19 s. ). L'accusé affirme avoir envoyé ce document uniquement à des connaissances mais toutefois, selon la 1ère instance, un risque existe que ce document soit encore multiplié par les destinataires et sorte du groupe visé au début par le prévenu.
- l'auteur doit avoir agi en raison de la race, de l'appartenance ethnique ou de la religion de personnes
" En l'espèce, il est clair que [l'accusé] a, à travers ce document, nié les chambres à gaz et l'extermination systématique des juifs par les nazis. Il tombe ainsi sous le coup de l'Art. 261bis al. 4 CP et cela même indépendamment des motifs, racistes ou non, qui l'ont poussé à agir. Il est néanmoins incontestable que c'est mu par de tels motifs qu'a agi le prévenu qui, bien qu'esquivant la question de savoir s'il était antisémite, a déclaré que, pour lui, le peuple juif demeurait le peuple déicide " (Cons. 3.3.2. c, p. 21).
La 1ère instance a ainsi reconnu l'accusé coupable de discrimination raciale au sens de l'Art. 261bis al. 4 2ème phrase CP.
3. Texte B
L'accusé fait valoir que son texte est formulé de manière interrogative et constitue donc une simple mise en doute et pas une négation du génocide au sens de l'Art. 261bis al. 4.
Mais la 1ère instance relève qu'" [...] il serait incompréhensible de punir seule la personne qui formule ses idées de manière affirmative et de relaxer celle qui avance les mêmes propos sous la forme interrogative. Ce serait aussi créer un trop large champs de manuvre aux révisionnistes pour lesquels il suffirait alors d'avancer leurs idées sous la forme interrogative pour pouvoir détourner la loi. [...] Pour [...] ces motifs, il serait faux d'interpréter le verbe nier comme la seule et simple affirmation de l'inexistence d'un événement et de ce fait de ne pas retenir le document incriminé comme constitutif du délit de l'Art. 261bis al. 4 CP " (Cons. 3.4. c, p. 22).
L'Art. 261bis al. 4 2ème phrase a donc été violé selon la 1ère instance.
4. La citation de Nahum Goldmann La 1ère instance a dû déterminer si le prévenu, ce faisant, s'était rendu coupable d'une violation de l'Art. 261bis al. 1 CP. Ce délit comprend les éléments suivants (ATF 124 IV 121):
- l'auteur doit avoir agi publiquement ;
La 1ère instance considère comme manifeste et incontesté que le document a été créé en de nombreux exemplaires et diffusé partout en Suisse romande.
- l'auteur doit avoir agi envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ;
" [...] Il est incontestable que le judaïsme constitue une religion au sens de l'Art. 261bis CP ayant droit au respect et à la tolérance nécessaires à l'exercice de la liberté de croyance " (Cons. 3.5.2., p. 23).
- le message doit avoir incité à la haine ou à la discrimination.
Incite à la haine ou à la discrimination raciale au sens de l'Art. 261bis al. 1 CP, selon la 1ère instance, celui qui " en raison de l'appartenance raciale, ethnique ou religieuse d'une personne ou d'un groupe de personnes porte atteinte à leur dignité humaine, poussant ainsi le public à des actes discriminatoires et à des sentiments de haine envers ces personnes " (Cons. 3.5.2., p. 24). Selon la 1ère instance: " il est vrai que [l'accusé] a emprunté cette citation de Nahum Goldmann. Toutefois, [...], il ne s'agit pas d'une phrase isolée. Goldmann explique, auparavant, les raisons qui poussent les juifs à protester, soit la persécution et la non-reconnaissance. Le prévenu ne tient nullement compte de ces éléments. Il sort cette phrase de son contexte général, l'agrandit sur une page A3 qu'il placarde un peu partout. Ce faisant, il permet à tout profane de le percevoir et de l'interpréter en toute liberté indépendamment du contexte donné par son auteur " (Cons. 3.5.2., p. 24)
L'accusé voulait tirer en plus profit des relents d'antisémitisme suscités dans le pays par " l'affaire des fonds juifs ": " Ce faisant, il ne pouvait qu'éveiller, voire renforcer un sentiment de haine ou suggérer un état d'esprit négatif des lecteurs envers les juifs. [...] L'amalgame de l'emprunt de cette citation à un homme politique, artisan de la création d'Israël, et de sa diffusion dans un contexte d'antisémitisme latent, ne peut qu'offenser et porter atteinte à la dignité du peuple juif " (Cons. 3.5.2., p. 25).
