TANGRAM 34

« On confond souvent humour et
dérision »

Résumé de l’article
«Oft wird Humor mit Spott verwechselt» (allemand)

Urs Güney a étudié la philologie allemande et fait un an de stage au Service de lutte contre le racisme SLR. Il écrit pour NZZ Campus et d’autres publications.
urs_gueney@gmx.ch

Thomas Meyer établit clairement que l’humour spécifiquement juif est une construction des non-Juifs. Dire des Juifs qu’ils possèdent un humour particulier est un stéréotype, au même titre qu’affirmer qu’ils sont spécialement cupides ou intelligents. On a tôt fait de décréter ainsi une spécificité héréditaire qui autrement, ainsi que l’illustre Thomas Meyer avec l’exemple des Juifs ayant réussi à Hollywood, serait simplement qualifiée de talent commercial chez les non-Juifs. Or, les stéréotypes peuvent revêtir un caractère grotesque, paranoïaque même, notamment lorsqu’ils s’apparentent avec la théorie du complot. Thomas Meyer s’est fait connaître par son premier roman intitulé Wolkenbruchs wunderliche Reise in die Arme einer Schickse (Le merveilleux voyage de Wolkenbruch dans les bras d’une goï), qui se passe dans le milieu orthodoxe de Zurich. Il qualifie son livre de parodie affectueuse, à ne pas confondre avec de la dérision. Il ne pense pas perpétuer des stéréotypes quand il recourt à des clichés – l’idée même que ce procédé renforce les stéréotypes antisémites se fondant sur l’illusion que les préjugés peuvent être démontés de manière rationnelle. Il s’irrite qu’on attende justement des Juifs qu’ils vainquent des préjugés construits par d’autres. Thomas Meyer se réjouit certes que des gens lisent son roman par curiosité pour la culture juive, mais il insiste sur le fait qu’il n’a pas écrit un livre au service du rapprochement des peuples. Son intention n’était pas non plus de prévenir les stéréotypes, car il reste sceptique envers l’impact de pareil travail d’éducation. Les modes de pensée antisémites, quand ils sont exprimés, sont en effet souvent reproduits inconsciemment.