Petković, Vladimir
Personnellement, avez-vous déjà été victime de racisme ou de discrimination, que ce soit sur le terrain ou en dehors ?
Tout dépend de ce que vous entendez par « racisme ». Je vous donne un exemple concret : j’ai reçu dernièrement une distinction en Bosnie, avec trois autres compatriotes qui sont aussi sélectionneurs dans des équipes nationales. Les médias suisses en ont parlé. Avec beaucoup de respect et de reconnaissance. Mais certaines personnes ont commenté la nouvelle avec des remarques telles que « s’il est si apprécié dans son pays, qu’il aille entraîner là-bas ». À vous de juger si ces propos sont racistes ou discriminatoires. Vous aurez alors la réponse à votre question.
Vous avez la particularité d’avoir été joueur ou entraîneur dans toutes les régions linguistiques de Suisse. Avez-vous noté des différences au niveau de l’accueil dans les dif-férentes régions ?
Oui, bien sûr, et c’est tout à fait normal. Pour vous donner un autre exemple, nous nous sommes rendus plusieurs fois en Russie pour préparer le Mondial. Ce pays immense comprend une multitude de cultures, de manières d’être et de se comporter. Ce qui est vrai à Kaliningrad ne l’est pas forcément à Samara. Des villes comme Sotchi ou Rostov, au sud du pays, sont également très différentes de Saint-Pétersbourg, au nord. D’une manière générale, j’ai souvent été accueilli avec un certain scepticisme, une certaine réserve. J’ai toujours eu le sentiment que, comme étranger, je devais en faire plus que les autres pour être accepté. Mais lorsque je retourne après coup dans les endroits où j’ai vécu – que ce soit à Berne ou à Rome –, je suis toujours accueilli à bras ouverts.
Vous vous exprimez souvent en italien, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention dans les autres régions de Suisse. Est-ce pour marquer votre attachement pour le Tessin, où vous résidez, ou pour montrer que les minorités sont aussi importantes ?
Rien de tout cela, les raisons sont beaucoup plus terre à terre. J’habite depuis de nombreuses années au Tessin et je parle italien tous les jours. J’utilise donc naturellement cette langue lorsque je réponds aux journalistes tessinois et romands, mais lorsqu’on me parle en allemand, je réponds volontiers dans cette langue. En général, je constate plutôt que les gens sont contents lorsque je fais des efforts pour parler leur langue, même si je fais des fautes.
En août 2013, alors que vous entraîniez la Lazio de Rome, vous avez condamné les chants racistes de certains supporters locaux. Vous avez affirmé : « Aujourd’hui, nous ne devons pas parler de racisme, nous devons le condamner et l’éliminer pour avoir un sport et un football propres ». En quoi cela était-il important pour vous de prendre publiquement position ?
C’est tout simplement une question de principe : il est important que les valeurs de fair-play et de respect, qui sont aussi promues par la FIFA et l’UEFA, s’imposent dans le football et partout ailleurs.
Une semaine plus tard, votre équipe avait choisi de rentrer sur le terrain avec des enfants issus de l’immigration africaine. Les équipes avaient arboré un maillot condamnant le racisme. Quels effets ces actes symboliques ont-ils eus ?
Visiblement pas assez, puisque nous sommes encore en train de parler de racisme.
Le racisme est-il plus présent dans le football que dans les autres sports ?
Je trouve surtout que tout est amplifié dans le football. C’est un sport très populaire, qui compte énormément de supporters dans le monde entier. Il serait par ailleurs naïf de croire que tout est rose dans cet univers.
Depuis 2014, vous êtes l’entraîneur à succès de l’équipe de Suisse. Vous dirigez une équipe qui, lors du dernier Euro, en 2016, était la formation la plus multiculturelle du tournoi. Est-il compliqué de gérer un tel groupe ?
Non, absolument pas. Au contraire, c’est passionnant, et pas seulement pour moi, mais aussi pour tous ceux qui s’engagent, chacun à sa manière, pour le succès de l’équipe de Suisse. Nous avons une bonne dynamique de groupe – qui personnellement me plaît beaucoup – et un formidable esprit d’équipe.
Savez-vous de combien de pays sont originaires les joueurs de la Nati ?
Tout dépend des joueurs qui sont sélectionnés, mais ce critère n’a aucune importance à mes yeux. De même, il m’est complètement égal que les joueurs chantent ou non l’hymne national. Ce qui compte pour moi, c’est que chaque joueur soit prêt à tout donner pour l’équipe et pour la Suisse, à chaque match.
Toutes ces origines différentes, est-ce une force ou un défi supplémentaire ?
Une force.
En 2015, la presse a dévoilé qu’il existait un certain nombre d’incompréhensions entre les joueurs d’origine suisse et ceux d’origine balkanique. Quel regard portez-vous sur cette affaire avec le recul ?
Cette affaire, comme vous dites, n’en était pas une pour moi. Déjà à l’époque, je savais très bien que la réalité était bien différente du tableau brossé par certains médias.
Comment se déroule la préparation du Mondial 2018 ?
Parfaitement, je suis très satisfait. Jusqu’à présent, notre préparation a été optimale, dans tous les domaines. C’est ma première participation à une phase finale de Coupe du monde, mais je sais que je peux compter sur la grande expérience de l’ASF. Là aussi, je dois dire que je peux m’appuyer sur l’engagement de nombreuses personnes de tous les horizons. Et l’amalgame fonctionne à merveille, l’esprit d’équipe est remarquable.
Vladimir Petkovic´ a répondu à nos questions par écrit.