Les conditions étant remplies, la 1ère instance a condamné l'accusé en application de l'Art. 261bis al. 1 CP.
L'accusé a été condamné à une peine de 4 mois d'emprisonnement, avec sursis durant 3 ans, et à la confiscation des documents (art. 58 CP).
Décision 1999-003N
1. Texte A
Le recourant reproche à la 1ère instance d'avoir admis qu'il s'est rendu coupable de violation de l'Art. 261bis al. 4 CP lorsqu'il a joint à une cinquantaine de bulletins de commande du " Rapport Rudolf " le texte A. Selon le recourant, l'Art. 261bis al. 4 CP ne s'applique pas, d'une part, parce que les destinataires des actes sont des tiers, et non les personnes directement discriminées et, d'autre part, parce que les actes en question n'ont pas été accomplis publiquement (Cons. 5, p. 7).
Aux termes de l'Art. 261bis al. 4 CP est punissable " celui qui aura, publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, porté atteinte à la dignité humaine d'une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse (...) ". Selon la jurisprudence, l'application de l'al. 4 est exclue lorsqu'une revue n'est pas destinée directement aux personnes discriminées, mais à des tiers (ATF 124 IV 121 cons. 2b). " Cette conception est conforme au Message du Conseil fédéral: après avoir exposé les trois cas de propagande raciste des al. 1 à 3, le Message considère, [...], qu'une autre manière de mettre en péril la paix publique par un comportement raciste consiste à injurier ou à offenser certaines personnes en raison de leur appartenance à une race ou à un groupe ethnique ou religieux ; à la différence des délits contre l'honneur, il ne s'agit pas ici d'une atteinte à l'honneur de la victime ; c'est sa qualité d'être humain qui lui est tout simplement déniée (FF 1992 III 308 ; [...]) " (Cons. 5a, p. 7).
La 2ème instance retient donc que, comme il n'est pas établi que ce document a été destiné à être remis à des Juifs, l'Art. 261bis al. 4 CP ne peut pas être appliqué dans ce cas. Elle a donc admis le recours sur ce point (Cons. 5b, p. 7).
La 2ème instance examine donc le comportement de l'accusé à la lumière de l'Art. 261bis al. 1 CP:
- " La première condition de cette infraction, soit l'existence d'un acte public, est remplie. En effet, selon le Tribunal fédéral, l'envoi de vingt revues et de trente CD touche un large cercle de destinataires (ATF 124 IV 121). En envoyant une cinquantaine de copies du [texte A], l'accusé a donc agi publiquement.
- Dès lors que le document incriminé nie l'holocauste dont ont été victimes les Juifs, l'accusé s'en prend à un groupe de personnes en raison de leur appartenance à la religion juive. La deuxième condition est donc réalisée.
- La troisième condition est également remplie. En effet, dans la mesure où ce document nie l'existence d'un plan d'extermination systématique des Juifs, force est d'admettre qu'il nie en tout cas minimise grossièrement le génocide des Juifs, atteinte qui est réprimée tant sous l'angle de l'al. 4 que sous celui de l'al. 1 de l'Art. 261bis CP [...] " (Cons 5bb, p. 8).
La 2ème instance établit que les conditions de l'infraction de l'Art. 261bis al. 1 CP sont remplies ; le jugement est donc modifié en ce sens que l'accusé est condamné du chef de l'Art. 261bis al. 1 CP pour avoir adressé le texte A.
2. Texte B
Selon le recourant, l'Art. 261bis al. 4 CP ne s'appliquerait que si l'écrit qui lui est reproché avait été adressé directement à des Juifs.
Comme déjà exposé, la 1ère instance a méconnu la différence existant entre l'al. 1 à 3 et l'al. 4 de sorte que la 2ème instance a admis une erreur dans l'application de la loi.
L'accusé avait affiché le document litigieux une centaine de fois un peu partout en Suisse romande. Dans le document, il posait la question: " Mais le crime en question a-t-il réellement été perpétré? (...) ".
La 2ème instance examine si ces faits remplissent les conditions de l'Art. 261bis al. 1 CP:
- " Il n'est ni contesté, ni contestable, que le fait d'afficher le document litigieux une centaine de fois, dans différents endroits de Suisse Romande, revient à agir publiquement [...].
- Le recourant ne conteste pas non plus qu'à travers son texte remettant en cause l'holocauste, il s'en prend aux Juifs [...].
