Cas 2003-008N

Un fax disait: «[...] Nous vous rappelons que l'entrée du camping est interdite aux gens du voyage. Merci d'en prendre note.»

Genève

Historique de la procédure
2003 2003-008N Le Tribunal fédéral (1er Cour de droit public) déclare irrecevable le recours de droit public.
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase);
Refus de produits ou de services (al. 5)
Objet de protection Ethnie
Questions spécifiques sur l'élément constitutif
Mots-clés
Auteurs Acteurs du secteur tertiaire
Victimes Yéniches, Manouches/Sintés, Roms
Moyens utilisés Refus de prestations
Environnement social Lieux publics
Idéologie Anti-tziganisme

Synthèse

Une association suisse a adressé un fax au gérant d’un camping libellé comme suit : «Nous avons été informés que des gens du voyage étaient installés sur le camping. Nous vous rappelons que l'entrée du camping est interdite aux gens du voyage. Merci d'en prendre note.»

En raison de ce fax, trois personnes ont déposé plainte pénale contre les membres de cette association pour violation de l'Art. 261bis al. 4 et 5 CP, réprimant la discrimination raciale. La 1ère instance cantonale a considéré que les gens de voyage ne pouvaient pas être assimilés à une ethnie selon ces dispositions pénales de sorte qu'il n'y avait pas d'infraction. La 2ème instance a rejeté un recours contre cette décision. Les plaignants ont interjeté un recours de droit public devant le Tribunal fédéral. A leur avis, la dernière décision refuse arbitrairement de reconnaître aux gens du voyage le caractère de groupe ethnique. Ce recours a été déclaré irrecevable.

En fait / faits

Une association suisse a adressé un fax au gérant d'un camping libellé comme suit: «Nous avons été informés que des gens du voyage étaient installés sur le camping. Nous vous rappelons que l'entrée du camping est interdite aux gens du voyage. Merci d'en prendre note.»

Les plaignants ont déposé plainte contre les membres de cette association pour violation de l'Art. 261bis al. 4 et 5 CP, réprimant la discrimination raciale. La 1ère instance cantonale a considéré que les gens du voyage ne pouvaient pas être assimilés à une ethnie selon ces dispositions pénales de sorte que les faits dénoncés ne paraissaient pas constitutifs d'une infraction. La 2ème instance a rejeté un recours contre cette décision.

Agissant par la voie du recours de droit public, les plaignants ont requis le Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation.

En droit / considérants

  • Les plaignants étaient d'avis que le prononcé avait refusé arbitrairement de reconnaître aux gens du voyage le caractère de groupe ethnique. Le Tribunal fédéral a constaté que le recours de droit public n'était recevable que dans la mesure où les griefs soulevés ne pouvaient pas être présentés par un autre moyen de droit au Tribunal fédéral. Alors même qu'ils se plaignaient d'arbitraire et se référaient à l'art. 9 Cst., les recourants reprochaient à la deuxième instance d'avoir méconnu la notion d'appartenance ethnique déterminante selon l'Art. 261bis al. 5 CP, et d'avoir ainsi appliqué cette disposition de façon incorrecte. Le Tribunal fédéral a constaté que cette critique pouvait être soulevée par la voie du pourvoi en nullité et qu'elle était donc irrecevable par celle du recours de droit public.

  • Le Tribunal a ajouté que celui qui se prétend lésé par une infraction n'a pas qualité pour former un recours de droit public contre les ordonnances refusant d'inculper l'auteur présumé, ou prononçant un classement ou un non-lieu en sa faveur. En effet, l'action pénale appartient à la collectivité publique et, en général, le plaignant n'a qu'un simple intérêt de fait à obtenir que cette action soit effectivement mise en oeuvre. Un intérêt juridiquement protégé, propre à conférer la qualité pour recourir, est reconnu seulement à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, au sens de l'art. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), lorsque la décision de classement ou de non-lieu peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles contre le prévenu. Le plaignant ou la plaignante ne peut prétendre agir à titre de victime que s'il a subi une atteinte d'une certaine gravité. Or, la discrimination raciale ne cause une atteinte notable à l'intégrité psychique du lésé que dans des cas exceptionnels ou particulièrement graves, ou encore lorsqu'elle est perpétrée en concours avec d'autres infractions telles que des lésions corporelles ou des voies de faits. En l'espèce, les plaignants ne se prétendent pas personnellement visés par l'injonction adressée au gérant du camping et, de toute manière, celle - ci ne saurait avoir causé une atteinte profonde ou prolongée à leur bien-être. Dans ces conditions, ils n'ont pas qualité pour agir à titre de victimes selon l'art. 2 LAVI.

  • Vu les circonstances, le plaideur n'a pas qualité pour recourir sur le fond et peut seulement se plaindre, le cas échéant, d'une violation de ses droits de partie à la procédure, quand cette violation équivaut à un déni de justice formel. Mais en l'occurrence, les recourants n'élèvent aucune critique contre la procédure qui a abouti à l'ordonnance attaquée.

    Comme la procédure devant le Tribunal fédéral n'avait aucune chance de succès, la demande d'assistance judicaire doit être rejetée.

    Décision

    Le recours de droit public est irrecevable. La demande d'assistance judiciaire est rejetée. Les recourants acquitteront un émolument judiciaire de 1000 fr., solidairement entre eux.