Cas 2005-030N

Refus de servir des membres du mouvement religieux Y

Genève

Historique de la procédure
2005 2005-036N L'’autorité de poursuite compétente classe la plainte.
2005 2005-037N La 1ère instance cantonale rejette le recours.
2005 2005-030N Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le recours de droit public dans la mesure où il est recevable et déclare le pourvoi en nullité irrecevable.
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase);
Refus de produits ou de services (al. 5)
Objet de protection Religion
Questions spécifiques sur l'élément constitutif
Mots-clés
Auteurs Acteurs du secteur tertiaire
Victimes Membres d'autres communautés religieuses
Moyens utilisés Refus de prestations
Environnement social Lieux publics
Idéologie Autres idéologies

Synthèse

Le recourant, membre du mouvement religieux Y, se trouvait avec 15 à 20 de ses coreligionnaires dans un restaurant. L’assistant manager de l’établissement a refusé de lui servir une bière au motif qu’il était un membre dudit mouvement, en précisant qu’il agissait sur instruction du manager.

L’autorité de poursuite, estimant que ce mouvement n’était pas une religion, a classé la plainte pour défaut de prévention d’une infraction pénale.

La première instance cantonale a rejeté le recours du recourant, confirmant le classement. Elle a considéré que le mouvement religieux Y ne constituait pas une religion.

Estimant que le recourant n’a pas la qualité pour recourir, le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le recours de droit public dans la mesure où il est recevable et déclare le pourvoi en nullité irrecevable.

En fait / faits

Le recourant, membre du mouvement religieux Y, se trouvait avec 15 à 20 de ses coreligionnaires dans un restaurant. L’assistant manager de l’établissement a refusé de lui servir une bière au motif qu’il était un membre dudit mouvement, en précisant qu’il agissait sur instruction du manager.

L’autorité de poursuite, estimant que ce mouvement n’était pas une religion, a classé la plainte pour défaut de prévention d’une infraction pénale.

La première instance cantonale a rejeté le recours, confirmant le classement. Elle a considéré que le mouvement religieux Y ne constituait pas une religion.

Le recourant a formé un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Se plaignant, dans le premier, d’arbitraire dans l’appréciation des preuves, d’une violation de son droit d’être entendu et d’une violation de la liberté de conscience et de croyance et, dans le second, d’une violation de l’Art. 261bis CP, il conclut à l’annulation de l’ordonnance attaquée.


Décision 2005-036N

L'’autorité de poursuite compétente classe la plainte.

Décision

L'’autorité de poursuite compétente classe la plainte.


Décision 2005-037N

La 1ère instance cantonale rejette le recours.

Décision

La 1ère instance cantonale rejette le recours.


Décision 2005-030N

Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le recours de droit public dans la mesure où il est recevable et déclare le pourvoi en nullité irrecevable.

En droit / considérants

Recours de droit public:

Le Tribunal fédéral examine premièrement la qualité pour recourir, que le recourant déduit de l’art. 2 al. 1 LAVI (loi sur l’aide aux victimes d’infractions), alléguant qu’il en remplit les conditions et revêt donc le statut de victime au sens de cette disposition.

Selon la jurisprudence, celui qui se prétend lésé par l’abaissement ou la discrimination au sens de l’Art. 261bis al. 4 1ère phrase CP peut revêtir la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI si l'atteinte dont il se plaint est liée à des voies de fait ou si elle constitue un autre délit. A ce défaut, l'admission de la qualité de victime n'entre en considération que dans les cas particulièrement graves, «ainsi lorsque des propos raciaux sont tenus à l'encontre d'un ancien détenu d'un camp de concentration, chez lequel ces propos réveillent un traumatisme induisant une grave atteinte à son intégrité psychique.» S'agissant de l'infraction réprimée par l'Art. 261bis al. 5 CP, le Tribunal fédéral ne voit pas que le comportement incriminé puisse provoquer une atteinte directe à l'intégrité corporelle ou sexuelle de la personne visée. L'admission de la qualité de victime n'entre donc en considération que si les circonstances étaient suffisamment graves pour entraîner une atteinte d’une certaine gravité à l'intégrité psychique du lésé. Le Tribunal fédéral rappelle que dans les deux cas (al. 4 1ère phrase et al. 5) l’atteinte psychique doit revêtir une certaine gravité et, cela, d'un point de vue objectif, non pas en fonction de la sensibilité personnelle et subjective du lésé.