- Savoir si l'affiche litigieuse constitue objectivement une incitation à la haine ou à la discrimination au sens de l'Art. 261bis al. 1 CP est une question de droit. Il faut donc procéder à une interprétation objective de son contenu selon le sens qu'un destinataire non prévenu, dans les circonstances de l'espèce, devait lui attribuer [...] " (Cons. 6bb, p. 10).
Le recourant affirme que, dans le document contesté, il n'a pas nié, mais il a seulement posé une question. Selon lui, en retenant qu'il niait le génocide malgré la forme interrogative utilisée, la 1ère instance aurait introduit un quatrième comportement punissable en plus de ceux mentionnés et consistant à nier, minimiser grossièrement ou tenter de justifier.
Cette thèse, pour la 2ème instance, ne peut pas être suivie: " L'accusé a apposé ses affiches au moment où la Suisse connaissait des débats de tous genres à propos des fonds juifs [...]. [...], le recourant s'insurge certes contre l'introduction du nouvel Art. 261bis CP, qui selon lui, amalgame d'une part la répression du racisme, [...], et d'autre part la répression de ceux qui osent mettre en doute l'existence de certains crimes contre l'humanité. Toutefois, lorsqu'il écrit 'Mais le crime en question a-t-il réellement été perpétré ? C'est la question que l'on reste en droit de se poser en prenant connaissance de certains documents, comme le livre de Roger Garaudy (...) ou le trop confidentiel Rapport Rudolf (...), des documents que l'on cherche à interdire faute de pouvoir les réfuter', l'accusé nie qu'un crime ait été perpétré, même si c'est sous une forme interrogative. [...]Lorsque la question posée appelle une réponse univoque, ce n'est donc plus une interrogation mais une affirmation " (Cons. 6ccc, p. 10 s.).
Cette affiche, selon la 2ème instance, accrédite la thèse qu'il y a eu tromperie en ce qui concerne l'holocauste, il y a donc atteinte à la dignité du peuple juif, propre à inciter à la haine ou à la discrimination selon l'Art. 261bis al. 1 CP.
La 2ème instance a donc modifié le jugement de la 1ère instance en ce sens que l'accusé est condamné du chef de l'Art. 261bis al. 1 CP pour avoir affiché le document contesté (texte B).
3. La citation de Nahum Goldmann
Le recourant reproche à la 1ère instance d'avoir violé l'Art. 261bis al. 1 CP. Il conteste que l'acte de confectionner et placarder les affiches citant la phrase " La vie juive est composée de deux éléments: ramasser de l'argent et protester " remplisse les conditions objectives de l'Art. 261bis al. 1 CP.
Selon la 2ème instance " [...] par les affirmations contenues dans cette affiche, l'accusé présente les Juifs comme étant des personnes dont toute la vie n'est composée que de deux éléments: ramasser de l'argent et protester. Même si les qualifications ne sont en soi pas de nature à porter atteinte à la dignité humaine, le fait que l'accusé les applique au peuple juif, dont il précise que la vie n'a pas d'autre but, vise à rabaisser et à dénigrer ce peuple. Comme elle a été utilisée à l'encontre d'un peuple dont certains de ses représentants formulent d'importantes prétentions financières à l'encontre de la Suisse ou de certaines de ses institutions, ['affaires des fonds juifs'], la phrase incriminée était propre à éveiller et à exacerber au sein de la population suisse le sentiment antisémite vieux de plusieurs siècle qui voudrait que le Juif soit usurier par nature " (Cons. 4b, p. 6).
Selon la 2ème instance, le grief du recourant est donc infondé.
" Le recours a été admis uniquement dans la mesure où, en raison d'un erreur de droit, [la 1ère instance] a appliqué pour deux des infractions l'Art. 261bis al. 4 en lieu et place de l'Art. 261bis al. 1 CP [...]. " (Cons. 8, p. 12).
Le recours est partiellement admis: le jugement attaqué est annulé. La 2ème instance a retenu l'accusé coupable de discrimination raciale en application de l'Art. 261bis al. 1 CP. L'accusé a été condamné à une peine de 4 mois d'emprisonnement, avec sursis durant 3 ans. Les documents séquestrés durant l'enquête ont été confisqués (art. 58 CP).
Décision 1999-039N
Le recourant se plaigne de sa condamnation pour discrimination raciale et de la confiscation ordonnée en invoquant une violation de lArt. 261bis al. 1 CP : Il objecte que le comportement consistant à contester la réalité dun génocide constituait une infraction à lalinéa 4 de lArt. 261bis CP. Il serait selon lui exclu de le réprimer sous langle de lalinéa 1 de cette disposition, sans quoi lalinéa 4 serait superflu. Dailleurs, il conteste que ses actes portent atteinte à la dignité humaine et puissent être considérés comme des incitations à la haine ou à discrimination envers le peuple juif.
