TANGRAM 38

L’accès à la justice sur le plan international. Les mécanismes incontournables de la protection contre la discrimination

Auteurs

Professeure ordinaire à l’Université de Genève, Maya Hertig est spécialisée en droit constitutionnel suisse, européen et comparé, et dans le domaine de la protection des droits humains. Elle est membre de la Commission fédérale contre le racisme et du Comité international de la Croix-Rouge.
Maya.Hertig@unige.ch

Avocat-stagiaire, Julien Marquis a étudié à Genève et à Berne. Il achève actuellement une thèse de doctorat à l’Université de Genève portant sur la qualité pour agir devant la Cour européenne des droits de l’homme.
jmarquis@avocats.ch

Pour les victimes de discrimination raciale qui échouent à obtenir gain de cause devant les instances helvétiques, les conventions internationales protectrices de droits humains offrent un ultime filet de secours.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la protection internationale des droits humains a connu un essor remarquable. L’idée selon laquelle les droits de la personne humaine ont besoin d’un ancrage non seulement au sein des États mais également dans des instruments internationaux, dotés de leurs propres mécanismes de contrôle, a fait son chemin. Elle prend toute sa force dans le domaine de la lutte contre le racisme, l’État nation ayant démontré son incapacité à sanctionner et à prévenir des actes de discrimination raciale.

Deux instruments internationaux pour lutter contre la discrimination

Parmi ces instruments, deux revêtent une pertinence pratique particulière : la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) – l’instrument phare de protection des droits humains sur le continent européen, adopté en 1950 sous l’égide du Conseil de l’Europe – et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR), convention à vocation universelle conclue sous les auspices des Nations Unies en 1965.

Les organes de contrôle institués par ces deux traités sont aussi compétents pour statuer sur des plaintes émanant de particuliers : véritable tribunal international, la Cour européenne des droits de l’homme rend des jugements, à savoir des décisions juridiquement contraignantes, que les États parties sont tenus de mettre en œuvre. Gardien de la CEDR, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale est une instance composée d’experts indépendants. Les conclusions auquel il aboutit sous forme de « suggestions et recommandations » n’ont pas la force de jugements, mais les États parties doivent néanmoins y donner suite.

L’accès à la justice internationale peut être entravé par différents facteurs, comme une connaissance insuffisante des mécanismes concernés, des difficultés financières ou encore des obstacles d’ordre psychologique. Nous nous concentrerons sur les facteurs d’ordre juridique, en mettant en exergue les éléments propres à l’accès aux deux mécanismes internationaux susmentionnés. Nous illustrerons notre propos à l’aide d’un cas fictif, inspiré d’une affaire portée devant la Cour européenne (Aksu c. Turquie, 15 mars 2012).

L’exemple d’Arthur, un Suisse qui souhaite saisir la justice internationale

Membre de la communauté des Yéniches suisses, Arthur constate avec indignation que le matériel scolaire de sa fille contient des passages qui perpétuent selon lui des stéréotypes négatifs et des préjugés dont sa communauté est victime. Face à l’indifférence des autorités scolaires, il dénonce le problème auprès d’une organisation non gouvernementale (ONG) ayant notamment pour but la défense des droits humains, l’exhortant à porter elle-même l’affaire devant une instance internationale ou tout du moins à l’assister dans ses démarches.

À ce stade, il convient encore de préciser qu’il n’est pas possible de saisir à la fois le Comité de l’ONU et la Cour européenne : les mécanismes s’excluent. Arthur devra donc choisir.