Martine Brunschwig Graf est la présidente de la Commission fédérale contre le racisme (CFR)
La CFR a décidé de consacrer le numéro 42 de TANGRAM aux convergences et aux différences entre le travail d’intégration et la lutte contre le racisme. Les deux sont indispensables, complémentaires et visent pour l’essentiel à permettre à toutes et tous de vivre ensemble dans le respect des droits fondamentaux garantis par notre État de droit.
Notre pays ne disposait pas jusqu’ici de loi mentionnant l’intégration dans son titre. Cela va changer dès le 1er janvier prochain, puisque la loi sur les étrangers sera enrichie désormais de la mention de l’intégration. Le code pénal, à son article 261bis, sanctionne le racisme, la discrimination raciale et l’appel à la haine qui se manifestent publiquement. Aucune loi, en revanche, ne règle sur le plan civil la question de la discrimination raciale qui peut se manifester au quotidien. Les personnes qui se sentent victimes de pratiques discriminatoires en raison de leur origine, leur couleur de peau, leur religion se retrouvent donc devant un véritable parcours du combattant pour faire valoir leurs droits.
Nous ne pouvons que souligner l’importance des travaux effectués par les bureaux de l’intégration cantonaux et communaux qui, sur le terrain, remplissent les missions attendues par les autorités dans le cadre de la politique d’intégration établie au niveau fédéral et par les législations cantonales. Dans le mandat assumé par les cantons figure aussi la lutte contre la discrimination. C’est dans ce cadre que les délégués à l’intégration veillent à la mise en place de structures d’écoute accessibles aux personnes qui s’estiment victimes de discrimination raciale. Ces lieux d’écoute sont très précieux car ils permettent un accompagnement personnalisé, des conseils indispensables, des activités de médiation qui permettent de développer des bonnes pratiques dans les lieux de la vie quotidienne où peuvent se produire des pratiques discriminatoires. Tout ne se résout pas devant les tribunaux, loin de là.
Mais la lutte contre le racisme et la discrimination revêt des aspects complexes. Ainsi, la vision politique qui estime que la réponse au racisme réside essentiellement dans la politique d’intégration ne tient pas compte d’une réalité : le racisme ne frappe pas que les étrangers. Un Suisse noir, une femme suisse musulmane, une famille yéniche ou encore des personnes de confession juive et de nationalité suisse peuvent subir des agressions et des discriminations de nature raciste. Les étrangers parfaitement intégrés sont eux aussi exposés au racisme et à la discrimination. Ni une très bonne intégration, ni la nationalité suisse ne préservent du racisme.
Les stéréotypes ont la vie dure et ils se moquent de la nationalité. La plupart du temps, les populations les plus exposées ne sont pas maltraitées différemment selon qu’elles soient suisses, intégrées ou non. Cela signifie que la politique de lutte contre le racisme porte sur un champ d’activité et de compétence plus large que celui de l’intégration, même si celle-ci est un élément important. Ces deux politiques ne sont pas dans une situation de rivalité, mais dans une démarche de complémentarité. C’est la raison pour laquelle les instruments de lutte contre la discrimination prévus dans les programmes d’intégration doivent recevoir toute l’attention et les moyens financiers nécessaires.