Cas 2009-054N

« sale Marocaine »

Jura

Historique de la procédure
2009 2009-054N La 1ère instance condamne le prévenu.
Critères de recherche juridiques
Acte / Eléments constitutifs objectifs Abaissement ou discrimination (al. 4 1ère phrase)
Objet de protection Ethnie
Questions spécifiques sur l'élément constitutif Publiquement (en public);
Elément constitutif subjectif de l'infraction
Mots-clés
Auteurs Particuliers
Victimes Etrangers et membres d'autres ethnies
Moyens utilisés Déclarations orales;
Voies de fait
Environnement social Voisinage
Idéologie Racisme (nationalité / origine)

Synthèse

Selon le rapport de dénonciation établi par la gendarmerie territoriale, X. a sollicité l'intervention de la police en indiquant qu'elle avait été frappée par son voisin Y. Le sergent et la gendarme se sont rapidement rendus sur place. Arrivés dans la cage d'escaliers de l'immeuble les intervenants se sont trouvés en présence de plusieurs personnes discutant véhémentement avec Y. et son épouse. D'emblée, X. a déclaré avoir reçu un coup de pied dans le bas-ventre par Y., alors qu'elle rentrait chez elle. Les agents précisent n'avoir constaté aucune blessure lors de leur intervention. En outre, X. a déclaré que Y. l’a traitée de « sale Marocaine ». Y. a contesté cette version des faits. Il a déclaré que X. et son époux l’ont crié dessus. Ensuite, ils ont frappé sur sa porte. Il a alors ouvert la porte pour voir ce qui se passait. Y. s'est jetée sur lui et lui a mordu le haut du bras gauche. La Cour conclut que Y. doit être déclaré coupable de discrimination raciale conformément à l'article 261bis al. 4 CP commise à l'encontre de X.

En fait / faits

Selon le rapport de dénonciation établi par la gendarmerie territoriale, X. a sollicité l'intervention de la police en indiquant qu'elle avait été frappée par son voisin Y. Le sergent et la gendarme se sont rapidement rendus sur place. Arrivés dans la cage d'escaliers de l'immeuble les intervenants se sont trouvés en présence de plusieurs personnes discutant véhémentement avec Y. et son épouse. D'emblée, X. a déclaré avoir reçu un coup de pied dans le bas-ventre par Y., alors qu'elle rentrait chez elle. Les agents précisent n'avoir constaté aucune blessure lors de leur intervention. En outre, X. a déclaré que Y. l’a traitée de « sale Marocaine ». Y. a contesté cette version des faits. Il a déclaré que X. et son époux l’ont crié dessus. Ensuite, ils ont frappé sur sa porte. Il a alors ouvert la porte pour voir ce qui se passait. Y. s'est jetée sur lui et lui a mordu le haut du bras gauche. Il l'a repoussée en appuyant ses mains contre le cadre de porte, comme pour les empêcher d'entrer, et c'est là qu'elle l'a mordu. Il a dit d'une grosse voix « foutez le camp, dégagez, vous n'avez rien à faire ici ». Cependant, Y. nie d’avoir fait des propos racistes. Selon Y., X. a immédiatement répliqué qu'il lui avait donné un coup de pied et a dit à son mari qui se trouvait juste à côté d'elle d'appeler la police. Selon les experts de l'IUML, les deux photographies de la région abdominale n'évoquent pas d'emblée une formation ecchymotique. Quand bien même une lésion consécutive à un coup de pied donné sur l'accessoire de mode proposé par X. est envisageable, les experts ont relevé qu'il n'était pas possible d'exclure une autre hypothèse quant au mécanisme qui l'aurait produite. Vu de ces motifs, et conformément au principe de la présomption d'innocence, la Cour constate que les preuves recueillies n'ont pas permis d'établir à suffisance que Y. aurait donné un coup de pied dans le ventre de X. Cependant, la Cour considère comme établi à suffisance de preuve que X. a traité Y. de « sale Marocaine » se basant sur plusieurs témoignages.

En droit / considérants

La Cour retient que pour que l'article 261bis CP soit applicable, il faut, en premier lieu, que l'auteur agisse publiquement. Selon la jurisprudence, sont prononcées publiquement, au sens de l'article 261 Il CP, les allégations qui n'interviennent pas dans un cadre privé, soit celles qui n'ont pas lieu dans un cercle familial ou d'amis ou dans un environnement de relations personnelles ou empreint d'une confiance particulière. Savoir si cette condition est remplie dépend des circonstances concrètes, parmi lesquelles le nombre de personnes présentes peut jouer un rôle. Dans le cadre de l'article 261bis al. 4 CP, lorsque l'acte est instantané et vise en premier lieu une personne déterminée (insulte, voies de fait, etc.), il est essentiel pour admettre le caractère public que de tels agissements soient commis devant des témoins qui ne sont pas liés à la victime ou à l'auteur par des relations personnelles étroites. Peu importe que l'infraction soit commise dans un lieu public ou au domicile de la victime. Le nombre de témoins ne joue également aucun rôle ; il suffit qu'un seul tiers assiste à un outrage raciste, pour que celui-ci puisse parvenir à la connaissance du public. En outre, la Cour constate que le message doit s'en prendre à une ou plusieurs personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. Le message doit atteindre la personne dans sa dignité humaine. La Cour retient que si la déclaration porte atteinte à la dignité humaine et si elle est discriminatoire, il faut se fonder sur le sens qu'un destinataire moyen lui attribuerait en fonction de toutes les circonstances.
La Cour remarque que les propos faites par le Y. avaient indéniablement pour objectif de rabaisser la plaignante de façon à lui exprimer son mépris afin de porter atteinte à sa dignité humaine en raison de son appartenance raciale. La Cour retient que la jurisprudence a déjà eu l'occasion de préciser que traiter un enfant de « sale arabe » vise incontestablement à l'abaisser d'une manière qui porte atteinte à sa dignité humaine.
En outre la Cour souligne que Y. a tenu ces propos devant quatre personnes dans les locaux communs de l'immeuble locatif dans lequel vivaient les parties. Les témoins de ces propos étaient locataires de l'immeuble ; ils n'étaient pas liés à la victime ou à l'auteur par des relations personnelles étroites. Ainsi, la Cour conclut que le prévenu a agi publiquement au sens de la l'article 261 bis CP.
Finalement la Cour retient que l'élément constitutif subjectif est également réalisé. La Cour déclare que des tels propos ne peuvent être tenus en public qu'avec la conscience et la volonté de rabaisser la personne visée afin de porter ainsi atteinte à sa dignité humaine. Les termes employés révèlent des mobiles de discrimination raciale de la part de celui qui les a proférés. Les faits recueillis établissent au demeurant qu'antérieurement aux faits dénoncés, X. s'était déjà plainte auprès de plusieurs personnes d'avoir été victime de propos injurieux proférés par le prévenu.
La Cour conclut que Y. doit être déclaré coupable de discrimination raciale conformément à l'article 261bis al. 4 CP commise à l'encontre de X.

Décision

La Cour condamne Y. à une peine pécuniaire de 8 jours-amende à Fr 60.- chacun avec sursis pendant 2 ans. En outre, Y. est condamné à payer une participation à ses dépens de Fr 2'834.- polir la procédure de première instance. Les frais judiciaires de première instance d’un montant de Fr 1'186.65 et la moitié des frais judiciaires de deuxième instance qui s'élèvent au total à Fr 1'060 sont mis à sa charge.