TANGRAM 34

L’éducation par l’humour

Résumé de l’article
«Die humoristische Erziehung des Menschen» (allemand)

Shpresa Jashari a étudié la philologie allemande à l’Université de Berne. Elle a enseigné la linguistique aux universités de Zurich et de Brème et publié le livre Komik (in) der Migrationsgesellschaft avec Helga Kotthoff et Darja Klingenberg (2013).
shpresa.jashari@unine.ch

Ne pas se prendre au sérieux : c’est là une condition de la comédie selon Semih Yavsaner, alias Müslüm. Il faut pouvoir rire de soi, ce qui fait surgir une force comique qui se propage ensuite au public. Elevé à cheval sur deux cultures et se sentant à l’aise dans les deux mondes, il tire de son expérience une véritable énergie comique. En égratignant les préjugés avec humour et ironie, il remet en question les jugements de valeur. Car il ne s’agit pas de renforcer les stéréotypes : la figure de Müslüm évolue au contraire pour s’en libérer. C’est là que, selon Yavsaner, réside la finalité de son travail : que son personnage révèle d’autres traits inattendus, réconcilie les contradictions qu’ils véhiculent. L’humour lui permet ainsi de démonter des conceptions sociales sclérosées. Le comique y voit un moyen d’éduquer son prochain et en profite pour diffuser un message sérieux, qui passerait beaucoup moins bien sous une forme moins « cool » : un message d’amour. La langue y joue un rôle important. A première vue, elle paraît stéréotypée. Mais à y regarder de plus près, on voit qu’elle est entrelardée d’expressions atypiques : des notions abstraites, des diminutifs en -li, etc. Le bon accueil réservé au personnage de Müslüm, non seulement par le grand public, mais aussi par les milieux alternatifs, s’explique notamment par le fait que Yavsaner ne craint pas d’aborder les sujets politiques. Pourtant, il refuse de se laisser récupérer par un parti ou des intérêts commerciaux. Il croit au contraire pouvoir davantage faire bouger les choses en continuant à ne pas se prendre au sérieux. C’est justement cela qui rend son message percutant.

L’interview a été publiée dans le livre d’Helga Kotthoff, Shpresa Jashari et Darja Klingenberg, Komik (in) der Migrationsgesellschaft, UVK Verlagsgesellschaft Konstanz, Munich, 2013.