Le Tribunal fédéral examine en premier lieu si cest à tort ou à raison que la cour cantonale a exclu lapplication de lArt. 261bis al. 4 CP au comportement consistant à contester la réalité dun génocide lorsque lauteur ne sest pas adressé directement aux personnes visées.
La Cour de cassation analyse les différents alinéas de lArt. 261bis CP et fait rappeler que selon la jurisprudence, lArt. 261bis CP ( ) protège essentiellement la dignité de lhomme en tant que membre dune race, dune ethnie ou dune religion. Ensuite, elle constate que les al. 1 à 3 ne visent que lagitation raciale, cest-à-dire la diffusion didées racistes, lincitation à la discrimination raciale et lassistance apportée à des activités de propagande, tandis que lal. 4 entendait réprimer loutrage raciste.» Dans ce contexte, «Le législateur a fait figurer le révisionnisme à lal. 4 2ème phrase et la donc en principe considéré, non pas comme un acte dagitation raciale ou dexcitation publique (al. 1 à 3), mais comme une atteinte directe contre les personnes dorigine juive (E. 1c)
Le Tribunal fédéral retient donc que tous les trois comportements incriminés tombent sous le coup de lArt. 261bis al. 4 CP :
Le fait davoir envoyé le texte A où le recourant niait quun plan ait existé ou ait été exécuté pour la mise à mort de qui que ce soit en raison de sa race dans les camps nazis , en le joignant à une cinquantaine de bulletins de commande du «Rapport Rudolf», à diverses personnes constitue, selon Tribunal fédéral, une infraction au sens de lArt. 261bis al. 4 2ème phrase CP. (E. 1d)
Le recourant a rédigé, signé et affiché une centaine de fois un peu partout en Suisse romande le texte B où il sinsurgeait contre lArt. 261bis CP.
Il a fait valoir que son texte était formulé de manière interrogative et ne constituait quune mise en doute, et non pas une négation, dun génocide. Selon le Tribunal fédéral, même si le recourant «la fait sous une forme interrogative, qui appelle dailleurs une réponse univoque, il na en réalité pas simplement posé une question, mais a nié que le crime en question ait pu être perpétré.» (E. 1e) La Cour de cassation retient que les conditions de lArt. 261bis al. 4 2ème phrase CP sont également réalisées en ce qui concerne le second comportement reproché au recourant.
Le fait davoir confectionné et placardé en divers endroits de Suisse romande une centaine daffiches reproduisant la phrase «La vie juive est composée de deux éléments : ramasser de largent et protester» était de nature à abaisser les Juifs.
Le comportement en cause remplit donc les conditions de lal. 4 et non de lal. 1 ; cest erronément que lautorité cantonale a exclu lapplication de celui-là. (E. 1d à f) En outre, la Cour de cassation a retenu que même si le recourant sadressait à des tiers, il sen prenait dans les trois cas directement au groupe déterminé, en raison de son appartenance à la religion juive. (E. 1f et g)
Le seul fait que l'auteur se soit adressé à des tiers, et non pas directement aux personnes visées, ne suffit pas à exclure l'application de l'Art. 261bis al. 4 CP au comportement consistant à nier, minimiser grossièrement ou tenter de justifier un génocide. Ce qui est déterminant, c'est que l'alinéa 4 sanctionne l'atteinte directe contre des personnes déterminées, alors que les alinéas 1 à 3 répriment l'agitation raciale. En se référant à sa jurisprudence, la Cour fait rappeler que lArt. 261bis CP protège essentiellement la dignité de lhomme en tant que membre dune race, dune ethnie ou dune religion.
L'Art. 261bis al. 4 CP est aussi applicable lorsque les propos incriminés, nonobstant le recours à une formulation interrogative, reviennent à nier un génocide ou lorsque l'auteur rabaisse le groupe de personnes visé par l'exploitation de clichés à partir d'une citation d'autrui sortie de son contexte.
La Cour de cassation rejet le pourvoi en nullité en tant que le recourant conteste sa condamnation pour discrimination raciale. Les modifications de la qualification juridique des actes du recourant nentraînent toutefois pas lannulation de la décision attaquée, dès lors que celle-ci ne sen trouve pas modifiée dans son résultat ; le verdict de culpabilité demeure inchangé car les différents comportements réprimés par lArt. 261bis CP sont passibles de la même peine (lArt. 261bis al. 6 CP).