TANGRAM 34

Le droit : simplement compliqué. Racisme, sexisme et capacitisme dans les spectacles de variété

Résumé de l’article
«Recht § einfach kompliziert. Rassismus, Sexismus, Ableism etc. in der Comedy» (allemand)

Auteur

Tarek Naguib, juriste et collaborateur scientifique auprès de la ZHAW depuis 2012, rédige une thèse portant sur le droit antidiscriminatoire suisse.
tarek.naguib@gmail.com

Dans quels cas les atteintes à la liberté d’expression, artistique ou autre, sont-elles légitimes ? Les cas du « comique » français autoproclamé Dieudonné et du président de la ville de Berne, Alexander Tschäppät, ainsi que la représentation du « Täschli-Gate » par Birgit Steinegger attestent des différentes limites pouvant être outrepassées dans la variété et la satire. Tandis que les déclarations de Dieudonné obéissent incontestablement à une intention de discrimination et de création d’un climat de haine et doivent par conséquent être sanctionnées pénalement, les mots de Steinegger et de Tschäppät, s’ils sont discriminatoires, ne visent pas expressément à entretenir un sentiment d’hostilité. Ils n’en favorisent pas moins un point de vue raciste. Au moment de déterminer si le droit pénal est outrepassé et si l’on peut dès lors parler de haine discriminatoire, il convient de tenir compte du contexte et de la forme même de la satire. En ce sens, l’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision AIEP a estimé que la désignation du président des Etats-Unis comme « n... » était légale. Elle a justifié sa décision par le fait que tous les personnages s’exprimant de la sorte dans la satire étaient représentés avec une mentalité bornée, raciste et stéréotypée. Dans sa critique de la décision de l’AIEP, l’auteur affirme néanmoins qu’il existe toujours une dangereuse hiérarchisation. Il ajoute que, contrairement aux interdictions relevant du droit pénal, il convient de tenir compte de cette hiérarchisation dans le cadre des interdictions de discrimination relevant du droit administratif et de déterminer si la satire exprime et entérine un rapport de domination structurellement ancré. Bien que les droits humains nous imposent d’agir contre les préjugés, il y a lieu de ne pas multiplier les interventions contre la liberté d’expression en cas de satire usant de stéréotypes discriminatoires. Les mesures engagées devraient plutôt viser et combattre les discours hégémoniques. Pour ce faire, il est nécessaire de susciter l’acceptation par le discours et la mise en œuvre d’une certaine diversité dans le domaine des spectacles comiques.