Selon le Tribunal fédéral, la question de savoir si la Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) est applicable à un cas où, comme en l’espèce, le recourant se plaint exclusivement de discrimination religieuse, peut rester indécise: «Selon la jurisprudence du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale, les termes de l'art. 6 de la convention – relatif au devoir des Etats signataires d'assurer à toute personne soumise à leur juridiction une protection et une voie de recours effective contre les actes de discrimination raciale - ‹n'imposent pas aux Etats parties l'obligation de mettre en place un mécanisme de recours successifs, allant jusqu'à et y compris la Cour suprême, dans les cas présumés de discrimination raciale›.» Le Tribunal fédéral constate que la convention n'implique donc pas d'admettre plus largement la qualité pour recourir.

Le Tribunal fédéral conclut en l’espèce que les conditions pour reconnaître au recourant la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI ne son manifestement pas réalisées: «Des voies de fait ne sont ni établies ni d'ailleurs alléguées et le comportement dénoncé n'est pas non plus constitutif d'une autre infraction, telle que des lésions corporelles, etc. Une atteinte à l'intégrité psychique du recourant, qui soit d'une gravité comparable à celle résultant de l'exemple cité par la jurisprudence […] n'est au reste pas démontrée ni même rendue vraisemblable. A cet égard, il ne suffit pas que le lésé, comme le fait le recourant, affirme avoir été ‹durement touché› ou ‹profondément heurté› par l'atteinte qu'il dénonce. Il faut - et il appartient au lésé de l'établir ou du moins de le rendre vraisemblable – que l'existence d'une atteinte psychique grave puisse être inférée objectivement des circonstances concrètes. Or, en l'occurrence, cela n'est ni établi ni même rendu vraisemblable. On ne voit au demeurant pas que le refus de servir une consommation au recourant en raison de son appartenance au mouvement religieux Y ait pu lui causer une atteinte psychique de la gravité requise pour l'admission de la qualité de victime.»

Le Tribunal fédérale constate ensuite que la qualité pour former un recours de droit public du lésé qui n’est pas une victime au sens de la LAVI doit être examinée sur la base de l’art. 88 de la loi fédérale d’organisation judiciaire (OJ). Selon la jurisprudence relative à cette disposition, le droit de punir n’appartenant qu’à l’Etat, celui qui se prétend lésé par une infraction n’a pas d’intérêt juridiquement protégé à la poursuite et à la condamnation de l’auteur. Il ne peut invoquer qu’une violation des droits procéduraux qui lui sont reconnus, mais il ne peut pas remettre en cause, même de façon indirecte, la décision sur le fond. Vu ce qui précède, le Tribunal fédéral estime que le recourant est seulement habilité à se plaindre d’une violation de son droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., notamment de son droit à l’administration de preuves, autant que par là il ne remette pas en cause la décision sur le fond. Mais il considère que le grief ainsi soulevé doit néanmoins être rejeté. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir statué sans lui avoir donné l'occasion d'être entendu et de produire des documents aux fins de prouver le caractère de religion du mouvement religieux Y, alors qu'il aurait offert de le faire. Le Tribunal fédéral rappelle que, de jurisprudence constante, le droit d'être entendu garanti par la Constitution fédérale n'implique pas celui de s'exprimer oralement devant l'autorité appelée à statuer. Il faut, mais il suffit, que le justiciable ait pu le faire par écrit. En l'espèce, le recourant a eu la possibilité de se déterminer par écrit, dans son recours cantonal, sur le caractère de religion du mouvement religieux Y et il l'a du reste largement fait. Pour le surplus, il ne ressort pas de la décision attaquée que le recourant aurait offert en instance cantonale de produire des documents et que la cour cantonale aurait refusé de donner suite à cette requête.

Pourvoi en nullité:

Le Tribunal fédéral constate que le pourvoi n’est ouvert qu’aux victimes au sens de la LAVI.

Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le recours de droit public dans la mesure où il est recevable et déclare irrecevable le pourvoi en nullité.

Décision

Le Tribunal fédéral (Cour de cassation pénale) rejette le recours de droit public dans la mesure où il est recevable et déclare irrecevable le pourvoi en nullité.