Auteurs
Yves de Matteis et Laurent Tischler sont chargés de projet au Bureau de l’intégration des étrangers à Genève. yves.dematteis@etat.ge.ch
laurent.tischler@etat.ge.ch
Quelles sont les spécificités d’un projet de prévention du racisme par rapport à un projet d’intégration ? Quelles sont les bonnes pratiques en matière de lutte contre le racisme ? Ces deux questions sont régulièrement posées aux bureaux d’intégration des étrangers, également chargés de la prévention du racisme. Elles montrent que les frontières et corrélations entre politiques d’intégration et de lutte contre le racisme ne sont pas encore bien comprises dans la pratique. En réalité, si chaque domaine mérite une mise en œuvre propre, les deux sont indissociables. Exemples genevois à l’appui.
Comme les autres services spécialisés, le Bureau de l’intégration des étrangers du canton de Genève (BIE) s’interroge sur le rapport entre politiques d’intégration et prévention du racisme. Qu’est-ce qui différencie dans la pratique les projets liés à ces deux missions ?
Premier constat : les projets d’intégration se focalisent sur l’accès aux prestations et la participation des personnes migrantes aux différents espaces de la vie sociale (emploi, éducation, logement, politique, etc.). Quant aux projets de prévention du racisme, ils visent à prévenir ou éliminer les inégalités dans l’accès à ces espaces et à lutter contre le racisme et les préjugés.
Deuxième constat : si la prévention du racisme et l’intégration des étrangers constituent des objectifs différents, elles sont en réalité indissociables. Ouvrir l’accès aux espaces de la vie sociale ne suffit pas. Il faut garantir une participation sur un pied d’égalité. Pour y arriver, il s’agit de supprimer les obstacles, en atténuant voire en éliminant les discriminations, en particulier celles liées à l’ethnie, à la nationalité ou à la religion.
Troisième constat : il est nécessaire de distinguer les actions pour éviter de dissoudre la prévention du racisme dans des projets plus larges d’intégration. Sans cette distinction, on met les différentes actions en péril et on risque de passer plus de temps à prouver que le racisme existe plutôt que de discuter des mécanismes en jeu et d’élaborer des stratégies adéquates.
Pour illustrer ces constats, voici trois exemples de projets de prévention du racisme soutenus par le BIE ces dernières années. En 2017, une journée a été consacrée à la discrimination raciale au travail. Au programme : stands d’information, témoignages, projection documentaire, table ronde avec des spécialistes et repas pour favoriser les échanges informels. Un projet de 2016 a mandaté trois classes d’un collège pour débusquer des propos racistes sur Internet, dans le but d’intégrer ces propos, avec l’aide de professionnels, sur des affiches soumises aux commentaires des passants, avec captation pour restituer les réactions du public. Enfin, comme dernier exemple, une série d’initiatives pour montrer que les musulmans (souvent décrits comme un bloc monolithique) correspondent à des réalités différentes : portes ouvertes des mosquées genevoises, exposition sur les Albanais musulmans ayant sauvé les populations juives d’Albanie des nazis ou encore conférence sur les spécificités des musulmans des Balkans. À préciser que ces trois projets se sont focalisés soit sur une discrimination précise (monde du travail), soit sur un public cible spécifique (les jeunes), soit sur une population victime de préjugés (les musulmans).